Article publié dans l'édition Printemps 2010 de Gestion

Le coaching de gestionnaires, ou coaching exécutif, est défini comme l’accompagnement d’un cadre destiné à favoriser une meilleure expression de ses qualités, de ses ressources ou de ses compétences (Alexandre, 2006).

Les années 2000 témoignent d’un engouement pour cette nouvelle pratique de gestion avec une explosion de l’offre de prestations et de services, venant d’abord de cabinets privés, puis de grandes écoles et d’universités, et la publication de multiples ouvrages sur ce thème. En France, Desgraupes et Morin (2007) rapportent l’existence de 3 500 coachs pour un marché représentant 100 millions d’euros (quelque 160 millions de dollars canadiens) et un chiffre d’affaires moyen en 2005 de 80 600 euros (environ 129 000 dollars) par consultant.


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Aux États-Unis, Berglas (2002) révèle que le nombre de coachs est en constante augmentation : ils étaient 2 000 en 1996, puis 10 000 en 2002, et l’on s’attend à ce qu’ils soient 50 000 dans les prochaines années. L’auteur signale que le coaching de gestionnaires est un marché juteux avec des honoraires allant de 1 500 à 15 000 dollars par jour. Ces chiffres reflètent incontestablement la présence de problèmes nouveaux qui se posent au sein des entreprises ainsi que des façons inédites de les aborder (Thévenet, 2006).

Des attentes et des besoins spécifiques conduisent au recours au coaching de gestionnaires. Mais quels sont les attentes et les besoins à l’origine de ce nouveau mode de développement ? C’est à cette question que nous tentons de répondre par une méthodologie originale. En effet, de nombreuses études font une analyse du coaching soit en interrogeant les prescripteurs, souvent des responsables des ressources humaines, sur les raisons pour lesquelles ils recourent au coaching, soit en questionnant les coachs sur les bienfaits de leurs services.

Dans cet article, nous nous tournons plutôt vers les accompagnés (on dit également « personnes accompagnées » de même que «coachés») en analysant les raisons qui les amènent à suivre une formation universitaire de type coaching axée sur le «développement des compétences managériales1». 

À l’exception de deux personnes incitées par leur dirigeant à suivre cette formation, les personnes qui composent notre échantillon ont pris seules la décision d’être accompagnées dans leur vie professionnelle2. Ici, l’enjeu est de comprendre quels besoins les ont poussées à vouloir être accompagnées dans le cadre d’une formation universitaire orientée vers le coaching professionnel.

La première partie de cet article analyse les problématiques mises en avant par les accompagnés et en propose un inventaire. Dans la deuxième partie, nous analysons comment le coaching collectif et individuel appliqué pendant les mois de la formation permet à chacun des cadres d’évoluer. Nous repérons les différents obstacles qu’ils doivent lever et les nouveaux modes d’apprentissage qu’ils adoptent. Enfin, riches de cette expérience, nous proposons diverses recommandations aux entreprises et aux individus.

Quels sont les besoins et les attentes des cadres ?

Une analyse des attentes des individus sélectionnés pour suivre une formation, l’exploitation des notes prises lors des entretiens de recrutement ainsi que des séances de coaching collectif et individuel nous permettent de relever cinq catégories de problématiques (schéma 1). Chaque stagiaire se positionne dans une ou plusieurs de ces catégories. Ainsi, la recherche de la légitimité est une problématique largement partagée. Le développement personnel, l’accompagnement du changement, l’amélioration des possibilités de carrière et une meilleure gestion de la carrière ressortent également.Schéma 1

Ces résultats confirment en partie les études réalisées par d’autres auteurs. Ainsi, Cloët (2007) souligne que les entreprises recourent au coaching de gestionnaires pour aider leurs personnes clés à s’adapter à l’évolution environnementale et organisationnelle, à endosser de nouveaux rôles et à acquérir de nouvelles compétences. Elle conclut que les entreprises utilisent le coaching en tant que dispositif de gestion des carrières, notamment dans les situations de transition.

De même, Coutu et Kauffman (2009) montrent qu’on recourt au coaching principalement pour développer les individus ayant un potentiel élevé et faciliter les changements. Ces auteurs constatent une évolution de cette motivation par rapport à la décennie précédente où l’enjeu était plutôt de réguler des comportements indésirables au sein de l’entreprise.

Ainsi, au-delà des problématiques classiques de développement du potentiel, des carrières et des compétences mises en avant par ces auteurs, la recherche de la légitimité et du développement personnel est réelle pour les personnes en formation. L’inventaire des besoins met en évidence les difficultés et les doutes auxquels font face les gestionnaires qui sont aux prises avec des situations complexes, telles que le changement de culture d’entreprise (amené, par exemple, par la réforme du secteur public), le positionnement en tant que gestionnaire dans une équipe (équipe d’anciens collègues, équipe d’experts, équipe d’hommes quand on est une femme, etc.), l’évolution de sa propre carrière ou le coaching d’une entreprise en croissance.

Ces situations génèrent des craintes et des questionnements sur les compétences nécessaires pour y faire face et sur les moyens d’acquérir celles-ci. À l’exception de deux participants à l’étude, leurs entreprises n’ont pas mis en place de vrais processus de coaching et les laissent œuvrer chaque jour selon leur intuition, sans guide ni référence. Cette solitude engendre souvent un mal-être, un stress ou une perte de confiance qu’on repère chez tous les stagiaires en début de formation. Le coaching collectif et individuel mettra fin à ce sentiment de solitude. Dans un contexte neutre, éloigné de leurs organisations, les stagiaires discutent de leurs difficultés et de leurs inquiétudes et progressent par étapes. Nous illustrerons maintenant les différents besoins relevés par les cadres recourant au coaching.

Le besoin d’accroître sa légitimité


Le doute quant à savoir s’ils sont «à la hauteur» est très présent chez eux. Ils s’interrogent sur leur rôle, leurs compétences et leur capacité d’animer leur équipe et se sentent seuls face à ce questionnement.Le tiers des cadres rencontrés recherchent la légitimité au sein de leur environnement de travail ou dans leur poste. Ils souhaitent asseoir leur position de gestionnaire et développer leur leadership. Ainsi, leur légitimité en tant que gestionnaires et leur place dans l’équipe sont des préoccupations dominantes.

Divers problèmes sont alors évoqués, notamment ceux-ci : comment gérer une équipe qui grossit et se diversifie ? Comment devenir le superviseur d’anciens collègues de travail ? Comment gérer une équipe à distance ? Comment gérer des experts ? Comment se faire accepter quand on débute dans un poste de chef d’équipe ? Comment se faire accepter quand on est une femme cadre dans un milieu de cadres masculins ?

Le besoin de développement personnel

Sept des 30 cadres interrogés mènent une recherche en ce qui concerne le développement personnel. Ils souhaitent mieux connaître le fonctionnement de leurs équipes, ils se demandent comment acquérir les compétences pour mieux encadrer les autres. Ils ne se sont pas encore rendu compte que le fonctionnement de leurs collaborateurs fait écho à leur propre fonctionnement. Dès les premiers cours, ils vont s’apercevoir qu’ils sont guidés par leurs valeurs, leurs capacités et leurs convictions dans leurs différents environnements de vie. Ils ont ciblé leurs difficultés mais ne savent pas toujours les expliquer et les résoudre.

Ils vont prendre conscience du fait qu’ils fonctionnent différemment dans le groupe de stagiaires, que les attentes des uns ne sont pas celles des autres. Ils découvrent la notion de transfert (Brunner, 2009) et une autre réalité (Watzlawick, 1972). Cette remise en cause est une caractéristique partagée par l’ensemble des stagiaires qui, sans que leur entreprise ait formulé la moindre demande, n’hésitent pas à s’interroger sur eux-mêmes et sur leurs pratiques. Voici des exemples de problèmes éprouvés par les stagiaires en ce qui a trait au développement personnel.

7 des 30 cadres participant à notre étude recherchent des outils pour accompagner le changement au sein de leur organisation. Comment faire face au changement ? Comment amener les équipes à trouver du sens dans les projets nouveaux ?

Le besoin de mieux gérer le changement

Ce problème est d’autant plus important lorsque, en tant que cadres, ils ne croient pas au changement, ne l’approuvent pas ou encore ne sont pas consultés sur la façon dont le changement est introduit.

6 des 30 cadres rencontrés souhaitent recevoir une formation pour favoriser la progression de leur carrière dans leur entreprise, pour répondre aux exigences d’un nouveau poste ou pour développer leur employabilité.

Le besoin d’améliorer ses possibilités de carrière

6 des 30 cadres participants disent poursuivre une réflexion sur la gestion de leur carrière. Ils souhaitent avoir du temps pour faire le point. Ils s’interrogent sur les choix à faire pour leur avenir. Leurs préoccupations portent sur la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée, sur l’enrichissement personnel et sur une meilleure connaissance de soi.

Le besoin de mieux gérer sa carrière

Pendant 10 mois, chaque stagiaire était accompagné collectivement et individuellement au moyen des méthodes et des outils qui ont été présentés dans l’encadré 1. Notre observation des individus pendant cette période nous permet de dégager deux étapes dans l’évolution personnelle de chacun d’eux : la levée des obstacles et la mise en place des nouveaux apprentissages.

Comment le coaching de gestionnaires permet-il d’évoluer sur le plan personnel?

Étape 1 : la levée des obstacles

La plupart des accompagnés ont confiance dans leurs compétences techniques, mais ils se rendent compte qu’elles ne sont plus suffisantes, que quelque chose les empêche d’atteindre leurs objectifs et les conduit à réaliser une performance insatisfaisante. Ils ne révèlent pas forcément cette constatation sur leur lieu de travail. S’ils le font, ils ne sont pas toujours écoutés ni soutenus par leur hiérarchie. Ils en viennent donc à vouloir chercher un soutien à l’extérieur de l’organisation.

Les trois années d’expérience avec les stagiaires nous ont permis de repérer ces obstacles et de comprendre que les liens existants entre eux produisent un enchaînement dysfonctionnel marqué par les obstacles suivants : certaines peurs qui génèrent chez eux un manque de confiance, puis une absence de décision et, enfin, un sentiment de culpabilité.

La peur de l’échec, du jugement et de ne pas être aimé. La peur est l’émotion qui perturbe le plus l’action et la performance.

Elle désorganise aussi la personnalité car elle crée de l’insécurité. Elle est multidimensionnelle. La peur que l’on constate fréquemment chez les accompagnés est la peur d’échouer, de ne pas être à la hauteur de la situation. Souvent provoquée par des expériences qui se sont gravées dans leur histoire, cette peur est toujours plus pernicieuse que les autres peurs parce qu’elle tend à produire des situations visant à prouver qu’ils avaient raison d’avoir peur. Le conditionnement négatif de cette peur de « ne pas pouvoir y arriver » entraîne chez les accompagnés une diminution de leur capacité de réussite.

De même, la peur du jugement est observée. Elle prend la forme de pensées complexes où l’action se laisse guider par la peur d’être considéré comme indigne, incompétent ou incapable par ses supérieurs, ses collaborateurs ou ses clients. Ce type de peur peut produire diverses attitudes telles que l’inaction, l’absence de décision ou l’accusation d’un tiers.

Par ailleurs, la peur de déplaire ou de ne pas être aimé donne lieu à des comportements de séduction ou à une hyperactivité cherchant à prouver que la personne est compétente et qu’elle mérite d’être reconnue et appréciée. Nous remarquons cette peur chez certains stagiaires qui démontrent un engagement excessif au travail susceptible de mener à l’épuisement professionnel.

Le coaching collectif et individuel aide les stagiaires à se rendre compte des peurs qu’ils éprouvent, à les différencier selon leur nature et leur intensité : cela va de la peur motivée par la prudence, qui peut représenter l’appréhension légitime d’une action difficile et qui permet de déclencher la vigilance indispensable, à la peur panique ayant un effet destructeur.

Au fur et à mesure des séances collectives et des échanges, l’identité du groupe se crée. Le climat de confiance au sein du groupe fera que les peurs seront exprimées, partagées et comprises. Alors, les stagiaires s’apercevront que, quels que soient les contextes professionnels et les expertises, les interrogations et les craintes sont les mêmes, et cela les rassure.

Ils saisiront mieux la complexité de chaque être et, par extrapolation, de chaque supérieur ou collègue. Cette prise de conscience est un facteur important dans les relations professionnelles. Le manque de confiance. Les peurs qui ne sont pas comprises engendrent une perte de confiance chez les individus.

Nous constatons que cette question de la confiance est toujours abordée de façon détournée par les stagiaires alors qu’elle est la clef de voûte de tout ce qu’un individu est susceptible de mettre en œuvre. Les stagiaires recherchent une formation qui leur permettra d’accroître leur assurance face à leur savoir, leur confiance en eux-mêmes et dans la justesse de leurs décisions, mais ils ne le verbalisent pas. Le niveau de confiance de chacun d’eux est fonction de sa personnalité et de son histoire.

La confiance est un ressenti qui peut être exploré. Les étapes que nous proposons pour aller dans ce sens sont, d’une part, la prise de conscience de son niveau de confiance qui nécessite un travail sur soi réalisé au cours des sessions collectives et individuelles et, d’autre part, le repérage des éléments susceptibles d’augmenter ce niveau de confiance. La réponse que nous apportons à cette seconde étape est la préparation minutieuse de toutes les actions (un examen, un concours, un projet stratégique, un changement d’emploi, etc.) nécessaires à l’accroissement de la confiance. Des mises en situation sont suggérées dans des séances collectives.

De même, un plan visant à préparer un événement est établi pendant les séances de coaching individuel. Le manque de confiance freine la prise de décision chez les individus. Dès que la confiance, que ce soit à l’égard des autres ou de soi-même, est entravée dans la vie quotidienne, il devient en effet difficile d’agir (Lenhardt, 2008).

L’indécision. Nous notons l’absence de prise de décision chez plusieurs stagiaires. Nous observons aussi que plus le niveau d’études scientifiques est élevé, plus le besoin de logique formelle est présent et plus la décision est repoussée.

Ainsi, les stagiaires comptaient parmi eux trois chercheurs en sciences, qui se sont naturellement identifiés comme tels au début de la formation et se sont rapprochés les uns des autres. Lorsque nous les avons séparés et les avons amenés à approfondir la dimension émotionnelle, ils se sont rendu compte avec une certaine surprise qu’ils étaient prisonniers d’un processus de pensée scientifique où ils refoulaient leurs sentiments. Conditionnés par les circonstances, leur formation, leurs expériences et leurs habitudes (Covey, 2005), ces stagiaires ont pu puiser dans leur environnement professionnel des exemples d’indécision issus de la structure de leur pensée ou de leur manque de confiance.

Le sentiment de culpabilité. Ce sentiment était présent chez de nombreux stagiaires. Il s’agit d’une émotion très profonde qui plonge ses racines dans l’histoire passée de chacun. L’expérience de l’erreur, le fait d’être accusé ou les situations d’indécision sont autant de circonstances qui engendrent souvent un sentiment de culpabilité, lequel, comme le manque de confiance, paralyse l’action.

Notre rôle consistait alors à démontrer que les circonstances qui entraînent un sentiment de culpabilité (reproches, jugements, etc.) ne produisent rien de constructif. En revanche, la substitution d’une demande à un reproche suscite l’écoute et l’engagement qui incitent l’individu à devenir responsable de ses actes. Une telle prise de conscience et la mise en pratique de cette forme de communication positive sont développées dans les séances de coaching collectif et individuel.

Cet enchaînement de la peur, du manque de confiance, de l’indécision et du sentiment de culpabilité représente une barrière qui s’exprime par une sensation de malaise, par l’émergence de croyances négatives à l’égard de soi et des autres.

Seule la levée de ces obstacles peut permettre un mieux-être individuel et le développement du savoir-être professionnel de chaque individu. Les échanges au sein d’un groupe neutre, éloigné de tout contexte professionnel, amènent les stagiaires à se rendre compte que, malgré des secteurs d’activité et des métiers différents, les difficultés individuelles et professionnelles sont les mêmes pour nombre d’entre eux.

Après les premiers jours d’observation, le groupe se constitue autour de compétences partagées. Chacun accepte de se dévoiler et de parler de son expérience. Cet échange stimule la relation d’aide ou l’identification aux autres. Le sentiment du regard partagé fait naître la volonté de donner un sens à ce travail d’équipe. Le stagiaire s’enrichit, apprend à s’ouvrir à d’autres secteurs, va au-delà de sa spécificité technique pour atteindre une dimension plus stratégique (sur le plan relationnel ou sur celui des enjeux). Chacun sort de son isolement et expérimente l’aspect relationnel.

Par la suite, le coaching individuel permet d’aller au cœur de la relation d’aide. Chacun a alors un temps privilégié de face à face avec soi-même à travers l’accompagnement offert par un coach. Il peut dépasser les limites de la réflexion personnelle et rencontrer les autres dans l’empathie et la bienveillance à travers un effet de miroir. Ce face à face permet aussi au stagiaire d’ajuster ses propres stratégies relationnelles, car être en phase avec soi-même et s’accepter est nécessaire pour pouvoir prendre les autres en charge et animer une équipe. Enfin, l’apport théorique continu favorise l’explication et la formalisation des expériences vécues et complète la démarche d’aide collective et individuelle.

Cette première étape permet ainsi à chaque stagiaire de mieux se connaître et le prépare à faire de nouveaux apprentissages. Par la prise de conscience de ses peurs, de son manque de confiance, de son indécision et de son sentiment de culpabilité, il se rend également compte de sa déformation professionnelle (De Geuser et Fiol, 20023).

Étape 2 : la mise en place des nouveaux apprentissages

L’acquisition des nouveaux apprentissages se fait en deux temps, soit la détermination des besoins de changement et la rédaction d’un mémoire.

La détermination des besoins de changement. Cette phase permet de structurer les pratiques anciennes et de formaliser le besoin d’évolution de ces pratiques. Les trois stades du développement du responsable proposés par Lenhardt (2008) sont explorés : premièrement, le technicien centré sur des processus ; deuxièmement, le gestionnaire centré sur des processus (relations d’équipe, relations hiérarchiques); troisièmement, le leader centré sur la création du sens.  Ce travail conduit à un plan d’action s’inscrivant dans un mémoire.

Par exemple, au début de la formation, un cadre est fatigué et il manifeste le désir de quitter l’entreprise. Par le coaching de gestionnaires, il prend conscience du fait qu’il a depuis longtemps un problème de gestion de son temps. À partir de ce constat, il renforcera sa posture de leader, réalisera un travail cohérent avec son équipe et son supérieur. Dans son cas, l’entreprise, en acceptant cette formation, a fidélisé son collaborateur, l’a responsabilisé et l’a amené à adopter un comportement constructif. Ce cadre a pris la mesure de ses capacités et de ses valeurs, qu’il compare avec celles de l’entreprise. Il a situé son équilibre de vie et se dit désormais serein.

La rédaction d’un mémoire. La rédaction d’un mémoire par chacun des stagiaires a un double objectif : d’une part, synthétiser l’enseignement reçu et, d’autre part, décrire les nouveaux savoirs, savoir-faire et savoir-être dans un plan d’action.

Dans le contexte d’une problématique de gestion vécue, le stagiaire explore la connaissance de lui-même et de sa situation pour établir un plan d’action écrit ainsi qu’un calendrier qui prendra la forme d’un mémoire. Ce mémoire est soutenu oralement en septembre devant les autres stagiaires et l’équipe pédagogique. En présentant son travail à l’ensemble du groupe, le stagiaire scelle un engagement vis-à-vis de lui-même, du groupe, des enseignants-chercheurs et des coachs.

Il sait à ce dernier stade de la formation que seules les personnes qui savent s’interroger, chercher des ressources et accepter les cycles du changement progressent réellement. Cependant, encore faut-il savoir où l’on veut aller et comment on souhaite y aller. Le stagiaire sait aussi que l’établissement d’un leadership, adapté aux divers contextes de l’organisation, exige l’humilité et la conscience du fait que le modèle déployé dans un contexte devra sans doute être modifié dans un autre contexte.

Faire confiance et faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité sont désormais des compétences cibles qu’il souhaitera acquérir.

Quelques constats sur le coaching

Notre expérience de coaching, qui s’étend sur quelque trois années, nous amène à repérer les difficultés et les dangers qui guettent ce type de formation et à faire certaines recommandations.

La difficulté à mesurer la valeur ajoutée du coaching

La difficulté à mesurer la valeur ajoutée de cette formation est réelle (Coutu et Kauffman, 2009; Charan, 2009). Pourtant, cette évaluation est nécessaire et oblige à s’interroger sur les critères à retenir pour celle-ci. L’accroissement de la demande de coaching et la fidélisation des clients ne sont pas des critères satisfaisants, même s’ils sont souvent invoqués comme étant des critères évidents (Coutu et Kauffman, 2009; Charan 2009), du fait d’un phénomène de mode en gestion (Thévenet, 2006) et des risques bien connus de dépendance de l’accompagné vis-à-vis de son coach (Coutu et Kauffman, 2009; Maccoby, 2009).

Dans notre cas, afin de nous assurer de la valeur ajoutée de cette formation, nous avons mis en place une procédure en trois étapes : une évaluation à court, à moyen et à long terme.

Tableau 1 : Détermination des besoins de changement

Ancien paradigme : le gestionnaire traditionnel… Nouveau paradigme : le gestionnaire leader…
… prévoit, planifie … crée une vision inspiratrice et créée en collaboration
… établit les budgets … conçoit une stratégie et fait preuve de flexibilité
… organise

… pilote, s’adapte en souplesse, fait preuve de perspicacité dans l’action

… mesure et réduit les écarts

… fait évoluer la vision, adapte le changement par un effort permanent d’anticipation et d’écoute, prend des risques

… contrôle

… anticipe les possibilités et les failles, délègue, renonce à son pouvoir de super technicien, communique avec authenticité

L’évaluation à court terme. Au cours de la première étape, on vérifie le degré de satisfaction du stagiaire par le biais d’un questionnaire à questions ouvertes (quels sont les éléments de satisfaction? Quels sont les éléments d’insatisfaction?) pour chacune des interventions effectuées durant l’année. Une évaluation globale écrite est aussi demandée en fin d’année par la question suivante : que vous a apporté cette année de formation?

L’évaluation à moyen terme. À la deuxième étape, le coaching individuel tente de juger de la mise en application de l’enseignement que le stagiaire a reçu. Ainsi, le coach observe l’évolution de la capacité d’analyse des situations, des problèmes de gestion, des stratégies comportementales et relationnelles du stagiaire. Il l’aide à comprendre les causes des blocages et le laisse cheminer. Par ailleurs, les critères d’évaluation permettant de juger de la performance du coach sont la confiance qu’éprouve le stagiaire, le développement de sa capacité de comprendre une situation, d’écouter et d’accompagner les membres de son équipe.

À la fin du cycle universitaire, les étudiants doivent réaliser un entretien de coaching devant un jury composé d’enseignants et de coachs4. Cet exercice permet d’évaluer la posture du gestionnaire-coach, sa capacité d’écoute, la qualité de son questionnement, sa neutralité bienveillante et la conduite de l’entretien dans son entier. Il est évalué et bénéficie d’une rétroaction. Les critères utilisés pour l’évaluation de cet exercice sont la capacité de la personne d’établir une relation (mettre en confiance, écouter, etc.), de préciser une problématique, d’établir un questionnement (avec une technique de reformulation et de rétroaction), de pratiquer une écoute efficace, de guider l’établissement d’un plan d’action et à de relever les difficultés qui ont surgi en cours de route.

L’évaluation à long terme. Cette troisième étape est en train de se constituer. Elle consiste à faire un bilan de l’évolution de la carrière et des comportements de gestion de chacun des participants durant les années qui suivent la formation.

Une étude longitudinale est envisagée avec le suivi de chaque stagiaire dans le temps. Le mémoire (et le plan d’action proposé à la fin de formation) est alors utilisé comme variable de suivi.

Aujourd’hui, les deux premières étapes du processus d’évaluation qui sont déjà en place nous permettent de noter un niveau de satisfaction élevé chez tous les stagiaires à l’égard de la formation. Nous observons aussi un mieux-être chez ces derniers. Ils se déclarent plus confiants, plus à l’aise et plus sereins face aux problématiques qui se posent à eux. Les séances de coaching individuel nous permettent de valider ces dires par le biais du récit des expériences vécues dans leur quotidien. Une application de l’enseignement reçu dans les pratiques quotidiennes est ainsi constatée.

Les dangers ou les risques du coaching

Une mauvaise évaluation des difficultés que connaît le candidat à la formation et un manque de compétences pour faire face à une souffrance psychologique trop forte sont des craintes que nous éprouvons pendant le recrutement des stagiaires.

Il existe une peur de sélectionner une personne déviante qui s’approprierait les outils de la formation à des fins de manipulation, mais ce risque ne fait-il pas partie de la profession de coach? Cela fait ressortir la nécessité de former les coachs à la psychothérapie (Scoular, 2009).

Un autre danger est de faire de l’entreprise un champ d’expérimentation de nos théories et des stagiaires nos « instruments » d’expérience. Certes, nous accompagnons ces derniers dans leur cheminement, mais nous ne sommes pas sur le terrain au moment où les stagiaires s’emploient à changer leurs comportements et leurs stratégies relationnelles.

Ces derniers affrontent seuls les effets des changements réalisés. Le coach n’est qu’un guide, un stimulateur professionnel, avec certes des exigences élevées, qui aide la personne accompagnée à adopter de nouveaux comportements, de nouvelles croyances et de nouvelles capacités.

Les contraintes du coaching

« Si le tournevis est efficace pour visser, il est peu utile pour enfoncer des clous » (Moral et Angel, 2006). Certaines problématiques rebelles à un travail psychanalytique, comme les idées obsédantes, se résolvent parfois rapidement avec les techniques cognitives, lesquelles peuvent se révéler peu opérantes face à d’autres problématiques.

Le champ du coaching comporte quelques contraintes. La première contrainte vient du fait que la durée du contrat est courte : les outils utilisés doivent avoir démontré leur efficacité. La seconde correspond au besoin de transparence qui caractérise la demande actuelle (Moral et Angel, 2006). Cela revient aussi à exprimer le besoin de faire preuve de vigilance dans le choix du coach, de sa formation, de son expérience de gestionnaire et de sa déontologie.


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En sa qualité de coach interne dans une entreprise française, Pettersson (2005) insiste sur la déontologie et la nécessité de rester dans un cadre confidentiel. En effet, l’engagement d’un coach est un contrat passé, et il est important que le commanditaire payeur adhère à ce postulat éthique. En ce qui concerne le coach externe, le respect de ce postulat est tout aussi essentiel.

Conclusion

Nous avons mis au point cette formation basée sur le coaching collectif et individuel pour aider les gestionnaires à faire face aux problématiques qui se présentent à eux. Nous souhaitons qu’elle soit le déclencheur d’un processus de réflexion continu chez eux. À la fin de la formation, ils savent que la dynamique de gestion à laquelle ils aspirent exige une remise en cause régulière. Ils savent aussi que rester humble et authentique est un exercice courageux indispensable à la conduite d’une équipe, afin de donner du sens à tous les accompagnés tout en intégrant les aspirations de chacun.


Notes

1 Diplôme universitaire (DU) «Développement des compétences managériales», IGR-IAE, Université de Rennes 1, France, http://www.igr.univ-rennes1.fr.

2 Ces individus s’inscrivent tous dans une démarche individuelle. Ils ont participé à une réunion d’information qui leur a présenté le diplôme. Ils ont préparé un dossier de recrutement, pour certains sans en référer à leur employeur, puis ont participé au processus de recrutement (entretien avec les responsables du diplôme). Certains d’entre eux ont ensuite demandé à leur entreprise de participer au financement de la formation (par le plan de formation de l’entreprise, le droit individuel à la formation ou le congé individuel de formation), tandis que d’autres ont financé leur projet individuellement.

3 Ces auteurs remettent en cause le postulat que l’expérience professionnelle constitue toujours une formation positive. Ils déclarent que cette expérience peut représenter une réelle déformation continue des gestionnaires en raison de l’existence de réflexes mentaux (croyances, réutilisation de solutions qui ont fonctionné auparavant, absence de prise de conscience du contexte, simplification du monde).

4 Un stagiaire propose à un autre stagiaire une problématique réelle de gestion. L’écoutant doit, par sa capacité d’écoute, sa capacité de reformulation, etc., aider le gestionnaire en difficulté à dresser un plan d’action.

Références

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Berglas, S. (2002), «The very real dangers of executive coaching», Harvard Business Review, vol. 80, n° 6, p. 86-92.

Beriot, D. (2008), Manager par l’approche systémique, Les Éditions d’Organisation.

Brunner, R. (2009), La psychanalyste expliquée aux managers, Les Éditions d’Organisation.

Charan, R. (2009), «The coaching industry: A work in progress», Harvard Business Review, vol. 87, n° 1, p. 93.

Cloët, H. (2007), «Le recours au coaching externe : prise de recul», Revue de Gestion des Ressources Humaines, n° 65, juillet-aoûtseptembre, p. 16-40.

Coutu, D., Kauffman, C. (2009), «HBR research report: What can coaches do for you?», Harvard Business Review, vol. 87, n° 1, p. 91-97.

Covey, S.R. (2005), Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent, First.

De Geuser, F., Fiol, M . (2002), «La déformation continue des managers», ANZAM/IFSAM World Congress, Gold C oast, Queensland, Australie, 10-13 juillet 2002.

Desgraupes, P., Morin, J.-M. (2007), La face cachée du coaching, Focus RH, Groupe Studyrama.

Lenhardt, V. (2008), Au coeur de la relation d’aide. Réflexion sur les fondamentaux de la thérapie et du coaching, Dunod.

Maccoby, M. (2009), «The dangers of dependence on coaches», Harvard Business Review, vol. 87, n° 1, p. 95.

Moral, M., Angel, P. (2006), Coaching. Outils et pratiques, Éditions Armand Colin.

Mucchieli, R. (2000), La dynamique des groupes, processus d’influence et de changement dans la vie affective des groupes, ESF.

Scoular, A. (2009), «How do you pick a coach?», Harvard Business Review, vol. 87, n° 1, p. 96.

Pettersson, D. (2005), Guide pratique du coaching interne, Gualino.

Thévenet, M . (2006), «Les modes en gestion des ressources humaines» dans Allouche, J. (dir.), Encyclopédie des ressources humaines, Vuibert, p. 787-793.

Watzlawick, P. (1972), La réalité de la réalité, Éditions du Seuil.