Article publié dans l'édition été 2015 de Gestion

Selon le rapport Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2014 réalisé par le Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal, le retard qu’accuse le Québec en matière de productivité ne fait pas qu’entraver la performance économique de la province, il crée un effet domino sur l’ensemble de la société. À terme, cet effet menace même le pouvoir d’achat des ménages. Voilà pourquoi il devient impératif, voire urgent, d’améliorer la productivité du travail au Québec, car il s’agit du seul véritable levier dont la province dispose pour renverser cette tendance néfaste.


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Redresser la situation actuelle représente toutefois un défi de taille pour le Québec. Lorsque l’on compare le niveau de vie du Québec à celui des autres provinces canadiennes et des 20 pays de l’OCDE sélectionnés aux fins de cette analyse, un constat s’impose : la province traîne de la patte en matière de prospérité économique depuis plus de 30 ans.

Plus spécifiquement, l’étude révèle que le Québec affichait un niveau de vie de 44 499 $ par habitant en 2013. À l’échelle canadienne, seules les Maritimes réalisent aujourd’hui une performance aussi faible que le Québec. Et si la tendance se maintient – et elle se maintiendra si le Québec ne corrige pas le tir –, les Maritimes auront rattrapé le niveau de vie du Québec d’ici 15 ans.

Niveau de vie à parité des pouvoirs d'achat en 2013

Par ailleurs, l’écart de richesse qui se creuse actuellement entre le Québec et certaines provinces canadiennes n’a rien de rassurant. En 2013, l’Alberta (84 390 $), la Saskatchewan (75 229 $) et Terre-Neuve-et-Labrador (67 839 $) affichaient un PIB jusqu’à 1,9 fois supérieur à celui du Québec. Ces résultats laissent à penser que miser sur l’exploitation des ressources naturelles a été très profitable pour ces provinces qui comptent parmi les plus performantes au monde.

Sur la scène internationale, la situation du Québec n’est pas moins préoccupante. Des quatre pays qui affichent des niveaux de vie inférieurs à celui de la province, deux – l’Italie et l’Espagne – font actuellement face à d’importants problèmes économiques. Cette contre-performance du Québec s’explique principalement par le fait que sa croissance économique est beaucoup plus lente qu’ailleurs.

Et cette situation ne date pas d’hier. Entre 1981 et 2013, le niveau de vie au Québec a progressé à un rythme annuel moyen de 1,23 %, pour une croissance globale de 48 %. En comparaison, celui des 20 pays de l’OCDE a crû de 1,69 % par année depuis 1981, pour une croissance globale de 71 %.

Le défi auquel se confronte le Québec est donc double : non seulement le niveau de vie y est plus faible qu’ailleurs, mais la croissance n’est pas au rendez-vous.


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Sortir du cercle vicieux

Pour sortir du cercle vicieux dans lequel son économie se débat depuis plus de 30 ans, le Québec doit donc réagir rapidement. Rappelons qu’en 1981, le niveau de vie dans cette province avoisinait celui de la moyenne des pays industrialisés, alors qu’aujourd’hui, un écart de près de 18 % sépare le PIB du Québec de celui enregistré en moyenne dans les pays de l’OCDE. En cumulant année après année une croissance anémique de sa productivité, la province a ainsi généré un retard économique qui pèse non seulement sur les finances du gouvernement, qui voit ses revenus diminuer, mais également sur la population, dont la capacité de dépenser croît, par conséquent, moins rapidement.

Par des exemples clairs et précis, le bilan annuel du CPP explique comment la performance économique du Québec s’est détériorée au fil du temps. On y fait la démonstration que toute hausse de la productivité engendre une spirale économique. Ainsi, quand la productivité s’accroît, elle entraîne dans son sillage la rémunération – qui permet aux ménages de consommer et d’épargner davantage –, elle élargit l’assiette fiscale des gouvernements – qui peuvent alors améliorer leurs services et les infrastructures publiques –, et elle augmente les revenus des entreprises, qui peuvent ainsi investir davantage dans l’équipement et le matériel. Comme l’investissement privé représente un important vecteur de productivité, son accroissement contribue à améliorer la productivité des travailleurs, avec les conséquences qui en découlent.

Niveau de vie à parité des pouvoirs d'achat en 2013 selon le type de dépenses

Quelques pistes à privilégier

Pour redresser la situation, le CPP propose notamment deux pistes de solution. À court terme, l’accroissement de la productivité doit, selon ses études, passer par l’investissement privé. Pour ce faire, il semble urgent que le gouvernement mette rapidement en place un environnement fiscal qui permettra d’attirer et de retenir les meilleurs acteurs économiques en sol québécois. À ce chapitre, la réforme de l’aide aux entreprises s’avère la piste à privilégier si le gouvernementsouhaite réduire le fardeau fiscal des entreprises sans subir une diminution de ses revenus.

À plus long terme, le Québec doit impérativement miser sur l’éducation. La logique qui sous-tend ce constat est simple : l’accroissement des connaissances scientifiques et du savoir technique suscite l’efficacité, l’innovation et la créativité, ce qui favorise l’attraction et la rétention des entreprises les plus performantes. Malgré un système d’enseignement universitaire parmi les plus accessibles en Occident, le Québec peine à augmenter son taux de diplomation universitaire. Or, la province doit pouvoir compter sur une main-d’œuvre qualifiée pour assurer sa prospérité économique.

Enfin, cette étude déboulonne un mythe plutôt tenace concernant le coût de la vie au Québec. Si les citoyens de cette province tirent encore aujourd’hui avantage de prix plus bas, les écarts de prix observés par rapport aux autres provinces se résorbent rapidement. Si bien qu’au rythme auquel les prix convergent entre les provinces, les Québécois ne pourront bientôt plus se rabattre sur un coût de la vie moins élevé pour compenser leur plus faible revenu disponible. Il devient dès lors essentiel d’améliorer la productivité du travail pour rehausser le niveau de vie et ainsi permettre aux Québécois de conserver leur pouvoir d’achat.


Pour en savoir plus

  • Consultez le rapport Productivité et prospérité au Québec – Bilan 2014 ou sa version anglaise : Productivity and Prosperity in Quebec – 2014 Overview.
  • À propos du Centre sur la productivité et la prospérité : Créé en 2009, le Centre sur la productivité et la prospérité de HEC Montréal se consacre à la recherche sur la productivité et la prospérité avec comme principaux sujets d’étude le Québec et le Canada