Quand l’amélioration continue est source de désengagement
2025-01-07

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2025-01-16
Quand l’amélioration continue est source de désengagement
Management , Ressources humaines

L’amélioration continue est devenue une véritable obsession au sein de bien des entreprises. Mais les équipes qui doivent composer avec des changements incessants peuvent éprouver de la frustration et de la démotivation. Comment éviter cet écueil?
Si les principes de l’amélioration continue peuvent avoir des retombées positives dans les organisations, il n’en reste pas moins que sur le terrain, les employés se sentent parfois essoufflés. «Il y a une saturation, une forme de trop-plein lié à la fréquence, à la complexité et à l’impact que le changement aura sur le travail», explique Patrick Groulx, professeur au Département d’organisation et ressources humaines à l’ESG UQAM, précisant que l’amélioration continue constitue une forme de changement. «Lorsque les projets s’accumulent, la charge perçue par les équipess’accroît, en particulier s’il y a un manque de cohérence et d’alignement, et que les objectifs semblent contradictoires», ajoute le professeur.
Le sentiment de manquer de ressources pour opérer les changements attendus pèse également lourd dans la balance, ainsi que des cycles trop rapides qui ne tiennent pas compte de la capacité d’absorption des individus. Au bout du compte, au lieu de l’évolution organisationnelle positive attendue, ce sont plutôt la frustration, le désengagement et la démobilisation qui émergent du processus.
Projets d’amélioration ou amélioration continue?
À qui ou à quoi faut-il imputer cet échec? Sylvain Landry, professeur titulaire au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal, remarque qu’une erreur fréquente des entreprises consiste à ne pas comprendre en quoi consiste réellement l’amélioration continue. «La philosophie kaizen – l’amélioration continue – consiste à avancer par petites étapes et non pas à mener de vastes projets d’amélioration pilotés par des experts. Si on n’a pas l’approche adéquate, on va rater la cible», souligne-t-il.
Il cite en exemple la tentative de réforme du système de santé amorcée en 2008 par l’ancien ministre de la Santé Yves Bolduc, basée sur la méthode Toyota, qui a déraillé en raison de son approche par projets d’amélioration. «Cela n’a pas permis de changer la culture organisationnelle. Il aurait été préférable de mettre en place un système intégré qui, au lieu de ne concerner que quelques dizaines de personnes à la fois, aurait touché tout le monde», observe Sylvain Landry.
Un gestionnaire qui se positionne en tant que coach, reste à l’écoute de ses employés et vérifie que les bouchées ne soient pas trop grosses pour les équipes met aussi les chances de son côté. «En ce sens, il faut savoir prioriser et reporter les initiatives afin de respecter les capacités des équipes», recommande Patrick Groulx. Il conseille aussi aux gestionnaires de s’impliquer activement dans le processus, car s’ils ne le font pas, cela finit par générer frustration et saturation chez les travailleurs. «Il est tout aussi indispensable de s’assurer de créer du sens, de mettre l’accent sur les avancées et sur les retombées positives que cela a pour les employés», poursuit-il.
Constante évolution
Même si le changement n’est pas toujours facile à mettre en œuvre, nulle organisation ne saurait s’en passer aujourd’hui. «Nous sommes en quelque sorte condamnés à vivre dans un monde du travail en constante évolution. Les entreprises ou les équipes qui ne se remettent pas en question, qui n’adhèrent pas à une forme d’amélioration continue, se placent en situation de survie», estime Mario Côté, CRHA, consultant, conférencier et formateur.
Or, tous ne réagissent pas de la même façon au changement : si certains l’embrassent et même le provoquent, d’autres restent un peu à la traîne. «C’est pourquoi le gestionnaire aura intérêt à moduler le soutien différemment au sein d’une même équipe en valorisant la contribution spécifique de chacun et en définissant des objectifs qui soient à la fois réalistes, atteignables, tout en étant stimulants», suggère Mario Côté.
Il lui faudra aussi cultiver les habiletés relationnelles permettant à tous les membres de l’équipe de se sentir à l’aise et de fonctionner de façon optimale. «Empathie, réelle collaboration, communication, créativité et capacité de résolution de problèmes complexes sont des compétences indispensables. Autant d’habiletés nous différencient encore de l’IA et seront de plus en plus valorisées à l’avenir», assure Mario Côté.
Grâce à ces habiletés, le gestionnaire sera aussi en mesure de réagir rapidement et d’utiliser différents leviers s’il note une baisse de motivation. «Il pourrait par exemple démontrer de l’empathie face aux pertes ressenties en raison du changement, et faire ressortir les gains pour les individus et les équipes», illustre-t-il. Autant de bonnes pratiques qui contribueront au succès d’une démarche d’amélioration continue.
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