Les coûts du présentéisme sont largement plus élevés que ceux de l'absentéisme!

L'absentéisme est certes un phénomène connu, bien balisé, et bien documenté. Mais son contraire, le présentéisme, l'est toutefois beaucoup moins, et les impacts de son existence et de sa persistance au sein de nos entreprises et de nos organisations se chiffreraient en milliards de dollars ainsi perdus. De quoi parle-t-on exactement, lorsque l'on aborde ce concept de présentéisme?


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Ce qu'est le présentéisme

Selon l'excellent article publié par Éric Gosselin et Martin Lauzier dans la Revue française de gestion1, le présentéisme se définit comme « [...] le comportement du travailleur qui, malgré des problèmes de santé physique et/ou psychologique nécessitant de s'absenter, persiste à se présenter au travail. » Il convient de signaler que le présentéisme, ainsi défini, n'est toutefois pas le fait de la mauvaise volonté de l'employé qui déciderait sciemment de ralentir le rythme, de « faire son temps » durant les heures normales de travail en surfant sur l'Internet ou en étirant les pauses, par exemple. À l'inverse, le présentéisme est davantage le fait d'une personne qui est limitée d'une quelconque manière, soit physiquement, soit psychologiquement, dans sa capacité à livrer une performance normale et attendue de travail. Il peut donc s'agir d'un employé qui souffre d'un vilain rhume et qui, au lieu de garder le lit, se présente quand même à son poste. Ou d'une employée aux prises avec des symptômes dépressifs et qui, encore là, persisterait à venir au travail.

Les coûts du zèle professionnel

De prime abord, on serait porté à saluer le courage et la résilience de tels employés. Mais il faut savoir que ces excès de zèle ont bien un coût, car ils engendrent également, et surtout, des pertes importantes de productivité, et in fine des pertes financières. Ainsi, et bien que la mesure du phénomène représente un défi en soi, une étude menée au Canada2 a révélé que les travailleurs font davantage preuve de présentéisme (l'équivalent de près de quatre jours de travail par année) que d'absentéisme (près de trois jours de travail annuels). Aux États-Unis, de tels comportements coûteraient la rondelette somme de 180 milliards de dollars par année aux employeurs. La firme de consultation australienne GCC estime quant à elle que ces pertes financières pourraient même s'élever à plus de 1 500 milliards de dollars annuellement pour les employeurs américains, britanniques et australiens.

Les raisons qui peuvent pousser l'employé au présentéisme sont de deux ordres. Dans un premier temps, un employé peut ne pas avoir le choix de se présenter au travail, même s'il n'est pas dans les meilleures conditions pour le faire. Une situation économique précaire, une banque de congés vidée, la crainte de la stigmatisation ou la surcharge de travail appréhendée au retour sont des raisons qui sont généralement évoquées dans ce cas de figure. À l'inverse, l'engagement hors norme de l'employé ou un intérêt marqué pour les tâches expliqueraient les cas de présentéisme dits volontaires.


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Un retour de balancier souhaité?

Phénomène relativement nouveau, le présentéisme, de par les effets négatifs et les coûts qu'il induit, est désormais à prendre au sérieux. Dans la lorgnette des gestionnaires et universitaires qui s'intéressent depuis peu à la chose, les moyens de contrer le présentéisme en sont à leurs balbutiements. Mais une piste de réflexion fort intéressante est soulevée par Éric Gosselin et Martin Lauzier, les deux chercheurs s'interrogeant sur les récents efforts des entreprises et des organismes dans la lutte à l'absentéisme : « Selon certains [...], une trop grande efficacité des incitatifs et des encouragements à la présence au travail pourrait être une des sources du présentéisme. Le présentéisme serait ainsi un effet secondaire des efforts consentis afin de minimiser l'absentéisme. »

La nature ayant horreur des extrêmes, le gestionnaire avisé et efficace sera celui qui saura faire vibrer les cordes sensibles de ses employés afin de faire en sorte que ces derniers livrent la juste prestation de travail, sans tomber dans l'excès pouvant à la fois mener à l'absentéisme ou au présentéisme. Difficile équilibre à atteindre!


Notes

1. Éric Gosselin et Martin Lauzier (2011). « Le présentéisme. Lorsque la présence n'est pas garante de la performance ». Revue française de gestion, no. 211, pp. 15-27.

2. Natasha Caverley, J. Barton Cunningham et James N. MacGregor (2007). « Sickness presenteeism, sickness absenteeism, and health following restructuring in a public service organization ». Journal of Management Studies, 44(2), pp. 304-319.