Plus vite, plus haut, plus fort. La devise olympique peut-elle s’appliquer à nos organisations et aux gens qui œuvrent au sein de ces dernières? Le professeur Jacques Forest, de l’ESG-UQAM, et Jean-Paul Richard, gestionnaire et entraîneur au Comité olympique canadien, se sont donné comme objectif ultime de convaincre de la chose les spécialistes des ressources humaines venus les entendre dans le cadre de la dernière journée du congrès 2015 de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés (CRHA), tenu dans la Capitale nationale. Le titre ambitieux de leur atelier, Imaginer… l’expérience olympique au service de vos employés, était prometteur.

Peut-on en effet prétendre faire de nos employées et employés ces machines de performance que sont les athlètes olympiques? Évidemment, non. Toutefois, les parallèles à établir entre l’état d’esprit d’un athlète olympique et celui d’un employé, dans une perspective de performance, sont nombreux. Et, surtout, les apprentissages à tirer d’une telle comparaison pour nos organisations le sont tout autant. Dans un premier temps, l’athlète, tout comme l’employé, doit être motivé pour accomplir la tâche qui lui est assignée ou qu’il s’assigne lui-même. Mais à ce compte, les types de motivation n’occupent certes pas la même position dans le peloton. Certaines se démarquent plus que d’autres.

Les éléments de motivation intrinsèque que sont le plaisir et le sens et l’utilité du travail peuvent s’avérer de puissants leviers menant vers une performance solide et durable. Ce sont peut-être là les éléments de motivation les plus difficiles à cerner et à rappeler à l’athlète, signale Jean-Paul Richard, lui qui était tout près de l’équipe de ski acrobatique canadienne et des sœurs Maxime (12e rang), Justine (or) et Chloé (argent) Dufour-Lapointe, lors des derniers jeux olympiques d’hiver à Sotchi. Au plus creux d’un cycle olympique, l’athlète peut perdre de son énergie et de son enthousiasme. Il faut alors, rappelle le coach Richard, ramener à l’avant-plan les émotions et les souvenirs associés au plaisir ressenti à pratiquer son sport et au sens qu’il donne à tous les efforts qu’il déploie pour atteindre ses objectifs. Mais attention, nous ont rappelé les conférenciers, aux éléments de motivation extrinsèque que sont l’autosatisfaction et les récompenses, car ceux-ci n’ont qu’une portée à court terme et peuvent s’avérer, à long terme, contre-productifs.

L’autosatisfaction, qui peut se manifester par un orgueil ou un ego démesuré, suscite des attitudes de repli sur soi qui ne feront, in fine, que ralentir le développement de l’athlète. Quant aux récompenses, que l’on parle de médailles, de salaire ou de bonus de fin d’année, elles ne doivent jamais constituer des fins en soi, mais davantage s’insérer dans un portait plus large où une performance optimale et collective est recherchée. Il appartient donc tant à l’entraîneur qu’au gestionnaire de mettre un accent certain sur les leviers de motivation intrinsèque, moins visibles et immédiats, mais tellement plus porteurs, au détriment des leviers de motivation extrinsèque. Et également de travailler à combler les besoins fondamentaux de tout être humain, qu’il soit au travail ou sur la piste de ski acrobatique. L’entraîneur/gestionnaire doit donc favoriser parmi ses protégés des attitudes d’autonomie, qui seront concrétisées par une plus grande indépendance et une plus grande authenticité dans l’atteinte de la tâche et dans les relations avec les pairs. Il doit également travailler à l’amélioration des forces des personnes sous sa gouverne en fixant des objectifs exigeants mais réalisables. Il doit, enfin, chercher à nourrir le besoin d’affiliation de l’athlète/employé.

Dans ce dernier cas, c’est un équilibre parfois difficile à maintenir, mais que le coach Richard a su habilement préserver avec les sœurs Dufour-Lapointe en leur permettant de vivre ensemble (chose à laquelle elles étaient habituées) lors des entraînements à l’étranger par exemple, mais en exigeant aussi de ces dernières leur présence aux soupers d’équipe. Former une championne ou un champion est exigeant. À quoi reconnaître une telle ou un tel as? Il ne fournit pas d’excuses, il voit le large portrait et non sa seule contribution, il fonctionne à un niveau optimal, il sait traduire l’apprentissage abstrait en résultats concrets, il est méthodique, il est patient et sait (parfois!) s’accorder le droit à l’erreur et, finalement, il est optimiste. En appuyant sur les bons leviers et en cherchant à combler de la manière la plus satisfaisante possible les trois besoins ci-haut évoqués, tant l’entraîneur que le gestionnaire peuvent s’attendre à voir leurs protégés, leur organisation et même le pays atteindre les plus hauts niveaux du podium.