Ils sont beaucoup utilisés en entreprise : pour le recrutement, la consolidation des équipes ou encore le développement de carrière. Les inventaires de personnalité peuvent-ils prédire les comportements qui mènent au succès? Voici leurs atouts et leurs limites.

Vous n'êtes jamais tombé dessus au cours de votre carrière? Vous avez dû en croiser à plusieurs reprises sur le Web. Les tests ou inventaires de personnalité fleurissent en ligne comme au travail dans le but d’établir des profils plus ou moins nuancés de leurs répondants.

Si l’analyse des traits de personnalité intéresse tant les entreprises, c’est parce qu’ils orientent le mode de pensée, les comportements et les réactions émotives des individus dans une variété de contextes de travail[1]. «En ce sens, les mesures de personnalité apportent une contribution unique à la prédiction du succès en emploi, au-delà des habiletés cognitives et techniques», résume Denis Morin, professeur titulaire au Département d'organisation et ressources humaines de l’UQAM.

C’est aussi ce qui les différencie d’autres tests psychométriques dits d’aptitude, de capacité ou encore d'intérêt.

Des usages multiples

Lorsqu’ils sont utilisés pour le recrutement ou la promotion interne, ces tests peuvent aider à comprendre les préférences des individus par rapport au contexte de travail, indiquer si une personne détient certaines compétences ou encore, si elle est susceptible de les développer. «Ce sont des moyens relativement rapides et peu coûteux de connaître les candidats. Cela peut aussi donner de l'information qui va permettre d'améliorer le processus de sélection», relève Pascal Savard, CRHA et partenaire chez Phénix Conseil.

Ces inventaires peuvent également soutenir les individus dans leur développement de carrière ainsi que les gestionnaires dans l'organisation ou la consolidation de leurs équipes. «Savoir quelles sont les préférences des individus, comment ils gèrent les défis, les relations… tout cela améliore l'efficacité des équipes, parce que ça permet de développer l'empathie, de se mettre dans les chaussures de l'autre», appuie Pénélope Codello, professeure agrégée au Département de management de HEC Montréal.

Quelle valeur prédictive?

Ces tests présentent également des limites, ce qui nécessite de prendre des précautions lors de leur mise en place et de leur interprétation. Particulièrement lorsqu’ils sont utilisés dans le domaine de la sélection.

«Ils ne sont pas particulièrement prédictifs de la performance future», prévient Pascal Savard, qui justifie ces résultats par la variance dans les comportements que l’on attribue aux individus, et qui fluctuent énormément selon les situations. «Plein de gens introvertis réussissent très bien en vente, parce qu’ils savent qu'ils doivent avoir l'air heureux et chaleureux devant un client.»

«Plusieurs variables contribuent à expliquer la performance en emploi. La personnalité n’en est qu’une parmi d’autres», avance dans le même sens Pascale L. Denis, professeure titulaire au Département d'organisation et ressources humaines de l’UQAM. Les facteurs de personnalité restent cependant riches d’information, selon la chercheuse. «Certains sont de bons indicateurs de la performance en emploi au sens large, d’autres de la performance en lien avec la tâche, d’autres de la performance contextuelle.»

En fin de compte, il est préférable d'interpréter les résultats avec une certaine distance. Les traits habituellement associés à la performance au travail peuvent d’ailleurs présenter des effets pervers s’ils sont développés à l’excès, rappelle Denis Morin. «Un certain niveau de conscience professionnelle est requis pour produire un rendement satisfaisant, mais un employé perfectionniste peut avoir de la difficulté à respecter des délais.»

Quel test choisir?

Face à la multitude des inventaires et de leurs appréciations (les fondements scientifiques de certains tests peuvent être sujets à caution), comment s’assurer de faire un choix pertinent?

«Un adage dit : il n’y a pas de mauvais test, il faut juste l'utiliser dans le bon contexte», indique Pascale L. Denis. La chercheuse souligne en exemple qu’un test qui n’est pas nécessairement validé à des fins de sélection – tel que le célèbre Myers-Briggs Type Indicator (MBTI) – peut s'avérer intéressant à des fins de team building. «Il faut toujours regarder à quelle fin l'outil a été développé et interpréter les résultats à cette fin-là.»

Elle préconise par ailleurs de favoriser les inventaires fondés sur des théories de la personnalité et qui viennent avec une documentation précise. «À quelle fin et comment ont-ils été développés? Auprès de quelle population peuvent-ils être utilisés? Avec quels indices de validité et de fidélité?»

Qui peut l’utiliser auprès des candidats et des employés?

Afin d’aider les entreprises à la prise de décision une fois les tests de personnalité passés, certains fournisseurs d'évaluations psychométriques offrent leur expertise dans la synthèse des résultats, explique Pascal Savard. Tandis que d’autres vont créer une certification ou un programme de formation pour les utilisateurs. «Les éditeurs vont généralement bien former les gens pour qu’ils puissent comprendre ce que dit le test, et qu’ils sachent ensuite l’utiliser».

Obtenir ce type de certification permet notamment de garantir une interprétation conforme des résultats de l’inventaire, soulève Pascale L. Denis. Quitte à obtenir une certification spécialisée si le test touche des aspects sensibles, tels que la santé psychologique. «Il ne faut pas nécessairement que l’utilisateur ait un doctorat en psychologie. Il peut, par exemple, s’agir de conseillers en ressources humaines qui sont allés chercher une formation sur le marché.»

Lorsque ces tests sont réalisés à l’initiative de gestionnaires dans le cadre d’interventions en équipe, Pénélope Codello recommande de faire appel à une personne extérieure pour effectuer le compte rendu de l’activité. «Les gestionnaires sont trop partie prenante», estime l'enseignante, qui souligne également la nécessité d’obtenir le consentement de tous les participants avant de dévoiler leurs profils. «Ce sont des tests extrêmement personnels, il faut éviter d’organiser ça de façon sauvage.»

Les bonnes pratiques en sélection

- Éviter de rechercher un profil idéal de la personnalité : tous les candidats possèdent simultanément des traits qui les disposent à la performance et d’autres qui les en éloignent.

- S’assurer que l’information recueillie soit en lien avec le poste à pourvoir : il faut être capable de démontrer que l'information collectée est pertinente et nécessaire à l’attribution du poste.

- Opter pour des tests longs : cela offre un gage de stabilité dans les résultats.

- Combiner l’inventaire à d’autres outils de sélection : multiplier les outils de sélection, en incluant des entretiens, augmente les chances de bien prédire la performance.


Note

[1] Boudrias, J. & Morin, D. (2011). «Démystifier les inventaires de personnalité». Gestion, 36, 61-73.