Article publié dans l'édition printemps 2015 de Gestion

Il n’est de secret pour personne que le Québec accuse un sérieux retard en matière de productivité. Plusieurs recherches ont d’ailleurs été menées sur le sujet. Ce que l’on connaît toutefois moins, c’est le rôle joué par chacune des 17 régions administratives dans le développement économique de la province. Sur quelles régions le Québec peut-il compter pour accroître sa productivité ? Lesquelles en constituent le moteur économique et lesquelles sont à la remorque ? Voilà le type de questions auxquelles répond une récente étude réalisée par le Centre sur la productivité et la prospérité (CPP) de HEC Montréal.

Tout d’abord, précisons qu’étudier le problème de productivité du Québec sous l’angle régional s’avère capital, puisqu’à terme, les efforts pour redresser la performance de la province doivent être orientés de manière à cibler les besoins propres à chaque région.


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Les régions ressources en tête

Parmi les principaux constats, l’étude révèle que les régions ressources se démarquent en participant activement à l’accroissement de la productivité du Québec. Entre 2002 et 2012, le Nord-du-Québec, la Côte-Nord, l’Abitibi-Témiscamingue et le Saguenay–Lac-Saint-Jean ont généré près du quart de la croissance de la productivité québécoise, une contribution pratiquement deux fois plus importante que leur poids économique. Cet apport résulte essentiellement d’une hausse particulièrement rapide de la productivité dans ces régions. Au cours de cette période, ces quatre régions ont enregistré des croissances de leur productivité allant de 17 % à 213 %, des performances somme toute impressionnantes si l’on considère que la moyenne provinciale se situait à 8 % (voir le schéma 1).

Le Nord-du-Québec se démarque tout particulièrement, affichant une croissance de la productivité 27 fois supérieure à la moyenne provinciale. À l’autre bout du spectre, les régions de Laval et des Laurentides arrivent en queue de peloton, enregistrant une décroissance respective de -3 % et de -10 %. Ces deux régions sont d’ailleurs les seules où la productivité du travail a décru depuis 2002.

Schéma 1 : Croissance de la productivité du travail dans les 17 régions administratives du Québec (2002-2012)

Schéma 1 : Croissance de la productivité du travail dans les 17 régions administratives du Québec (2002-2012)

Montréal pourrait faire mieux

Au final, deux constats majeurs se dégagent de cette étude. Tout d’abord, elle nous apprend que même si la région de Montréal génère le tiers des heures travaillées au Québec (32,6 %), sa contribution réelle ne s’élève qu’à 15 %, un apport deux fois inférieur à son poids en termes d’heures travaillées. Autrement dit, la contribution de la région de Montréal s’avère bien inférieure à ce qu’un territoire de cette importance devrait produire (voir les schémas 2 et 3). 

Plus spécifiquement, l’analyse montre que si les gains de productivité associés à la région de Montréal sont beaucoup plus importants qu’ailleurs en province, le fait que le poids de cette région a diminué depuis 2002 a considérablement amenuisé son apport à la croissance de la productivité du Québec. En somme, le volume d’heures travaillées dans la région de Montréal a augmenté moins rapidement que la moyenne, ce qui réduit considérablement sa contribution. Résultat : la région de Montréal, qui devrait normalement être la locomotive économique du Québec, se fait aujourd’hui damer le pion par la Montérégie (17 %).


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Schéma 2 : Poids des régions dans le PIB du Québec et dans les heures travaillées au Québec (2012)

Schéma 2 : Poids des régions dans le PIB du Québec et dans les heures travaillées au Québec (2012)

Second constat, l’analyse montre que la contribution des régions ressources à la croissance de la productivité du travail au Québec se situe bien au-delà de leur poids dans l’économie. Entre 2002 et 2012, les régions de la Côte-Nord (7 %), de l’Abitibi-Témiscamingue (7 %), du Nord-du-Québec (5 %) et du Saguenay–Lac-Saint-Jean (5 %) ont généré près du quart de la croissance observée au Québec, une contribution pratiquement deux fois plus grande que leur poids dans le PIB de la province. Sans réelle surprise, la contribution de ces régions s’explique essentiellement par une productivité du travail particulièrement élevée.

Enfin, notons que parmi les 17 régions administratives du Québec, trois font piètre figure, enregistrant une contribution neutre ou négative à l’égard de la croissance de la productivité provinciale : la Mauricie (0 %), le Centre-du-Québec (-1 %) et l’Estrie (-2 %). En clair, ces régions ont contribué non seulement à diminuer la croissance de la productivité de la province, mais aussi à accroître son retard à ce chapitre.

Schéma 3 : Contributions régionales à la croissance de la productivité du Québec (2002-2012)

Schéma 3 : Contributions régionales à la croissance de la productivité du Québec (2002-2012)

Que retenir ?

Ces résultats nous portent donc à croire que la croissance de la productivité dans l’ensemble de la province aurait sûrement été supérieure si le nombre d’heures travaillées à Montréal avait augmenté à un rythme similaire à celui observé en moyenne au Québec.

En outre, il ressort de cela que les régions considérées comme régions ressources s’avèrent de bons contributeurs à l’accroissement de la productivité au Québec, comme quoi la taille n’est pas nécessairement un frein à l’apport de ces régions dans l’économie du Québec. Essentiellement attribuables à l’exploitation des ressources naturelles, les gains de productivité enregistrés dans ces régions contribuent grandement à l’accroissement de la productivité de la province.

À la lumière de cette analyse, quelques recommandations s’imposent. Primo, Montréal semble avoir tout intérêt à se questionner sur le développement des affaires sur son territoire. Que doit faire cette région pour inciter davantage les entreprises à s’y installer ? Secundo, bien que cette avenue ne fasse pas l’unanimité, tout porte à croire qu’encourager l’exploitation des ressources naturelles représente une piste à privilégier pour accroître la productivité du Québec. Enfin, les conclusions nous indiquent qu’il serait préférable d’orienter le développement économique des régions en tenant compte de leurs performances spécifiques, plutôt que de favoriser des mesures trop générales.


Note