Article publié dans l'édition Hiver 2014 de Gestion

Dans une économie de plus en plus axée sur le savoir, les organisations se livrent une chaude bataille afin d’attirer des travailleurs qualifiés, nécessaires à la réalisation de leurs objectifs stratégiques et opérationnels. Cette « guerre des talents » est d’autant plus vive dans les pays ou les régions qui connaissent une pénurie de main-d’œuvre qualifiée.

Il devient dès lors fondamental pour les organisations de déployer les meilleures stratégies et pratiques pour attirer les candidats compétents. Parmi les employés qualifiés potentiels se trouvent les finissants universitaires. Les employeurs sont en effet nombreux à les solliciter, notamment à travers des salons de l’emploi ou par l’offre de stages dans leurs organisations. Face à une diversité de choix, cette catégorie de travailleurs devient de plus en plus exigeante, ce qui rend leur attraction difficile. Par ailleurs, les finissants universitaires, qualifiés et souvent issus de la génération Y, présentent des caractéristiques particulières. Il convient donc de s’intéresser à ce qui peut les amener à postuler dans une organisation.


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Cet article a pour objectif de répondre à cette préoccupation majeure des employeurs quant à l’attraction des finissants universitaires. En effet, dans un contexte de rareté du personnel, les employeurs doivent impérativement améliorer leur pouvoir d’attraction auprès des candidats potentiels, et ce, surtout auprès des finissants universitaires, souvent jeunes. Quels facteurs ces derniers considèrent-ils comme importants pour poser leur candidature dans une organisation ?

Est-ce que leurs intérêts se distinguent de ce que les enquêtes et les études ont démontré à ce jour ? Cet article aidera les employeurs à connaître l’importance relative de divers facteurs aux yeux des finissants. Se basant sur une recherche menée au Québec et sur une revue de la documentation, l’article propose une synthèse des facteurs déterminants pour les étudiants lors t de poser leur candidature dans une organisation.

Quelles sont les caractéristiques organisationnelles jugées importantes pour les finissants universitaires ?

Qu’en est-il des déterminants de l’attraction qu’exerce une organisation sur les finissants universitaires ? Ces derniers étant qualifiés et souvent issus de la génération Y, on leur attribue parfois certains besoins et attentes à l’égard du travail différents de ceux des générations précédentes1 ou des autres catégories de personnel. Il est donc logique de se questionner sur ce qui peut attirer ce type de travailleurs en particulier. À cet égard, nous abordons dans cette partie de l’article les facteurs les plus importants pour les étudiants universitaires francophones québécois2. Le tableau 1 fait d’ailleurs état d’un palmarès, chacun des critères y étant présenté en ordre d’importance.

Un travail stimulant qui sollicite les compétences des étudiants universitaires

Les étudiants universitaires sont particulièrement motivés à postuler pour des emplois qui leur permettent de mettre en œuvre une diversité de compétences. Cette caractéristique serait d’ailleurs parmi les plus considérées4. Dans la même veine, notre enquête fait ressortir l’importance de la possibilité pour les étudiants de relever des défis professionnels. Ce facteur arrive en effet en tête de liste. Dans notre échantillon, les femmes sont davantage préoccupées que les hommes par un emploi qui les met au défi.

Dans le même ordre d’idées, les étudiants universitaires québécois émettent le désir de poser leur candidature dans des organisations qui leur attribuent divers mandats. Ce sont plus précisément les étudiants des domaines de l’administration et des sciences naturelles qui évoquent le plus fréquemment ce critère.

Une grande enquête de la société-conseil Towers5, menée aux États-Unis, souligne que les personnes âgées de plus de 50 ans sont très sensibles à la diversité des mandats lorsqu’il est temps de poser leur candidature dans une organisation. Or, les résultats de notre sondage ne relèvent aucune différence significative au regard de l’âge. Les étudiants universitaires, peu importe leur génération d’appartenance, accordent en général beaucoup d’importance à ce facteur.

Outre l’assignation de tâches variées qui demandent un certain niveau de compétences, les étudiants universitaires indiquent l’importance de pouvoir acquérir de nouvelles compétences, au moyen de formations offertes par l’entreprise, à l’interne ou à l’externe6. Ce critère se classe parmi les 10 facteurs clés de l’attraction dans notre enquête.

Les étudiants âgés de 25 à 31 ans et les étudiants de 39 ans et plus sont ceux qui s’intéresseraient le plus aux programmes de développement des compétences des employeurs potentiels. Ces résultats rejoignent ceux d’études sur les différences générationnelles au travail7. En effet, dans le secteur privé, les jeunes auraient davantage d’attentes en matière de développement des compétences, alors que dans la fonction publique c’est plutôt le cas pour les employés âgés de 31 à 44 ans.

Un milieu de travail qui répond aux préoccupations des jeunes : les amis et la famille

La possibilité de s’accomplir au travail paraît donc fondamentale pour les étudiants universitaires. Plus précisément, ce type de facteur prend toute son importance au moment de l’acceptation de l’offre d’emploi8. La diversité des défis et des tâches ainsi que l’accès à des programmes de développement des compétences sont donc déterminants, non seulement lorsqu’il s’agit de poser sa candidature chez un employeur, mais également dans la décision finale de travailler ou non chez celui-ci.

Les deux valeurs prédominantes des finissants universitaires résideraient dans les amis et la famille9. Il n’est alors pas étonnant que notre étude révèle que les étudiants s’intéressent surtout à des environnements de travail où le climat est sain et agréable et à ceux dont les politiques favorisent la conciliation travail-famille.

D’une part, le climat de travail constitue l’un des facteurs fondamentaux de l’attraction organisationnelle chez les étudiants10. Il s’agit en effet du deuxième facteur le plus cité par cette catégorie de candidats, après les défis professionnels.

Les femmes sont davantage sensibles à ce facteur. Un tel environnement de travail permet d’entretenir de saines relations avec les collègues, voire des relations d’amitié, essentielles chez les jeunes, qui constituent une large proportion des finissants universitaires.

D’autre part, la facilité à concilier le travail et la famille paraît également essentielle11. C’est d’ailleurs le troisième facteur le plus important chez les étudiants dans notre enquête. Encore une fois, les femmes démontrent une plus grande préoccupation pour cette question, de même que les étudiants des secteurs de la santé et de l’éducation. Il s’agit d’ailleurs de programmes d’études où la présence féminine domine.

En revanche, et contrairement à ce qu’avancent certaines études générationnelles12, les jeunes étudiants n’éprouveraient pas plus d’intérêt pour les politiques de conciliation travail-famille que les finissants plus âgés. On peut alors supposer que les jeunes sont préoccupés par la possibilité d’occuper un emploi qui leur laissera du temps pour élever leurs enfants en bas âge, mais que les personnes en mi-carrière souhaiteront s’occuper de leurs adolescents ou de leurs parents13.

Notons cependant que, bien que les étudiants universitaires mentionnent qu’il s’agit d’un critère important relativement à leur intention de postuler pour un nouvel emploi, la possibilité de concilier le travail et la famille ne favorise pas nécessairement l’acceptation de cet emploi14. Il y a donc un écart entre ce que les candidats souhaitent trouver chez un employeur, au moment de leur recherche d’emploi, et ce qui les motive effectivement à vouloir travailler dans une organisation.

Cette conciliation entre le travail et la famille est grandement facilitée par certaines pratiques organisationnelles permettant aux employés de disposer de temps pour les activités en dehors du travail ou pour une gestion adéquate de ce temps. À ce sujet, les étudiants universitaires sont attirés par les organisations qui leur donnent la possibilité de bénéficier d’horaires flexibles.

Cette pratique de gestion des ressources humaines est d’ailleurs recherchée davantage par les étudiants de 25 à 38 ans et également par ceux inscrits aux programmes de sciences naturelles et de santé. De plus, les répondants indiquent qu’ils ont l’intention de poser leur candidature chez des employeurs qui offrent des vacances d’une durée satisfaisante. Selon de grandes enquêtes15, menées auprès de la population en général, il s’agirait d’un des cinq déterminants les plus importants de l’attraction qu’exerce une organisation.

Cela constitue également un facteur non négligeable pour les étudiants universitaires16. Selon notre sondage, il se situe toutefois plus loin dans le palmarès, soit parmi les 10 facteurs clés. Les finissants comprennent fort probablement qu’avec peu d’ancienneté dans l’organisation ils n’auront pas la possibilité de prendre de longs congés.

Les employeurs ne sont bien entendu pas les seuls acteurs pouvant contribuer au bien-être des familles. Les régions dans lesquelles ils sont établis disposent de politiques familiales, comme le soutien à l’établissement de jeunes familles, la proximité des écoles ou la disponibilité des garderies, qui favorisent l’attraction de travailleurs. Il s’agit donc d’un facteur à prendre en compte pour l’attraction du personnel, surtout dans les régions éloignées17. Notre enquête abonde dans ce sens. Ainsi, ce facteur se classe au quinzième rang de notre palmarès. Sans être la raison première de l’intention de postuler, les politiques familiales pourraient tout de même peser dans la balance lorsqu’il s’agit d’accepter ou non une offre d’emploi.

Les conditions et le lieu de travail

Si les étudiants universitaires ne souhaitent pas perdre leur vie à la gagner, car ils accordent beaucoup d’importance à leur famille, il n’en demeure pas moins qu’ils aspirent à un certain niveau de salaire. Ce sont les étudiants en sciences humaines et sociales, en administration et en éducation qui s’intéressent le plus à cet aspect lorsque vient le temps de postuler pour un emploi.

Il s’agirait du quatrième facteur le plus important selon les répondants de notre étude, ce qui contredit sans nul doute le constat de certaines recherches voulant que l’argent ne soit pas une valeur importante pour les universitaires18. La plupart des grandes enquêtes sur l’attraction concluent en effet que ce critère est parmi les plus importants, voire le plus important.

Sur le plan de la rémunération globale, les avantages sociaux et les régimes de retraite contribueraient également à l’attraction du personnel19. Dans le cas spécifique des finissants universitaires, il s’agit d’un facteur pris en considération, mais de manière moins prononcée que le salaire20, ainsi que le suggère notre palmarès. Ce facteur est par ailleurs plus important pour les étudiants des domaines de la santé, de l’éducation et des sciences humaines et sociales.

Le salaire et les avantages sociaux sont donc des facteurs majeurs dans le processus d’attraction organisationnelle. Cependant, vers la fin du processus, ces aspects pécuniaires perdent de leur importance. En effet, s’ils ont un impact sur la décision de poser sa candidature chez un employeur, ce sont plutôt les caractéristiques du travail lui-même qui influencent la décision d’accepter ou non l’emploi21.

Qui plus est, les répondants de notre étude sont préoccupés par la stabilité de l’emploi. C’est d’ailleurs un des cinq facteurs clés de l’attraction et ce serait le facteur le plus important chez les personnes âgées de moins de 40 ans selon l’enquête de Towers Watson (2011-2012). Comme le démontrent certaines enquêtes générationnelles22, ces résultats vont à l’encontre des stéréotypes associés aux jeunes voulant qu’ils souhaitent une grande mobilité externe. S’ils changent plus fréquemment d’emploi, c’est peut-être parce qu’ils sont davantage contraints que les autres catégories de travailleurs à accepter des contrats de travail temporaires23.

Par ailleurs, l’intention des étudiants universitaires de postuler pour un emploi est également influencée par la localisation du lieu de travail. Plus ce lieu se trouve à proximité de la résidence, plus il est attrayant. Les résultats d’autres études24 soulignent au contraire que cette caractéristique est très peu recherchée par les candidats, et même qu’elle n’est pas du tout recherchée. Cependant, elle a un impact important sur la décision d’accepter ou non un emploi.

Finalement, la familiarité avec l’organisation aurait une influence positive sur l’attraction organisationnelle25. Les étudiants universitaires n’échappent pas à cette tendance. Plus ils connaissent l’organisation, plus ils sont intéressés à y solliciter un emploi.

Des organisations dignes de respect

La responsabilité sociale des entreprises influence grandement leur capacité d’attirer des employés, surtout lorsqu’ils sont scolarisés26. Ce type de responsabilité se manifeste envers diverses parties prenantes, comme leurs employés et la communauté au sens large, en plus de leur responsabilité économique traditionnelle envers leurs actionnaires27.

Notre étude démontre que les étudiants universitaires accordent de l’importance à ce critère lorsque vient le temps de postuler dans une organisation, celui-ci se classant parmi les 15 facteurs clés de l’attraction. Certaines catégories d’étudiants y songeraient cependant davantage. C’est le cas de ceux inscrits aux programmes de sciences naturelles. Dans le même ordre d’idées, les étudiants sondés manifestent de l’intérêt pour des employeurs qui appliquent des normes éthiques. C’est particulièrement le cas pour les femmes et pour les étudiants en arts et lettres et en sciences naturelles.

La responsabilité sociale des organisations se mesure également par la qualité des produits. Peu d’études y font allusion, alors que les étudiants universitaires que nous avons sondés indiquent son importance. Ce facteur se classe en effet au huitième rang. Les femmes ainsi que les étudiants en sciences naturelles, en arts et lettres et en santé seraient particulièrement préoccupés par la qualité des produits des employeurs.

En somme, les organisations qui présentent une responsabilité sociale satisfaisante acquièrent une meilleure réputation et, par le fait même, exercent une plus grande attraction sur les candidats28. C’est d’ailleurs ce que souligne notre étude, et ce, particulièrement auprès des femmes et des étudiants en sciences naturelles. Or, la recherche de Boswell et al. (2003) sur les finissants universitaires démontre au contraire qu’une bonne réputation organisationnelle est peu recherchée par ces derniers. Nos résultats plus récents laissent donc envisager une évolution des mentalités à cet égard. Les valeurs sociales et environnementales sont de plus en plus au cœur des préoccupations des étudiants universitaires.

En plus de la responsabilité sociale des organisations, les étudiants souhaitent travailler pour des entreprises qui font preuve de vision et de leadership. Encore une fois, les femmes seraient plus sensibles à ce critère. Cette vision et ce leadership contribueraient fortement à la mobilisation des employés. Les entreprises dont le personnel est mobilisé relèvent mieux les défis liés à la pénurie de main-d’œuvre, dont l’attraction du personnel29. En effet, des employés mobilisés parlent positivement de leur employeur à l’extérieur de leur lieu de travail, ce qui contribue à diffuser une bonne image de l’organisation en tant qu’employeur potentiel.

L’environnement de vie

Très rarement évoquées dans les études sur l’attraction du personnel, les caractéristiques des régions dans lesquelles les organisations sont situées contribueraient à leur capacité de recevoir des candidatures30. L’employeur de même que la région se doivent alors d’être attrayants. Pour ce faire, l’accessibilité à une certaine qualité de vie est nécessaire31.

C’est dans cette perspective que les répondants indiquent qu’ils sont intéressés à travailler dans des régions qui proposent une variété d’installations sportives et récréatives et dont l’offre culturelle est diversifiée. Les étudiants âgés de 25 à 38 ans se préoccupent davantage de cette question ainsi que ceux inscrits en sciences naturelles et en arts et lettres. Par ailleurs, les répondants souhaitent se loger à un prix abordable. Le marché hypothécaire et locatif est donc un critère d’intérêt lorsque vient le temps de poser sa candidature chez un employeur.

Finalement, le nombre d’entreprises situées dans la région où les étudiants envisagent de postuler est un facteur pris en compte. Il s’agit du dernier des 20 facteurs figurant au palmarès. Ce résultat est étonnant. En effet, les possibilités de carrière font partie des critères d’attraction les plus fréquemment mentionnés32. Plus le nombre d’entreprises d’une région est élevé, plus les possibilités d’y faire carrière sont grandes.

Or, bien que nos répondants en indiquent l’importance, ce facteur ne se situe pas au sommet du palmarès. On peut donc croire que les étudiants universitaires se préoccupent davantage de la possibilité de faire carrière au sein d’une entreprise que dans une région.

Quelques implications pour les employeurs

Compte tenu de la pénurie de personnel actuelle ou anticipée dans de nombreux secteurs d’activité, la découverte des préférences des étudiants universitaires constitue une étape préalable à la mise en œuvre de diverses stratégies d’attraction de l’organisation. Ces étudiants ont clairement démontré qu’ils s’intéressent à la fois aux possibilités offertes par l’employeur et à celles de la région dans laquelle il se situe. Ce constat nous amène à dégager certaines implications pour les employeurs.

Faire valoir les atouts de la région

Assez rares sont les employeurs qui mettent en évidence les atouts de la région lorsqu’ils recrutent du personnel. Or, notre étude met en lumière le fait que les finissants universitaires se penchent sur certaines caractéristiques régionales avant de postuler dans une organisation. En effet, la qualité de vie sur un territoire donné incite les étudiants à aller y travailler. Les organisations doivent donc déployer des efforts afin de promouvoir les attributs régionaux qui favorisent cette qualité de vie.

Ces efforts sont d’autant plus importants dans les régions éloignées, souvent mal connues de la population des grands centres urbains. À titre d’exemple, l’entreprise Marmen, située à Trois-Rivières, Matane, Brandon et Sioux Falls, présente sur son site Internet les avantages de chacune de ces villes en termes de coût de la vie, de santé, d’éducation et de loisirs33. Puisqu’une grande partie de ses employés viennent de l’extérieur des régions où elle se situe, l’entreprise comprend l’importance de faire connaître le milieu de vie pour donner envie aux candidats potentiels d’y faire carrière.

Faire valoir le contenu et le contexte du travail

Dans leurs stratégies d’attraction des finissants universitaires, les organisations doivent mettre en évidence leurs caractéristiques, tant à l’étape du recrutement qu’à celle de la sélection du personnel. Plus précisément, la nature de la tâche à exécuter est fort importante. En effet, les finissants souhaitent avant tout pouvoir mettre en œuvre leurs compétences à travers les défis professionnels qui leur sont proposés. À cet égard, la campagne de recrutement étudiant de la Fonction publique québécoise, Des carrières pleines de défis34, met en avant la diversité des possibilités qui s’offrent pour une variété de postes et permet, du même coup, de constater les impacts du travail des employés de l’État sur le bien-être des citoyens.

La qualité de vie, tant au travail que dans la vie personnelle, doit aussi être privilégiée. Des pratiques organisationnelles favorisant le bien-être en milieu de travail ainsi que des politiques de conciliation travail-famille doivent d’abord être mises au point, puis être clairement exposées aux candidats potentiels. L’ensemble de ces caractéristiques organisationnelles occupant les trois premières positions du palmarès, il devient essentiel pour les employeurs de s’assurer qu’elles font partie de leurs attributs organisationnels et de les mettre en valeur.

Des attributs très tangibles sont également importants pour les universitaires. Salaire, sécurité d’emploi, horaire de travail et avantages sociaux influencent en effet leur intention de postuler dans une organisation. Ces éléments, traditionnellement présentés dans les annonces de recrutement, demeurent fondamentaux. Les organisations gagnent alors à proposer des conditions de travail concurrentielles pour les finissants universitaires.

Il s’agit ainsi pour les employeurs de faire valoir des caractéristiques organisationnelles avantageuses qui les différencient des autres afin d’attirer les finissants. Il ne faut cependant pas se limiter aux conditions de travail, mais présenter également les aspects positifs du travail et de l’emploi à l’égard de la nature des tâches, de la qualité de vie au travail et des possibilités de développement pour le personnel.

Par ailleurs, si les conditions de travail influencent grandement l’intention des étudiants universitaires de poser leur candidature chez un employeur, la nature du travail a un impact important sur leur choix d’accepter ou non l’emploi qui leur est proposé. En ce sens, les employeurs gagnent à mettre l’accent sur le contenu de la tâche au cours du processus de sélection et non pas seulement au moment de l’annonce des postes disponibles.

Diffuser une bonne image

C’est notamment en promouvant les caractéristiques de son environnement organisationnel qu’une entreprise deviendra plus attrayante pour les candidats et sera perçue comme un employeur de choix. D’autres éléments que les attributs organisationnels doivent aussi être mis en évidence. Ainsi, la réputation de l’entreprise repose également sur la qualité de ses produits, sur ses pratiques sociales ainsi que sur sa vision et son leadership.

La description de l’emploi à pourvoir, les conditions de travail et les politiques de gestion des ressources humaines en vigueur dans l’organisation ne suffisent donc pas pour attirer les finissants universitaires. En effet, le recrutement et la sélection du personnel sont aussi l’occasion de présenter les réussites industrielles, sociales et économiques d’une organisation, de même que ses valeurs. À titre d’exemple, une vidéo promotionnelle pour le recrutement de nouveaux employés chez Rio Tinto met l’accent sur les avancées de l’entreprise permettant la réduction de l’empreinte écologique et sur les retombées de ses activités dans les communautés35.

Cette réputation dépend de l’image projetée par l’organisation. Là-dessus, les entreprises sont appelées à mettre en œuvre des stratégies de marque (branding), c’est-à-dire à gérer leur image d’entreprise de manière à se présenter comme un employeur de choix. Afin de se distinguer positivement comme employeur, l’entreprise doit envisager le recrutement d’employés comme une opération de marketing, au même titre que l’attraction de nouveaux clients.

Il est suggéré qu’elle fasse la promotion, tant à l’interne qu’à l’externe, de ce qui la rend différente et souhaitable en tant qu’employeur. Il demeure intéressant de diffuser une image positive avant même qu’un poste soit à pourvoir. En ce sens, un plan de communication doit être mis en œuvre en amont des activités de recrutement du personnel, et ce, de manière à faire connaître l’organisation du grand public et à influencer l’image que celui-ci s’en fait.

S’ouvrir à une diversité de modes de recrutement

Par ailleurs, les organisations gagnent à se faire connaître des étudiants universitaires, puisque ces derniers ont davantage l’intention de postuler dans une organisation qui leur est familière. Les initiatives associées à la présence des employeurs dans les salons de l’emploi, à des stages offerts en milieu de travail, à des publicités d’entreprise et à l’engagement dans la communauté, dont le milieu universitaire, contribuent à accentuer la familiarité des finissants envers les organisations. Il s’agit donc d’aller à leur rencontre, là où ils se trouvent.

À cet égard, on ne saurait passer sous silence l’utilisation des médias sociaux36. Dans le domaine coopératif, Desjardins a prévu un « Espace Carrière » dans Facebook37, où les étudiants universitaires sont régulièrement interpellés. Cet espace vise notamment à rendre la carrière dans cette institution financière plus accessible à tous. Il s’agit d’un moyen de faire connaître les postes à pourvoir, de donner des trucs et astuces pour la gestion des carrières et de discuter avec les internautes.

L’organisation doit donc accepter d’ouvrir ses horizons à de nouvelles façons de faire. Les finissants possèdent souvent une expérience assez limitée dans leur domaine d’études. Ils proposent alors leurs services différemment. En plus du recours aux réseaux sociaux, tels que Facebook ou LinkedIn, ils sont davantage friands du curriculum vitæ par compétences.

Or, lorsque les employeurs reçoivent ce type de CV, « ils pensent souvent qu’il y a anguille sous roche38 », c’est-à-dire que ce moyen vise à cacher des informations indésirables ou à bonifier une candidature plutôt faible. Les employeurs doivent dès lors accepter d’examiner d’autres types de mises en candidature que les CV traditionnels pour ne pas passer à côté d’une ressource compétente, quoique moins expérimentée.

Conclusion

Au moyen d’une enquête, cet article dégage les facteurs déterminants dans l’attraction des finissants universitaires. Il a été démontré que l’organisation doit se préoccuper des caractéristiques que ces candidats qualifiés jugent primordiales afin d’être attrayante à leurs yeux. Ces caractéristiques doivent être incluses au moment de l’élaboration des politiques et des pratiques organisationnelles. Il importe également de les communiquer de manière efficace aux finissants.


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D’autres aspects gagnent aussi à être présentés aux finissants et à la population en général. En effet, les caractéristiques régionales sont considérées dans la décision de postuler dans une organisation. Ce constat nous amène à conclure que l’attraction des finissants universitaires repose sur une mise en commun des efforts des employeurs et des divers acteurs d’une région, et ce, tant pour assurer une certaine qualité de vie à la population que pour faire connaître les avantages à s’y établir.

Par ailleurs, si la mise en évidence des caractéristiques organisationnelles et régionales s’avère essentielle pour l’attraction des finissants universitaires, elle ne saurait être suffisante. En effet, puisque la compatibilité entre l’organisation et le candidat paraît fondamentale dans le processus d’attraction39, les employeurs doivent déterminer les caractéristiques des employés recherchés, de manière à présenter les aspects tant organisationnels que régionaux qui y correspondent.

Cet article contribue à cette tâche en relevant les facteurs déterminants selon les finissants universitaires, ce qui permet de cibler leurs préférences et leurs centres d’intérêt. De plus, il ne s’agit pas de faire miroiter aux éventuels candidats des avantages qu’ils ne retrouveront pas dans l’organisation au moment de leur embauche. Pour une attraction efficace, les politiques de gestion organisationnelles et régionales doivent concorder avec le discours émanant du processus d’attraction.

L’objectif ne consiste pas simplement à embaucher le personnel qualifié disponible là où il se trouve, sans tenir compte de son engagement à long terme40. Il s’agit, au contraire, de conjuguer l’attraction avec la fidélisation des travailleurs pour obtenir un processus de dotation rentable. Les pistes proposées dans cet article pour l’attraction des finissants ne constituent donc qu’une partie de la solution. C’est le processus de gestion des ressources humaines en entier qui doit être examiné, de même que les politiques régionales. Le tableau 2 résume les actions que doivent entreprendre les organisations pour attirer de manière durable des finissants universitaires.


Notes

1 Saba (2009), Audet (2004).

2 La catégorisation suggérée relève d’une analyse factorielle, la variance totale expliquée par les composantes étant de 55,8 %.

3 Des détails supplémentaires sur la méthodologie peuvent être obtenus auprès des auteurs.

4 Chrétien et al. (2010), Towers Perrin (2007-2008), Lievens et al.(2005), Boswell et al. (2003), Turban (2001), Turban et al. (1998).

5 Towers Watson (2011-2012).

6 L’étude de Chrétien et al. (2010) place d’ailleurs ce facteur au premier rang des raisons de choisir un employeur chez les étudiants universitaires et celle de Lauzier et Roy (2011), au cinquième rang.

7 Saba (2009) se base sur trois enquêtes générationnelles.

8 Boswell et al. (2003).

9 Chrétien et al. (2010).

10 Lauzier et Roy (2011).

11 Rau et Hyland (2002), Lauzier et Roy, (2011), Bourhis et Mekkaoui (2010), Lowe et Schellenberg (2002).

12 Saba (2009).

13 Saba (2009).

14 Boswell et al. (2003).

15 Towers Watson (2011-2012), Towers Perrin (2007-2008).

16 Boswell et al. (2003).

17 Miles et al. (2006).

18 Chrétien et al. (2010).

19 Towers Watson (2011-2012).

20 Boswell et al. (2003).

21 Boswell et al. (2003).

22 Saba (2009).

23 Noiseux (2012), Bernier et al. (2003).

24 Boswell et al. (2003).

25 Lievens et al. (2005), Turban (2001), Turban et al. (1998).

26 Albinger et Freeman (2000).

27 Clarkson (1995), Donaldson et Preston (1995), Shrivastava (1995).

28 Smith et al. (2004), Luce et al. (2001), Turban et Greening (1997).

29 Hewitt et Associés (2008). Selon Hewitt & Associés, les 50 Employeurs de choix au Canada parviennent à mieux relever les défis liés à la pénurie de main-d’œuvre

30 Miles et al. (2006).

31 Weng et McElroy (2010).

32 Morin et al. (2011), Towers Watson (2011-2012), Towers Perrin (2007-2008), Aimant-Smith et al. (2001), Powell (1984).

33 Voir, [En ligne], www.marmeninc.com/carrieres/travailler- chez-marmen/ (Page consultée le 30 août 2013).

34 Voir, [En ligne], www.carrieres.gouv.qc.ca (Page consultée le 13 septembre 2013).

35 Voir, [En ligne], www.emplois.riotinto.ca (Page consultée le 29 août 2013).

36 Dubois et Pelletier (2011).

37 Voir, [En ligne], www.facebook.com/CarriereDesjardins (Page consultée le 13 septembre 2013).

38 Entrevue avec Guy Samson, conseiller principal chez ConseilPro, dans Vallerand (2013).

39 Chapman et al. (2005).

40 Gazier (1993).

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