Certaines entreprises admettent les animaux de compagnie sur les lieux de travail. Quelles sont les règles à suivre pour bien encadrer cette pratique?

Avec 3,4 millions de chiens et chats au Québec, il n’est pas rare que pitou ou minou fasse une incursion au bureau. C’est le cas des deux Scottish Fold de Karine, qui occupe un poste de cadre dans une entreprise de Montérégie. Ophelia et Adaline, deux chattes très calmes et sociables, ne se font pas prier pour accompagner leur maîtresse au travail. «Je les amène avec moi sporadiquement, et uniquement les jours où je n’ai pas de rendez-vous afin que les visiteurs ne soient pas surpris par leur présence», raconte-t-elle, ajoutant que ces deux félins ont un effet apaisant sur tous. «Quand elles sont là, les employés passent leur rendre visite. Ils les flattent, les écoutent ronronner, cela réduit le niveau de stress. C’est une véritable zoothérapie», affirme-t-elle.

Des résultats nuancés

Ces effets bénéfiques, Karine n’est pas la seule à les constater. Même si la littérature scientifique à ce sujet est encore limitée, plusieurs incidences sont déjà documentées. «Une étude1 démontre que les employés qui amènent fréquemment leur chien au bureau affichent un bien-être et une qualité de vie au travail supérieurs à ceux qui ne le font pas», explique Catherine E. Amiot, Ph.D., professeure titulaire au Département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal et directrice du Laboratoire de recherche sur les relations humains-animaux. Ces personnes témoignent également d’un niveau d’engagement plus élevé et ont moins l’intention de changer d’emploi.

Une autre recherche2 indique que les employés avec un animal au travail vivent des émotions positives ainsi qu’un sentiment d’accomplissement personnel.

La professeure souligne toutefois qu’il faut faire preuve de prudence dans l’interprétation des résultats, car d’autres travaux scientifiques n’ont pas nécessairement trouvé de lien de causalité entre bien-être et présence d’un animal au bureau. «Il existe plusieurs croyances et biais positifs concernant les animaux, c’est pourquoi on doit se montrer nuancé. Par exemple, nous avons découvert3 que les bénéfices de posséder un animal pendant la pandémie dépendaient de certaines caractéristiques socioéconomiques. Le bien-être des propriétaires d’animaux était moindre lorsqu’il s’agissait de femmes, de ménages comptant deux enfants et plus, ou de personnes sans emploi», mentionne-t-elle.

Les bonnes pratiques

Sur le terrain, Annie Boilard, CRHA, Distinction Fellow et présidente du Réseau Annie RH, a pu observer que la conduite des entreprises diffère. Elle explique que l’on retrouve généralement trois approches : soit les organisations sont ouvertes à la présence d’un animal sous certaines conditions; soit un seul animal – toujours le même – est autorisé sur les lieux; soit les employés peuvent venir au bureau avec leur animal une seule journée par an.

«Quoi qu’il en soit, il est important d’implanter une politique claire, de penser en priorité aux individus et de prévoir des accommodements pour ceux qui ne sont pas à l’aise avec les animaux, par exemple pouvoir travailler de chez soi le jour où un collègue amène le sien au travail», précise-t-elle. Il faut aussi prendre en compte les réticences, craintes et même les allergies aux animaux des autres employés.

La politique devrait aussi spécifier quel type d’animal (et quelles races) est autorisé au bureau et à quel moment. Les reptiles, rongeurs et autres animaux exotiques ne sont en effet pas nécessairement les bienvenus au boulot!

On pensera aussi à établir les conditions sanitaires à respecter (vaccins, traitements antiparasitaires, etc.), ce qui est prévu en cas d’accident et la police d’assurance qui couvrira les incidents éventuels (celle de l’entreprise ou l’assurance individuelle de l’employé).

Catherine Amiot conclut en soulevant qu’un élément clé est souvent oublié dans l’équation : le bien-être de l’animal lui-même. «Un animal peu socialisé risque de vivre du stress. Dans ces conditions, cela ne sera pas une expérience plaisante ni pour lui, ni pour son propriétaire, ni pour les autres employés», prévient-elle.

Mais en faisant preuve de discernement et en encadrant bien les pratiques, on s’assure d’une agréable cohabitation entre humains et animaux sur les lieux de travail.


Notes

1 - Taking Dogs Into the Office: A Novel Strategy for Promoting Work Engagement, Commitment and Quality of Life. Hall SS and Mills D, Frontiers in Veterinary Science, mai 2019.

2 - The effects of facility dogs on burnout, job-related well-being, and mental health in paediatric hospital professionals, Clare L. Jensen, Jessica Bibbo, Kerri E. Rodriguez, Marguerite E. O’Haire, J Clin Nurs. Mai 2021. 

3 - Pet ownership and psychological well‑being during the COVID‑19 pandemic, Catherine E. Amiot, Christophe Gagné et Brock Bastian, Scientific Reports, avril 2022.