Productivité : l’envolée de l’IA
2024-12-01
French
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2024-12-05
Productivité : l’envolée de l’IA
Stratégie , Technologie
Illustrateur : Sébastien Thibault
L’intelligence artificielle pourrait-elle faire partie de la solution pour combler le déficit de productivité qui touche le Québec et le Canada? Oui, surtout pour les entreprises matures sur le plan numérique. Mais elle pourrait aussi creuser le retard qu’accusent les autres...
Le Québec a mal à sa productivité. «On est à la traîne par rapport aux pays les plus développés. C’est vrai pour le Québec et aussi pour le Canada, résume Jacques Roy, professeur titulaire au Département de gestion des opérations et de la logistique de HEC Montréal. L’une des raisons maintes fois évoquées, c’est que nos entreprises sont un peu en retard par rapport à l’adoption des nouvelles technologies.»
Pour plusieurs, l’arrivée de l’intelligence artificielle (IA) pourrait avoir d’importantes répercussions sur la productivité au cours des prochaines années. «Je ne serais pas surpris si la prochaine décennie était l’une des plus productives de l’histoire», affirmait en 2023 Erik Brynjolfsson, directeur du Laboratoire d’économie numérique de l’Université Stanford, lors d’un entretien dans le cadre du balado WorkLab.
L’adoption de l’IA se fait toutefois encore largement attendre dans les entreprises au Québec. De 2019 à 2024, le programme d’investissement INVEST-AI, financé par le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE) et géré par IVADO Labs, a par exemple rejoint plus de 24 000 organisations au Québec et n’a reçu que 400 demandes de projet. «Cette proportion de seulement 1,7% indique que l’application commerciale des techniques d’IA n’en est qu’à ses débuts», peut-on lire dans le bilan du programme qui s’est terminé au début de l’année 2024.
«Lancer un projet d’IA exige quand même certains prérequis. Ce ne sont pas toutes les organisations qui sont rendues là dans leur transformation numérique», note Alan Delachair, directeur de compte pour le Soutien à l’innovation pour la productivité des entreprises manufacturières (SIPEM) de PROMPT. Au risque de reprendre un cliché, une entreprise qui gère toujours ses factures en format papier est probablement encore loin de la mise en place d’algorithmes de prédiction de l’offre et de la demande.
D’ailleurs, l’IA n’est pas une finalité en soi, mais un élément parmi tant d’autres à considérer quand il est question de transformation numérique. Automatisation, robotisation, analyse des données massives... «L’IA s’inscrit dans un mouvement», explique Jacques Roy.
Pour les entreprises qui sont prêtes, le potentiel est toutefois évident. Lorsque Litière Ouellet a installé un système d’IA pour optimiser le contrôle de la qualité de ses sacs de ripe (de la litière pour animaux de ferme), l’entreprise de L’Isle-Verte, dans le Bas-Saint-Laurent, a amélioré la qualité de ses produits et diminué ses rejets d’environ 5%, selon ses premières estimations.
«Nous produisons 10 000 sacs par jour, et il y a en moyenne 2,80$ de matériel par sac. Une simple réduction de 5% des rejets nous permet d’économiser 1 400$ par jour de production. C’est beaucoup d’argent», note le propriétaire, Stéphane Ouellet.
Chez Patates Dolbec, à Saint-Ubalde, dans le comté de Portneuf, la mise en place d’un système de détection et de triage automatique par IA des pommes de terre ayant des défauts non autorisés a permis de diminuer le taux d’erreur de la solution industrielle déployée en amont, réduisant ainsi la main-d’œuvre nécessaire pour l’évaluation manuelle.
D’ailleurs, 90% des projets financés par INVEST-AI et terminés à l’heure actuelle auraient engendré des gains sur le plan de la compétitivité ou de la capacité technique des entreprises, peut-on lire dans le bilan du programme.
Regard sur les projets d’IA au QuébecDe 2019 à 2024, le programme d’investissement INVEST-AI du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie (MEIE), géré par IVADO Labs, a permis de financer 100 projets d’IA au Québec, principalement dans les PME. Le profil type d’un projet Durée moyenne d’un projet : 14 mois Coût médian des projets : 731 000$ Gain net anticipé par projet après 3 ans : 3,3 M$ Taux de rendement interne projeté des investissements : 53% Source : INVEST-IA |
L’IA générative ouvre de nouvelles perspectives
Il n’y a pas que les usines qui peuvent profiter de l’IA. L’arrivée de l’intelligence artificielle générative – les outils comme ChatGPT – peut aussi permettre d’améliorer la productivité dans les tours de bureaux. Dans le cadre d’une étude effectuée pour mesurer les effets de l’implantation d’un robot conversationnel qui vient en aide à 5 179 agents affectés au service à la clientèle, on a observé une hausse de 14% des cas réglés par heure chez les employés qui l’utilisaient.
La question est évidemment de savoir où ces outils peuvent être déployés et quelles sont leurs limites, voire leurs risques. Il est probable que les gains ne soient pas toujours aussi importants.
Pour Jacques Roy, l’adoption de l’IA et des technologies numériques en général ne permet pas forcément de devancer ses concurrents, mais plutôt de rester dans le peloton de tête. «.Si on n’investit pas, on risque de se faire déclasser, surtout sur le marché international.», affirme-t-il.
10 projets concrets d’intelligence artificielle au QuébecVoici 10 exemples de projets financés grâce au programme INVEST-AI qui ont permis à des entreprises d’améliorer leur productivité et leur compétitivité par l’application de l’IA. 1 - Recrutement amélioré par l’IA Par : Emplois Compétences Valeur du projet : 190 000$ Extraction de compétences dans les CV contenus dans des bases de données pour ordonnancer les candidats grâce à l’IA. 2 - Optimisation du réseau logistique Par : Cascades Valeur du projet : 1,8 M$ Optimisation du réseau logistique de Cascades grâce à des algorithmes d’IA qui évaluent des millions de trajets d’une durée de un à cinq jours, afin de trouver les itinéraires optimaux. 3 - Détection et triage automatiques de pommes de terre Par : Patates Dolbec Valeur du projet : 1 M$ Implantation d’un nouveau système d’IA dans le processus de triage des pommes de terre. 4 - Prédiction de la demande pour les produits périssables Par : Metro Valeur du projet : 1 M$ Développement d’un système pour prédire la demande de produits périssables en épicerie, notamment afin de limiter les pertes et les ventes perdues, et de gagner en efficacité opérationnelle. 5 - Inférence d’hyperliens dynamiques dans des plans d’architecture Par : Construction virtuelle et Technologie BIM One Valeur du projet : 605 000$ Mise en place d’un outil facilitant la navigation entre les milliers de plans 2D que les experts de l’entreprise doivent consulter manuellement dans le cadre de leurs différents projets. 6 - Optimisation du contrôle de la qualité de la ripe Par : Tourbière Ouellet et fils Valeur du projet : 423 000$ Utilisation de l’IA pour contrôler le remplissage des sacs de ripe, afin d’améliorer la constance dans la qualité des produits et de diminuer les rejets. 7 - Aiguillage assisté des projets de traduction Par : TRSB Valeur du projet : 452 000$ Réalisation d’un outil permettant d’automatiser le processus d’analyse (estimation de la complexité, du coût, etc.) pour attribuer les projets aux ressources appropriées. 8 - Segmentation cinématique pour la production de réalité virtuelle Par : Felix & Paul Studios Valeur du projet : 162 000$ Développement d’un outil de traitement vidéo pour faciliter la segmentation (premiers plans et arrière-plans) dans des vidéos filmées pour des productions en réalité virtuelle. 9 - Système d’inspection de conduites sanitaires et pluviales Par : Can-Explore Valeur du projet : 2,2 M$ Développement d’une technologie pour améliorer la productivité des travaux d’inspection de réseaux d’égouts grâce à la détection automatique d’anomalies. 10 - Optimisation de certaines activités du processus d’inspection Par : Ordre des infirmières et infirmiers du Québec Valeur du projet : 2,2 M$ Utilisation de l’intelligence artificielle pour optimiser l’automatisation de certaines activités liées aux inspections générales, afin notamment de mieux cibler les membres qui présentent des risques réels. |
Article publié dans l’édition Hiver 2025 de Gestion
Stratégie , Technologie