Quatre entrepreneurs chevronnés se sont posé ces interrogations cruciales, et vous invitent en faire de même.

Les entreprises en démarrage qui grandissent risquent de perdre leur agilité suite aux vagues de croissance dans leurs premières années d’activités. Mais la croissance d’une entreprise n’est pas seulement une question de taille. Elle affecte la nature même de l’entreprise, son fonctionnement, son rapport à l’environnement externe, de même que les mécanismes de prise de décision des dirigeants de l’entreprise. Comment bien gérer sa croissance?

Pour répondre à cette question, l'EMBA McGill-HEC Montréal a invité quatre de ses diplômés afin qu’ils partagent leurs expériences personnelles de croissance : Guy Gervais (EMBA 2013), entrepreneur et ange financier, Danny Macdonald (EMBA 2011), vice-président et cofondateur de Groupe Age3, Philippe-Aubert Messier (EMBA 2013), cofondateur d’Appolo Studios et Stéphane Rouleau (EMBA 2013), président et fondateur d’Innobec. De cet évènement, nous retenons quatre questions qui pourront guider vos réflexions sur les ambitions que vous avez pour votre entreprise.

Quels sont les moteurs de la croissance?

On mentionne rarement à quel point les émotions ont un rôle à jouer dans le parcours d’un entrepreneur. Pourtant, selon les panélistes, les principaux moteurs de croissance pour les dirigeants d’entreprises sont la passion et la persévérance. Sans les émotions, sans un ardent désir de gagner, il est difficile de trouver la motivation pour se démarquer de la concurrence et pour surmonter toutes les épreuves qui permettent d’y arriver. Car des épreuves il y en aura, et cela nous mène à notre seconde question.

Quel est le prix à payer pour soutenir la croissance?

Pour Philippe-Aubert Messier, la croissance laisse inévitablement des cicatrices. Qu’elles soient psychologiques, ou familiales, il n’y a pas de période de croissance qui ne laisse pas de traces. Par contre, la croissance est également enivrante en ce sens qu’elle est une source inouïe d’apprentissages. Une leçon est associée à chaque cicatrice, et c’est ce qui rappelle les erreurs du passé, mais aussi les bons coups.

Pour Stéphane Rouleau, par exemple, la croissance soutenue de son entreprise a été une source d’épuisement professionnel qui l’a obligé à prendre quelques mois de congé. Généralement très impliqué dans toutes les décisions de son entreprise, cette période de recul lui a permis de prendre conscience de la capacité de son équipe à livrer la marchandise malgré son absence. Cette prise de conscience nous amène vers la troisième question à se poser lorsqu’on gère sa croissance : comment bâtir son équipe?

Comment choisir son équipe?

Pour Monsieur Dutton, l’entreprise se résumera toujours à des personnes. Le choix des collaborateurs, la façon de les motiver, de les gérer et même de les congédier compte parmi les décisions les plus importantes des dirigeants d’entreprises. Mais comment choisir les bonnes personnes?

Pour les panélistes, la complémentarité est un élément fondamental. Danny Macdonald, par exemple, utilisait l’image de la couverture. En ayant des VP qui tirent la couverture dans des directions opposées, on s’assure un regard critique sur les décisions. Le défi est alors de maintenir un équilibre au sein de l’équipe.

La capacité d’assurer un équilibre entre l’interne et l’externe dans l’embauche est un autre élément que les panélistes ont identifié comme étant essentiel. D’un côté, la promotion interne permet d’assurer une continuité culturelle au sein de l’entreprise. Mais d’un autre côté, l’embauche externe permet de recruter des individus possédant une expérience, des habiletés et des connaissances qui pourraient s’avérer profitables pour l’entreprise. Le défi est alors, une fois encore, d’assurer un équilibre

Faites-vous des plans pour vous assurer que votre croissance tient la route?

Les panélistes avaient une relation indécise avec les plans. D’un côté, ils les percevaient comme un outil appuyant la génération d’idées et offrant un cadre holistique pour réfléchir à une problématique. D’un autre côté, par contre, les entrepreneurs accordaient également énormément d’importance aux stratégies émergentes. La clé du succès, alors? Selon les panélistes, il s’agit de rester agile et à l’affût des opportunités.

Danny Macdonald, notamment, a mentionné que c’est dans les stratégies émergentes que repose la croissance de son entreprise. Pour lui, une planification stratégique de cinq ans lorsqu’une entreprise est en forte croissance, c’est irréaliste. À ce titre, Philippe-Aubert Messier suggère aux dirigeants d’entreprises de fail fast (échouer rapidement) : « Il faut essayer des affaires, être prêt à se casser la gueule et changer de cap rapidement. Je ne sais pas dans quel monde vivent les gens qui font de la planification sur cinq ans et qui suivent ça à la lettre…, oui il faut que tout se tienne, il faut faire des business case, mais dans l’exécution il faut être alerte aux stratégies émergentes, aux gens qui ont des idées qui ressortent du champ gauche. »

La planification est donc un moyen pour réduire l’incertitude, mais il faut être prêt à prendre des risques, voire même à échouer, pour générer la croissance de son entreprise. En ce sens, Robert Dutton, suggère que celui qui n’a pas connu l’échec a probablement manqué d’audace et d’entrepreneurship. Pour lui, le seul échec véritable, c’est d’avoir abandonné.

En somme, la gestion de la croissance est une activité éprouvante et parsemée de paradoxes que les panélistes ont tous vécue, chacun à leur façon, mais en se confrontant à des problèmes semblables. Les quatre questions que nous suggérons devraient pouvoir vous aider à réfléchir sur vous-même et sur votre entreprise avant de prendre votre prochaine décision importante. Pour reprendre les mots de Guy Gervais, toutefois, il faut se rappeler que la croissance peut aussi être un piège. Le risque est en effet qu’elle s’accélère tellement que quelqu’un frappera à la porte pour vous acheter. À ce moment, que ferez-vous?

Un texte de Jérôme Gonthier