Article publié dans l'édition automne 2016 de Gestion

Malgré – ou à cause de – leurs aptitudes supérieures à la moyenne, les travailleurs dits à haut potentiel ont parfois de la difficulté à s’intégrer à leur milieu de travail. Pour Nicolas Glady1, cette difficulté particulière a ses raisons... que leur raison ignore. Explications tirées de l’article « Pourquoi les “hauts potentiels” ont parfois du mal à s’intégrer », paru dans la Harvard Business Review France en juin 2015.

Certes, ces salariés hors du commun sont grandement recherchés par les employeurs, qui les considèrent comme la crème de la crème. Et pourtant, quand vient le temps de communiquer, ils s’avèrent nettement moins habiles. Nicolas Glady note que le salarié à haut potentiel a typiquement été un étudiant très performant. « Il suffisait de lui donner un exercice, un travail ou un devoir, et, quelques jours plus tard, il revenait avec une copie impeccable. Il ne posait pas de questions idiotes aux professeurs et faisait preuve d’une autonomie exceptionnelle », affirme-t-il. Habitué à gérer seul son travail, ce salarié est convaincu que cette aptitude correspond à ce qu’on attend de lui. Mais cette erreur de perception peut lui jouer des tours.


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Le fond l’emporte trop sur la forme

Se concentrer sur le fond au détriment de la forme est une autre erreur assez fréquente chez ce type de salarié. Sollicité pour ses compétences intellectuelles, il excelle dans l’analyse extrêmement rigoureuse aux conclusions claires, voire sévères. Pour le reste, il tend à négliger ce qu’il considère comme étant secondaire, à savoir la forme. Or, « la première réaction du gestionnaire risque d’être négative face à ces livrables qui pèchent par leur présentation », note Nicolas Glady, d’autant plus s’il doit lui-même mettre en forme ou « à niveau » le travail livré. La solution : s’attacher aux messages clés à transmettre. « La forme et le fond doivent être perçus comme un tout au service de l’information qu’on veut faire passer », recommande l’auteur.

Trop de science tue le dialogue

Entre certitudes scientifiques et raisons politiques, il y a un fossé que les hauts potentiels sous-estiment. Habitués aux enseignements théoriques, ils défendent leurs connaissances avec conviction. Leur erreur d’appréciation tient en une phrase : « J’ai raison, il n’est donc pas nécessaire de me fatiguer à convaincre. » Sur de telles bases, la communication avec les collègues risque de conduire à certains blocages, voire à des interactions difficiles. L’auteur rappelle ainsi que « la première qualité des grands leaders est leur capacité à convaincre. Si vous avez raison tout seul, vous n’irez pas bien loin. Apprenez à identifier les arguments qui touchent, donc ceux qui sont adaptés à votre audience ».

Des éléments à améliorer

Pour Nicolas Glady, améliorer les capacités interactionnelles (les soft skills, en anglais) constitue le défi premier de ce type de salarié. Guère valorisées dans le milieu universitaire, ces aptitudes peuvent se développer dans le monde de l’entreprise. « Il est toutefois possible de progresser en se mettant en situation concrète. C’est toute la force du learning by doing, des cas et des jeux de rôle, de l’expérience qui s’acquiert au fil de l’eau », suggère l’auteur. C’est en se rapprochant des enjeux réels de l’entreprise que ce travailleur s’éloignera de la tentation de s’isoler pour travailler.


Notes

1. Nicolas Glady est docteur en économétrie et professeur à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales (ESSEC), en France, où il est titulaire de la chaire Accenture Strategic Business Analytics.