Cette semaine, notre collègue Louis Hébert et ses acolytes, les professeurs Réal Jacob, Alain Gosselin, Eric Brunelle et Roman Oryschuk, tous de HEC Montréal, procédaient au lancement du livre Paroles de PDG (Éditions Rogers), une véritable plongée dans le cœur et l’âme de ces femmes et hommes qui ont bien en mains les rênes de nos entreprises. Louis Hébert nous révèle quelques réflexions issues de ces rencontres avec ces PDG...

Le métier de PDG demeure un mystère

Après plus de cent cinquante heures d’entrevue avec soixante-quinze hauts dirigeants du Cercle des présidents du Québec, et des centaines de pages de transcription d’entrevue, Louis Hébert, professeur titulaire en management ayant chapeauté le projet du livre Paroles de PDG, confie, sourire en coin, que le métier de PDG persiste dans les brumes de son mystère. « Mon premier constat peut sembler étonnant, c’est vrai! Après ces heures de rencontre en profondeur avec tous ces présidents qui se sont livrés de bonne foi, qui se sont révélés à nous avec authenticité, qui nous ont raconté leur métier et ses dessous, et malgré les nombreuses recherches sur le leadership et les multiples ouvrages qui promettent de livrer les leçons gagnantes, force est d’admettre que nous n’en connaissons pas tant que ça sur le métier de PDG! » En fait, selon Louis Hébert, l’image grandiose, glamour, qui émane du personnage du PDG, est telle une pointe d’iceberg qui émerge des coulisses des grandes entreprises à succès, captivant l’attention et se nourrissant des regards pour briller davantage. Pourtant, poursuit avec verve le chercheur en management, « 99 % des PDG œuvrent dans l’anonymat. Alors l’image reflétée, cette fascinante figure emblématique, n’est qu’une image déformée… et en bout de compte, on ne connaît pas le métier de PDG, il semble insaisissable, impossible à classer ou à définir. »


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Un métier à inventer

Le deuxième constat s’impose à la suite du premier : si le métier de PDG résiste à la définition, c’est parce qu’il se crée selon l’individu. « Ce n’est pas de la peinture à numéros », s’exclame Louis Hébert. « Il n’y a pas de truc, pas de conclusion à tirer autre que la suivante : chacun incarne un PDG qui le représente, chacun invente son rôle à partir de ce qu’il est, de ce qu’il porte comme forces, faiblesses, expériences. » Il faut probablement certains traits de personnalité, concède le spécialiste en management, mais combien? Et lesquels? Impossible à dire. À leur façon, les PDG eux-mêmes admettent et comprennent intuitivement cet état de fait… et l’apprécient. Selon eux, « avoir les commandes, c’est apprendre à diriger comme on est : ‘C’est un des métiers les plus stimulants, car tu peux diriger l’entreprise là où tu le veux. Mais tu apprends sur le tas. (…) Premièrement, tu dois te connaître, t’apprivoiser toi-même, t’adapter à ton propre style. Ça, ce n’est pas seulement vrai pour le poste de PDG, mais encore plus pertinent dans ce cas, parce que, dans un poste de PDG, tu as peu de repères. Il faut que tu fasses, que tu décides avec ce que toi, tu juges correct selon tes propres valeurs, selon tes expériences. Dans un poste subalterne, tu peux toujours vérifier tes décisions auprès de ton patron. Le PDG, lui, est seul.’ » (citation tirée de Paroles de PDG, sous la direction de Louis Hébert, Éditions Rogers, 2014, page 24). « On dirige comme on est, comme l’a si bien dit Laurent Lapierre », conclut Louis Hébert. Tout est là.


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Un point de départ

Coulant tout naturellement des deux premiers, le dernier constat observé par Louis Hébert à la suite de Paroles de PDG, est qu’il n’y a pas de chemin tracé d’avance. « Le métier de PDG n’est pas une destination. Lorsqu’on le devient, qu’on entre en poste de PDG, c’est un point de départ du trajet, un trajet composé de hauts et de bas. » Et comme tout trajet, il y a les hasards de parcours, les accidents et les opportunités qui en tracent les sinuosités et les détours. « Au début du projet de Paroles de PDG, je lisais les mémoires de Churchill (Winston S. Churchill, Mémoires de guerre 1919-1941, Tallandier, 2013, p.260) où il explique, notamment, que « dans quel que domaine d’action que ce soit, aucune comparaison n’est possible entre la position de numéro un et celles des numéros deux, trois ou quatre. Les devoirs et problèmes de toute personne autre que le numéro un sont très différents. » Sans dénigrer quoi que ce soit, il importe de reconnaître que le PDG a un rôle particulier, une responsabilité de faire de grandes choses », ajoute Louis Hébert, qui conclut qu’il n’y a pas de bons ou de mauvais PDG, mais des individus porteurs d’une vision, meneurs d’une équipe et responsables du succès d’une entreprise … et tout cela, avec l’humanité et la complexité dont ils sont tissés.