Pourquoi s’intéresser à l’informatique quantique?
2024-12-01
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https://www.revuegestion.ca/pourquoi-sinteresser-a-linformatique-quantique
2024-12-09
Pourquoi s’intéresser à l’informatique quantique?
Stratégie , Technologie
Finance, pharmaceutique, transport... L’informatique quantique risque de transformer plusieurs secteurs de la société. Plus que jamais, il est essentiel pour les entreprises de se préparer à la révolution quantique.
L’informatique quantique – où les ordinateurs ne seront plus limités par les 0 et les 1 de l’informatique classique – est annoncée depuis des décennies. Mais alors que bien des spécialistes se demandaient jusqu’à tout récemment si cette discipline allait bel et bien exister un jour, de nombreux ordinateurs quantiques sont désormais fonctionnels, notamment au Québec. Et certains de vos concurrents s’y penchent peut-être déjà.
De réels avantages?
L’informatique quantique devrait offrir plusieurs avantages sur l’informatique classique, mais dans certains types de problèmes seulement, comme dans la découverte de nouveaux matériaux.
«La nature elle-même est quantique et, en théorie, l’informatique quantique devrait être plus efficace pour la simuler», note Jean-François Barsoum, directeur général de l’innovation chez IBM Canada. Les recherches portant sur les nouvelles molécules pharmaceutiques ou les nouveaux matériaux pour les batteries, entre autres, pourraient donc bénéficier de l’arrivée de cette technologie.
«L’informatique quantique est aussi beaucoup plus efficace pour résoudre des problèmes d’optimisation, poursuit Jean-François Barsoum. Optimiser l’itinéraire d’un représentant qui doit parcourir 30 villes semble simple, mais c’est extrêmement complexe, même avec un superordinateur. C’est le genre de calcul que l’informatique quantique fera de façon nettement plus efficace que l’informatique classique.»
Cette amélioration pourrait ainsi offrir un avantage concurrentiel non seulement aux entreprises de transport et de logistique, mais aussi à celles qui travaillent en finance, quand vient le temps de rééquilibrer un portefeuille, par exemple.
D’autres domaines sont également à surveiller, comme l’apprentissage profond quantique et le chiffrement des communications. Une partie de la recherche effectuée à l’heure actuelle consiste justement à cerner les types de problèmes qui permettront à l’informatique quantique de se démarquer.
Car ce ne sont pas tous les algorithmes qui pourront bénéficier de l’informatique quantique. «Ce que l’informatique classique fait bien aujourd’hui, elle le fera encore dans le futur», signale Ghislain Lefebvre, responsable de l’AlgoLab quantique de l’Université de Sherbrooke, qui travaille de concert avec des entreprises, des universités et des agences gouvernementales sur des projets de recherche en informatique quantique.
Bref, il faut oublier les téléphones intelligents et les ordinateurs portatifs quantiques. Même dans les centres de données, les microprocesseurs actuels auront toujours leur place.
À quand l’avantage quantique?
Au moment d’écrire ces lignes, aucun ordinateur quantique n’est supérieur aux ordinateurs classiques. «Mais on sait que cela arrivera», affirme Alexandre Blais, directeur scientifique de l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke.
Dans les dernières années, «l’avantage quantique» (voir l’encadré ci-dessous) a été annoncé à quelques reprises par différentes compagnies (dont Google en 2019), mais ces affirmations ont toujours été démontées, notamment parce que des ordinateurs classiques ont été capables de reprendre la tête, explique-t-il.
La recherche doit donc se poursuivre pour obtenir l’avantage quantique. Les ordinateurs devront posséder plus de qubits (l’équivalent des bits, les 1 et les 0 de l’informatique classique) qu’aujourd’hui et devront surtout être en mesure de corriger les erreurs qu’ils génèrent. «Par leur nature, les ordinateurs quantiques sont sujets aux erreurs. La correction de celles-ci est au cœur de la recherche en ce moment», indique Alexandre Blais.
IBM prédit dans sa feuille de route publique que son premier ordinateur capable de corriger automatiquement ses erreurs et d’avoir une utilité concrète pour les entreprises sera lancé en 2029. «C’est un objectif ambitieux», estime le chercheur.
Dans un sondage publié l’année dernière par la firme McKinsey et réalisé auprès de leaders en technologies, d’investisseurs et de chercheurs, 72% des répondants prévoyaient plutôt l’arrivée de la correction automatique des erreurs en 2035.
L’informatique quantique en quatre questions1 - Qu’est-ce que l’informatique quantique? L’informatique quantique est une discipline qui tire parti de la mécanique quantique afin d’effectuer des calculs complexes. Alors que l’informatique classique utilise des bits – des 0 ou des 1 –, l’informatique quantique utilise des qubits, qui peuvent être dans une superposition de 0 et de 1, permettant des calculs parallèles et potentiellement beaucoup plus rapides. 2 - Qu’est-ce que l’avantage quantique? L’avantage quantique est le terme qui désigne cette situation ou ce moment où les ordinateurs quantiques se révèleront plus efficaces que les ordinateurs classiques pour exécuter certains types de calculs ou résoudre des problèmes complexes. Les avis divergent toutefois pour déterminer à quel moment ou dans quelle situation il en sera ainsi. 3 - Avons-nous accès à des ordinateurs quantiques aujourd’hui? Oui. Au Québec, les entreprises peuvent utiliser l’ordinateur quantique IBM Quantum System One, grâce à l’organisme PINQ2, et celles-ci pourront prochainement profiter de l’ordinateur MonarQ de Calcul Québec. Certaines plateformes infonuagiques, comme AWS et OVHCloud, offrent aussi un accès à des ordinateurs quantiques. 4 - Quels sont les principaux acteurs de l’informatique quantique au Québec? De nombreuses institutions travaillant dans le domaine de la quantique sont rassemblées dans DistriQ, la zone d’innovation quantique du Québec, tels le laboratoire de Développement des technologies quantiques (DevTeQ) et l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke. Plusieurs entreprises locales et internationales en informatique quantique sont également implantées au Québec, comme 1QBit, Anyon Systems, IBM et Pasqal. |
S’y intéresser aujourd’hui pour être prêt demain
Même si l’avantage quantique n’est pas pour demain, les entreprises gagneraient à s’y intéresser dès maintenant, jugent les spécialistes consultés. «Les grandes entreprises doivent y regarder d’un peu plus près, et peut-être commencer à réaliser de petits projets en quantique», croit Olivier Gagnon-Gordillo, directeur exécutif de l’organisme Québec Quantique et vice-président aux affaires internationales et à l’écosystème pour DistriQ, la zone d’innovation quantique du Québec. PINQ2, Québec Quantique et l’AlgoLab, pour ne nommer que ceux-là, peuvent mettre les entreprises en contact avec des chercheurs afin de les aider à réaliser leurs projets.
Que ce soit pour concevoir des algorithmes quantiques ou pour vérifier le potentiel de la quantique dans son secteur d’activité, ces travaux permettent non seulement de se préparer à l’arrivée de l’informatique quantique, mais aussi de développer le talent nécessaire pour suivre l’évolution de la technologie et, le cas échéant, participer à son implémentation.
«Les entreprises et les organismes qui lancent des projets en quantique ont l’argent et les outils nécessaires pour exercer des activités de recherche et développement sur un horizon de cinq à dix ans», note Ghislain Lefebvre.
La vaste majorité des entreprises ne tombent pas dans cette catégorie, mais il existe aussi des ressources accessibles au grand public et aux plus petites entreprises. L’organisme PINQ2, qui gère l’accès à l’ordinateur quantique IBM Quantum System One, à Bromont, offre par exemple différents forfaits qui permettent notamment d’initier une petite équipe (jusqu’à quatre personnes) à l’informatique quantique ou, même, de réaliser des projets plus importants.
L’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke propose pour sa part la plateforme Curieux quantiques, qui présente des articles de vulgarisation, des infolettres et des baladodiffusions, en plus d’offrir à l’occasion des ateliers de quelques heures, que ce soit pour se familiariser à la programmation quantique ou pour découvrir certains algorithmes quantiques.
«Au minimum, quelqu’un peut y consacrer une heure par mois. Ça ne prend pas beaucoup de temps, et ça permet de suivre l’évolution de la technologie et de savoir quand son entreprise devra s’y intéresser de plus près», fait valoir Alexandre Blais.
Le chiffrement est-il à l’abri de l’informatique quantique?À l’instar de toutes les nouvelles technologies, l’informatique quantique vient avec sa part de risques. L’un d’eux : les puissants ordinateurs quantiques pourraient être utilisés pour briser le chiffrement des communications. «Le risque est réel», prévient Jean-François Barsoum d’IBM Canada. Pour se protéger, les entreprises peuvent toutefois implanter des méthodes de chiffrement «post-quantiques», qui peuvent être réalisées avec des ordinateurs classiques et résister à l’assaut des futurs ordinateurs quantiques. L’Institut national des normes et de la technologie aux États-Unis a d’ailleurs publié trois de ces standards à la fin de l’été 2024. |
Article publié dans l’édition Hiver 2025 de Gestion
Stratégie , Technologie