Colère, stress, négativité : l’humeur de ses collègues, de ses employés – ou de son patron – peut influencer grandement le climat de travail. S’il est difficile de se soustraire complètement à ces soubresauts, il est toutefois possible de s’en protéger.

«L’humeur d’une personne peut être contagieuse. Et il y a un effet multiplicateur si celle-ci occupe une position hiérarchique élevée, surtout si son humeur est négative», explique Jean Poitras, professeur titulaire au Département de gestion des ressources humaines à HEC Montréal. Colporter des rumeurs, intimider les autres, être agressif : les personnes ayant des comportements toxiques peuvent aussi rendre la vie difficile autour d’elles. «Non seulement cela enlève le plaisir au travail, mais cela peut aussi nuire à la coordination des tâches parce que les gens vont avoir tendance à s’isoler. Au final, c’est la cohésion d’équipe qui est affectée», rappelle-t-il.

Dans son livre Relations difficiles au travail? Mode d'emploi pour une approche empathique et ferme, Mathieu Guénette a analysé huit profils de personnalités aux comportements difficiles au bureau. Il a choisi les catégories qui revenaient le plus souvent dans ses interventions qui vont du caméléon, souvent passif-agressif, au méfiant, parfois paranoïaque, en passant par les personnalités instables. «Si on prend l’exemple de la personne narcissique, elle va nous faire rager parce qu’elle a tendance à toujours vouloir se montrer meilleure que les autres. Elle peut aussi tenter de diviser pour mieux régner», souligne le CRHA et conseiller en orientation organisationnelle.  

Gérer les comportements qui détonnent

Devant un employé ayant des sautes d’humeur, Jean Poitras suggère d’analyser le comportement pour voir s’il est récurrent ou non. Si cette attitude est circonstancielle, le gestionnaire pourrait lui offrir du soutien pour passer à travers ce mauvais moment. «S’il s’agit d’un trait de caractère, c’est plus difficile à changer. Dans ce cas, on peut lui donner des responsabilités où il ne contaminera pas les autres avec ses humeurs. On peut parfois réorganiser les tâches pour s’assurer qu’il est à la bonne place.» Si en plus d’être maussade, l’employé affiche une mauvaise performance, c’est sur cet aspect qu’il faut intervenir, ajoute-t-il.

De son côté, Mathieu Guénette propose d’adopter une approche «empathique et ferme» qui se décline en différentes stratégies d’intervention. «Par exemple, on pourrait rappeler à la personne qu’on apprécie le fait de travailler avec elle, mais que ce n’est pas facile ces derniers temps. Ensuite, on pourrait lui dire qu’on a peut-être notre part de responsabilités, qu’on aurait peut-être pu faire les choses autrement.» Cela évite que la personne ne se sente menacée et se braque. De plus, il faut se montrer empathique, en expliquant que l’on comprend que l’employé vit peut-être un moment difficile, poursuit-il.

Le spécialiste des RH conseille également de dépersonnaliser la situation en disant, «en tant que patron, je dois m’assurer qu’on agit de manière à conserver un bon climat de travail et si tu lèves le ton, cela vient entraver cela», donne-t-il en exemple. L’idéal est aussi de se concentrer sur un objectif à atteindre et de chercher des solutions avec l’employé. Un type d’intervention qui, bien entendu, varie selon les situations et qui requiert une certaine préparation.

Jean Poitras propose quant à lui de faire appel à un expert en ressources humaines, surtout s’il faut faire cesser des gestes toxiques. Un conseil qui vaut tout autant si on éprouve un problème avec un collègue. Le professeur spécialisé en médiation recommande alors de cibler un ou deux points à modifier chez l’autre et de lui demander s’il voit aussi des choses à améliorer de notre côté. «Parfois, le simple fait de travailler quelques comportements de part et d’autre permet de passer dans une zone de confort relationnel.»

Devrais-je partir ou bien rester?

Que faire si l’attitude de notre patron nous déplaît? Si on se sent à l’aise, on pourrait lui en glisser un mot, explique Mathieu Guénette. Jean Poitras suggère aussi de voir s’il est possible de composer avec les traits de caractère plus rugueux de notre supérieur. «Quelqu'un peut être grognon, mais avoir d'autres qualités qui compensent. Par exemple, on pourrait apprécier son patron même s’il ne respire pas la joie de vivre parce qu’il est efficace pour régler des problèmes, qu’il est juste, qu’on peut lui faire confiance... Donc, il faut aussi regarder les bons côtés.»

Peu importe la situation dans laquelle on se trouve, il n’y a pas mille solutions, renchérit Mathieu Guénette. «En fait, cela se résume à une règle de trois : soit on essaie de changer les choses, ce qui est l’idéal si cela fonctionne. Si c’est n’est pas possible, on peut essayer adopter une posture mentale qui nous rend plus stoïque par rapport à ce qu’on vit. Si c’est impossible, la troisième option, c’est de changer d’emploi.»