Au cours des dernières années, plusieurs entreprises ont dû réagir rapidement face à l’accroissement de leurs coûts. La solution rapide? Augmenter le prix de vente de leurs produits et services afin de transférer la facture à la clientèle. Mais est-ce réellement ce qu’il faut faire?

Alors que la concurrence s’intensifie, la gestion des coûts devient incontournable pour assurer la compétitivité des entreprises. La conjoncture économique, et plus particulièrement l’inflation, fournit un prétexte supplémentaire pour faire de la gestion des coûts un élément clé des plans stratégiques des organisations.

1 - Gestion des coûts à court terme

La réduction des coûts des ressources directement allouées à la fabrication d’un bien ou à la prestation d’un service constitue généralement la première option à envisager à court terme. Pour ce faire, il convient d’abord de catégoriser les ressources consommées par l’organisation, afin de distinguer les ressources directes de celles qui sont considérées comme étant indirectes.

De manière générale, la matière première et la main-d’œuvre associées aux opérations forment les deux principaux volets des ressources directes. Les autres ressources requises pour le fonctionnement de l’organisation (essentiellement des fournitures, de l’équipement de fabrication, du personnel de soutien, du mobilier et des infrastructures) sont considérées comme des ressources essentielles, mais indirectement liées aux opérations.

Pour gérer la consommation des ressources directes à court terme, un contrôle budgétaire périodique s’avère indispensable. Un exercice de contrôle budgétaire typique débute par la comparaison du résultat prévu pour une période donnée (préférablement une semaine, un mois ou un trimestre) à celui réellement obtenu durant la même période.

Cette analyse comparative permet d’abord de mieux cerner l’écart qui sépare le résultat prévu et celui réellement obtenu. Elle permet aussi de recueillir des données qui serviront à évaluer les types d’écarts budgétaires à surveiller :
- une première catégorie d’écarts, liée à la variation des prix de vente des produits et des services offerts;
- une deuxième catégorie d’écarts, liée à la variation du volume de ventes;
- une troisième catégorie d’écarts, liée à la consommation des ressources.

Cette troisième catégorie d’écarts budgétaires inclut non seulement ceux liés à la variation du prix des ressources, mais également ceux qui résultent de la variation des quantités de ressources utilisées. Dans le but de réduire les coûts à court terme, cette catégorie d’écarts offre des leviers particulièrement intéressants.

Le contrôle budgétaire

Le contrôle budgétaire est une pratique flexible qui peut s’adapter à tous les types d’organisation. Prenons l’exemple d’une entreprise évoluant dans le secteur de la restauration. Les principales ressources qu’elle utilisera sont constituées des matières premières (ingrédients nécessaires à la préparation des plats) et de la main-d’œuvre directement associée à la prestation du service (en cuisine et en salle à manger, par exemple).

Les écarts liés à la consommation de ressources peuvent être catégorisés ainsi :
- l’écart de prix payé pour les ressources, soit la différence entre les prix d’achat prévus et réels des ingrédients, ou encore, la différence entre le taux horaire prévu des employés et celui effectivement payé;
- l’écart de quantité des ressources utilisées, qui concerne les variations observées entre les quantités réelles d’ingrédients utilisés ou les heures réelles effectuées par la main-d’œuvre directement associée à la prestation du service et les quantités d’ingrédients ou d’heures travaillées qu’on aurait dû comptabiliser pour les repas qui ont été servis durant la période faisant l’objet du contrôle budgétaire.

Lorsqu’elle constate de tels écarts, l’entreprise dispose de plusieurs leviers pour gérer ses coûts. Par exemple, si l’écart de prix des ingrédients est défavorable, des négociations peuvent être envisagées avec les fournisseurs. Ultimement, elle pourrait aussi devoir en trouver de nouveaux. Si l’entreprise relève des écarts défavorables dans les quantités d’ingrédients, elle tentera de déterminer s’il y a gaspillage de ressources et, le cas échéant, cherchera à y remédier dans la mesure du possible.

Dans certains cas, l’intelligence artificielle (IA) pourrait permettre de mieux prédire la demande et contribuer à réduire le gaspillage de matières premières en améliorant la gestion des stocks. Utiliser l’IA requiert des compétences, mais les économies potentielles que cet outil procure justifient souvent l’investissement.

Notons finalement que les ressources étant un élément essentiel au bon fonctionnement d’une entreprise, les décisions prises à court terme ne doivent toutefois pas faire abstraction du positionnement stratégique de l’organisation afin de ne pas nuire à sa performance à long terme. Par exemple, pour un restaurant haut de gamme, changer de fournisseurs d’ingrédients peut avoir des répercussions sur la qualité des repas servis, ce qui peut s’avérer risqué.

2 - Gestion des coûts à moyen terme

À moyen terme, l’entreprise approfondira son analyse des coûts afin de déterminer jusqu’à quel point il est possible de modifier ses façons de faire (processus) dans le but de réaliser des économies. Ce type d’analyse, qui englobe autant la gestion des ressources directes que celle des ressources indirectes, est fréquemment négligé, principalement parce que les ressources indirectes sont associées à des coûts fixes qui, par conséquent, semblent difficiles à réduire.

Bien que plus complexe à réaliser, la révision des processus peut générer des économies importantes de coûts sans nécessiter l’investissement de sommes considérables. En effet, les gains d’efficience sous-jacents à l’optimisation des processus permettent de tirer le maximum des actifs et des ressources qui sont en place.

Pour accomplir une telle démarche, il importe d’abord d’établir quels sont les processus internes à revoir (voir le graphique ci-dessous), incluant les processus de fabrication, de vente, du service de l’informatique, des ressources humaines, des finances, etc. L’analyse peut être facilitée par l’établissement de la chaîne de valeur interne de l’entreprise, qui met en lumière à la fois les processus et les activités essentielles à la mise en œuvre de ces processus.

Un examen approfondi de la chaîne de valeur permet de distinguer les activités qui donnent de la valeur au produit fabriqué ou au service rendu de celles qui génèrent moins ou peu de valeur pour la clientèle. Une fois qu’on a analysé l’ensemble des activités importantes, le défi de la gestion des processus consiste à analyser les activités et les tâches qui n’apportent pas ou très peu de valeur en vue d’en réduire l’importance ou même de les éliminer.

Il est aussi important de voir à bien calibrer les activités pour assurer une bonne fluidité du travail effectué. On cherche donc à réduire les temps morts et à cerner les goulots d’étranglement qui perturbent cette fluidité. Si l’on se réfère au dicton selon lequel une chaîne est aussi forte que son maillon le plus faible, il faut donc cibler et corriger continuellement les lacunes.

L’information comptable peut également servir à améliorer et à optimiser la prise de décision. Il faut avoir une bonne compréhension des coûts, notamment le coût de revient des éléments analysés (produits, services, activités, etc.). Une analyse qui tient compte des coûts fixes et variables est un bon point de départ, mais il importe également de chercher à bien répartir ces coûts grâce à des inducteurs de coûts plus fiables, notamment en ce qui concerne les coûts fixes. Une meilleure allocation des coûts favorise une prise de décision plus éclairée et une meilleure compétitivité.

L’analyse des processus

Dans un restaurant, la plus importante portion de la chaîne de valeur est constituée des processus qui ont cours entre la réception des ingrédients utilisés en cuisine et l’arrivée des repas en salle à manger. Parmi les processus clés, il y a, par exemple, le stockage des denrées, la préparation en cuisine des composantes des plats et l’acheminement des assiettes vers les clients. Chacun de ces processus se décompose ensuite en sous-processus.

Ces dernières années, plusieurs restaurateurs se sont questionnés sur l’efficience de leurs processus et ont cherché des moyens pour les optimiser. Prenons l’exemple du sous-processus de la fabrication du pain, qui nécessite diverses ressources, notamment des ingrédients, de la main-d’œuvre et de l’équipement.

Lorsqu’on analyse ce processus de fabrication de plus près, diverses questions pertinentes peuvent être soulevées :
- Est-il possible d’automatiser le processus, ce qui permettrait de réduire le temps de main-d’œuvre ou d’utiliser les compétences de celle-ci à meilleur escient?
- Comment peut-on diminuer les temps morts (durant la période de fermentation ou celle de la cuisson, par exemple)?
- Est-il possible d’améliorer la qualité du processus ou de réduire le gaspillage?
- Peut-on envisager l’externalisation de cette préparation (approvisionnement externe)?
- Peut-on réduire l’espace consacré à la fabrication du pain et ainsi mieux rentabiliser l’espace récupéré?

Comme on peut le constater, la réflexion sur les processus ouvre sur une perspective plus englobante que la réflexion à court terme. Elle amène le gestionnaire à se questionner à la fois sur les ressources directes (matières premières et main-d’œuvre) et les ressources indirectes (équipement et espace) nécessaires.

Cette réflexion à moyen terme peut mener à une révision importante des processus, ce qui peut non seulement entraîner des économies de coûts, mais également favoriser une amélioration de la qualité des produits ou des services offerts.

Plusieurs restaurateurs ont opté pour une plus grande automatisation de la fabrication du pain dans les dernières années. Ce changement de processus important a permis une stabilisation de la qualité du pain fabriqué, une réduction du temps de main-d’œuvre consacré à des activités ayant peu de valeur ajoutée, une diminution du gaspillage et des gains d’espace.

3 - Gestion des coûts à long terme

En situation d’urgence, plusieurs gestionnaires sont tentés de se tourner vers des initiatives de réduction de coûts qui ont des répercussions sur le capital investi dans l’entreprise, incluant le capital humain. Des entreprises peuvent choisir par exemple de réduire leur capacité de production, de restructurer leurs activités en abandonnant certains produits ou services offerts, de fusionner des divisions, ou encore, de liquider ou de procéder à une rationalisation des actifs à long terme.

Bien que ce genre de décisions soit de nature à générer des économies substantielles à court terme, les décisions qui ont des effets sur le capital investi sont également susceptibles d’avoir des répercussions majeures sur l’organisation, et ce, sur un très long horizon.

Étant donné que de telles décisions sont souvent lourdes de conséquences, il est conseillé d’y réfléchir à partir d’un point de vue stratégique plutôt qu’opérationnel. Dès lors, la gestion des coûts à long terme devrait faire partie intégrante du cadre de réflexion stratégique dont l’élaboration respecte généralement ces trois étapes :

A - Une analyse de la situation actuelle de l’organisation, incluant une évaluation du positionnement que l’entreprise souhaite occuper dans son industrie et de la stratégie qu’elle met en œuvre pour l’atteindre, une analyse diagnostique de sa gestion et de son contexte (analyse des forces, faiblesses, possibilités et menaces) ainsi qu’une analyse approfondie de sa situation financière;

B - Une appréciation de toutes les options stratégiques possibles en vue d’améliorer son positionnement. Cette appréciation doit se faire en tenant compte du diagnostic établi à l’étape précédente;

C - Le choix d’une ou de plusieurs options stratégiques et l’établissement d’un plan de mise en œuvre de la stratégie, incluant des plans d’action et des suivis.

Une telle approche stratégique permettra à l’entreprise de prendre en compte l’ensemble des répercussions que des décisions peuvent avoir à long terme sur sa destinée.

Dans le contexte économique actuel, la gestion des coûts est un processus fondamental pour assurer la pérennité des entreprises. L’une des approches les plus appropriées consiste à envisager cette gestion selon trois horizons de temps. Dépendamment de l’horizon visé, les gestionnaires utiliseront des outils différents, incluant principalement le contrôle budgétaire (court terme), l’analyse des processus (moyen terme) et la réflexion stratégique (long terme). Bien que l’exemple de la restauration ait été ici utilisé pour illustrer ces différents concepts, les outils proposés peuvent servir à plusieurs types d’organisation œuvrant dans une variété de secteurs.

La réflexion stratégique

Plusieurs restaurants ont dû faire face ces dernières années à une baisse importante de fréquentation de leurs établissements ainsi qu’à l’augmentation du coût des ressources, causée notamment par l’inflation et une pénurie de main-d’œuvre.

Certains ont réagi à cette situation en effectuant une réflexion stratégique qui leur a non seulement permis de réduire leurs coûts, mais aussi de mieux se positionner dans leur industrie.

Des restaurants ont notamment constaté que plusieurs plats de leurs menus ne répondaient pas adéquatement aux besoins et aux désirs de leur clientèle. Pour plusieurs, la réduction du nombre de produits au menu s’est alors avérée une option intéressante. Ils ont ainsi été en mesure de réaliser des économies pour ce qui est des ressources utilisées, de réduire la complexité de leurs opérations, d’utiliser plus efficacement la main-d’œuvre et de mieux gérer l’espace.

Article publié dans l’édition Été 2024 de Gestion