En cette journée mondiale de la santé mentale, arrêtons-nous sur celle des gestionnaire.

La santé psychologique des employés constitue un objet d’intérêt, de recherche et d’intervention depuis déjà quelques années. Toutefois, celle des cadres demeure, encore à ce jour, peu étudiée. Pourtant, on cumule plusieurs faits qui témoignent de la détresse psychologique que vivent les cadres.

On rapporte, par exemple, une augmentation du taux de détresse psychologique chez les gestionnaires conséquemment à la restructuration du réseau de la santé et des services sociaux en 2015. On notait également, en 2010, une augmentation significative de l’absentéisme liée à la détresse psychologique chez les cadres de la fonction publique fédérale.

Ces exemples illustrent la présence d’un enjeu important qui nous amène à nous questionner. Pourquoi leur santé psychologique est-elle fragilisée ? Quelles sont les particularités de cette détresse ? Quels en sont les impacts sur l’organisation ?

Intensification et complexification du travail : à la source de détresse

Les chercheurs qui s’intéressent actuellement à mieux cerner les causes de la détresse psychologique des cadres ont identifié certains facteurs significatifs reliés aux modifications du marché du travail. D’une part, on note une intensification du travail, c’est-à-dire un nombre plus important de personnes à superviser, une augmentation des responsabilités ainsi qu’une diversification des tâches.

D’autre part, on observe également une complexification du monde du travail qui exige des gestionnaires l’acquisition de nouvelles compétences et une plus grande tolérance à l’incertitude. Par exemple, ceux-ci constatent une croissance de leur imputabilité, combinée à une diminution de leur marge de manœuvre. Ils doivent également composer avec un nombre de plus en plus important de changements organisationnels et de demandes parfois contradictoires ainsi que de situations où ils doivent se positionner sur des enjeux éthiques complexes.

En somme, les gestionnaires sont confrontés, eux aussi, à un ensemble de facteurs de risque psychosociaux qui les rendent plus vulnérables à la détresse psychologique :

    • le manque de ressources;
    • le manque de reconnaissance;
    • les difficultés de conciliation travail-famille;
    • la perte d’autonomie professionnelle;
    • les conflits et l’ambiguïté de rôles;
    • le faible soutien social.

POUR ALLER PLUS LOIN : Comment réagir devant la détresse en milieu de travail ?


Masculinité et gestion : un cumul de facteurs de risque

Malgré une augmentation d’environ 10% de la proportion de femmes gestionnaires au Québec depuis 1987, encore 64% des emplois en gestion étaient occupés par des hommes en 2012. Comme le genre a une influence sur la façon dont les individus vivent leur détresse, l’expriment et tentent d’y trouver une solution, il apparaît pertinent de se demander en quoi la masculinité peut avoir un impact sur la santé psychologique des cadres.

D’une part, une analyse de l’American Psychological Association a examiné les liens possibles entre la santé psychologique et les normes associées au genre masculin, tel que la compétition, le besoin de contrôle émotionnel, la domination, l’importance du travail et la recherche de statut. Ils ont découvert que plus les hommes se conforment à ces normes sociales, plus ils sont susceptibles de vivre du stress, de la détresse psychologique et des problèmes de santé psychologique.

D’autre part, on observe également que l’indépendance, fortement associée à la masculinité, décourage les hommes de demander de l’aide. En effet, une étude sociologique québécoise a mis en évidence qu’une majorité d’hommes ne vont pas chercher d’aide lorsqu’ils vivent de la détresse, car ils ne souhaitent pas se sentir contrôlés. Ils réagiraient également négativement quand une personne leur offre spontanément du soutien.

Finalement, on note également que les hommes sont significativement plus nombreux que les femmes à « compléter un suicide ». En effet, au Canada, près des trois quarts des personnes décédées par suicide sont des hommes. De ce nombre, environ la moitié est âgé de plus de 40 ans. On considère ainsi que les hommes, particulièrement ceux âgés entre 40 et 50 ans, constituent un groupe social très à risque.

Des impacts significatifs

Tout comme la santé psychologique des employés, le bien-être des gestionnaires constitue une pierre d’assise du fonctionnement optimal d’une organisation. Ainsi, ne pas s’en préoccuper peut avoir des effets significatifs à la fois sur les cadres, leurs employés et la performance organisationnelle.

En effet, un gestionnaire qui présente de la détresse psychologique voit une détérioration de sa performance qui peut prendre plusieurs formes tel qu’une baisse de sa capacité à la prise de décision, une diminution de son engagement ou un leadership diminué. Cette détérioration aura un impact, par ailleurs, sur les employés qu’il supervise. On remarque effectivement que la détresse psychologique des gestionnaires est associée à une détérioration du climat de travail, une détérioration de l’état de santé des employés ainsi qu’une diminution de leur performance.

Dans l’ensemble, ces changements dans le comportement des gestionnaires et de leurs employés se traduiront par des indicateurs de détérioration de la performance de l’organisation :

  • un taux d’absentéisme plus élevé;
  • du présentéisme;
  • un roulement d’employé plus significatif;
  • des problèmes de recrutement.

Ainsi, puisque les cadres occupent une position stratégique importante au sein d’une organisation, leur santé psychologique, au même titre que celle des employés, devrait occuper une place de choix dans les préoccupations d’une organisation.