Article publié dans l'édition automne 2018 de Gestion

Dès sa sortie du Collège LaSalle, en 1986, Marie Saint Pierre, designer audacieuse et libre, a foncé dans cet univers de la mode qu’elle allait marquer durablement avec son style architectural et intemporel. Première Québécoise invitée au célèbre salon Coterie de New York, elle a réussi à traverser avec une détermination peu commune les turbulences d’un domaine aussi glamour qu’impitoyable.

À notre époque de mode jetable, consommée avec une frivolité qui flirte avec l’inconscience environnementale, la Maison Marie Saint Pierre préfère créer des vêtements qui traverseront le temps. Aller à contre-courant n’a jamais freiné la créatrice, même si cette force pionnière a mis un certain temps à trouver une voie où s’exprimer. La soif de liberté, le goût du risque et la capacité à anticiper le changement ont propulsé cette designer rebelle.


LIRE AUSSI: Portrait d'un leader: Dax Dasilva, fondateur de Lightspeed et de Never Apart


Mary Poppins n’a pas froid aux yeux

Enfant rêveuse, la petite Marie était convaincue de pouvoir voler. « Pendant des années, je me suis fabriqué des ailes. Je grimpais partout pour essayer de voler, c’était une véritable obsession. D’ailleurs, mon surnom, c’est Mary poppins : ça vous donne une idée », raconte Marie Saint pierre lorsqu’on l’interroge à propos de ses souvenirs les plus lointains.

Ces ailes, l’école les rabattra solidement, au point où il lui faudra des années pour enfin pouvoir les déployer dans toute leur envergure. Il est vrai que le jour de la rentrée a été de mauvais augure : la petite Marie a oublié de retirer sa culotte de pyjama, qu’elle porte donc sous sa robe. Encore mal à l’aise aujourd’hui à la simple évocation de cette période de sa vie, Marie Saint pierre affirme avoir été malheureuse dans ce milieu scolaire rétrograde, au point où elle saignait fréquemment du nez le matin. « Je n’aimais rien, j’exécrais cet environnement, l’odeur, les sièges… tout. J’avais l’impression d’aller en prison, d’être condamnée aux travaux forcés », explique la femme d’affaires. En outre, cette élève douée n’y voyait absolument aucun intérêt. « J’ai tellement d’empathie pour ceux qui n’aiment pas l’école ! Il n’y a pas de place pour les gens qui pensent différemment. Ce qui me révolte, ce sont les conventions rigides qui abaissent les standards et qui n’existent que pour faciliter la vie de ceux qui ne sont pas vraiment capables de gouverner. Ça me rend folle. Et à l’école, on ne pouvait pas émettre d’idées qui sortaient du cadre », insiste la designer, qui tient par ailleurs à préciser ceci : « Être rebelle ne signifie pas être irrespectueux. Être rebelle, ça ne veut pas dire se cogner aux gens. Ça signifie simplement choisir un parcours différent. »

En plus de voir les choses autrement et de préférer la compagnie des adultes, la fillette a du mal à dormir. Ses parents se procurent donc des écouteurs afin que leur petite insomniaque puisse se laisser bercer par de la musique et trouver le sommeil. La musique – ou plutôt les musiques, du jazz à la chanson française en passant par le classique et par l’opéra – accompagnera Marie tout au long de son adolescence. Jeune adulte, elle s’éclate aussi sur les pistes de danse, qui lui servent d’observatoire de la faune humaine et de ses mœurs vestimentaires. Quant à la musique, Marie Saint pierre s’en imprègne encore tous les jours, et rien ne lui est plus agréable que de laisser ses pièces préférées envahir sa maison ou sa voiture. (Soit dit en passant, elle écoute encore de la musique pour s’endormir.)

Une fois inscrite au Collège Jean-de-Brébeuf, la jeune rebelle peut explorer des domaines qui lui plaisent, notamment la musique, les arts et le cinéma. Il y aura ensuite des études en arts plastiques à l’université de Montréal, puis la mode au Collège LaSalle où, avec sa rencontre du textile, elle prendra son envol.

msp

Photos @ Martin Girard

L’esprit du jeu

En 1986, quelques mois après avoir empoché son diplôme en design de mode et une bourse pour finissante prometteuse décernée par le Fashion Group international de Montréal, la jeune designer crée trois prototypes de manteaux.

La Maison Marie Saint Pierre en bref

1987 - Année de fondation; présentation de la première collection complète de prêt-à-porter l'année suivante.

1995 - Premier défilé d'une designer canadienne aux Collections Créateurs de Paris.

2004 - Premier défilé-bénéfice pour la Fondation Sous Zéro.

2006 - Lancement d'une collection exclusive de poupées Bratz « Haute Couture en coulisse ».

2009 - Collaboration avec les hôtels Le Germain : création d'une collection d'uniformes pour le personnel du groupe, de même que d'une gamme de meubles et d'accessoires de décoration pour les chambres de l'établissement de Montréal.

2010 - Lancement des eaux de parfum B et C.

2011 - Première collaboration avec Reitmans pour la création d'une collection capsule à prix abordable.

2014 - Création d'une gamme complète de meubles en collaboration avec la firme Meubles RENO et déménagement de l'atelier sur la rue Chabanel, à Montréal.

2017 - Pour le trentième anniversaire de la maison, publication du livre Maison Marie Saint Pierre - En 30 tableaux

Armée d’une certaine effronterie et d’un indéniable optimisme, elle va les présenter dans des boutiques, d’où elle rentre avec une vingtaine de commandes qui s’enchaîneront à peine le produit livré. Un an plus tard, elle aménage un atelier où elle conçoit sa première collection complète de prêt-à-porter. Puis, les événements se précipitent : participation au salon Coterie de new York, ouverture d’une première boutique, rue Saint-denis à Montréal, et création de collections d’uniformes, notamment pour le Musée du Québec, le Biodôme, le planétarium et le Musée d’art contemporain de Montréal, en plus des nombreuses marques de reconnaissance qui jalonneront son parcours.

À peine une décennie plus tard, Marie Saint Pierre est déjà une designer reconnue au Québec. Entre-temps, elle a dû surmonter un grand nombre d’embûches, repoussant sans cesse les limites imposées par le milieu et celles de ses propres ambitions. Pourtant, un problème d’une ampleur inédite menace de la faire craquer pour de bon : à deux semaines de la présentation de sa collection à Toronto, les tissus commandés d’Europe n’ont pas été livrés. C’est une véritable catastrophe : pour elle, le choix des matières constitue en effet l’inspiration initiale d’où émerge ensuite toute une collection, un peu à la manière dont procèdent les grandes maisons de couture européennes.

Loin de laisser la panique prendre le dessus, la designer se met en quête d’étoffes dans une boutique de la rue Saint-Hubert, à Montréal, où elle déniche, après en avoir exploré tous les recoins, des tissus qui pourraient convenir. Elle doit toutefois les transformer du tout au tout : elle les colore à la peinture blanche et argentée avant de les passer à l’eau salée pour leur donner de la rigidité et du volume. Ce n’est pas la première fois que la designer s’amuse avec le textile. Mais cette fois-ci, en plus de redresser une situation désespérée, le processus ludique mène au célèbre froissé qui deviendra la marque de commerce de Marie Saint Pierre. La réussite est totale : cette collection voyagera ensuite jusqu’à paris. La designer sera d’ailleurs la première Québécoise à accéder aux prestigieux défilés français.

Cette capacité à transformer les revers de fortune en succès a permis à la conceptrice de mode d’établir sa notoriété, son style, son entre- prise, et d’enraciner ses installations. En plus de ses trois boutiques (deux à Montréal, l’autre à Miami), elle administre aujourd’hui un site de commerce en ligne et un atelier de 2 300 mètres carrés sur la rue Chabanel, qui a longtemps été le cœur du secteur de la confection à Montréal. Selon Marie Saint Pierre, cette vivacité créative qui lui permet de rebondir sur les événements trouve ancrage dans son héritage familial. Ses parents, êtres festifs qui aimaient recevoir à leur table et échanger des idées, lui ont transmis cette aisance à jouer, « mais toujours dans l’optique de faire avancer notre façon de penser, notre manière de voir les choses, nos interactions avec les autres, parce que c’est lorsqu’on discute qu’on décloisonne les idées. C’est pour cette raison qu’on s’assoit autour d’une table, qu’on mange, qu’on échange », précise la créatrice, qui ne rate aucune occasion d’accueillir ses amis chez elle ou d’organiser une fête.

Depuis 16 ans, Marie Saint Pierre est associée à sa sœur cadette, Danielle Charest. Complices, elles ont traversé ensemble les bouleversements provoqués par la fin des accords internationaux qui ont protégé l’industrie de la mode canadienne jusqu’en 2005. Grâce au travail accompli par sa sœur actuaire, la designer a beaucoup plus de temps pour créer qu’auparavant, malgré des effectifs qui ont récemment doublé.


LIRE AUSSI: Portrait d'un leader - Éric Fournier - Les horizons lumineux du Moment Factory


La beauté dans tout

Dans le devenir de la jeune Marie, il y a aussi l’influence marquante du peintre Jean-Paul Riopelle, proche ami de ses parents collectionneurs, ce « troisième parent qui savait transformer en jeu les choses sérieuses ».5 clés La femme audacieuse qu’elle est devenue confie que ce grand artiste lui a appris à prendre la vie du bon côté, à ne pas chercher la réussite à tout prix mais plutôt à voir l’existence comme une traversée. « C’était un épicurien et un perfectionniste qui allait dans le détail, dit-elle. Il aimait la nature, il aimait le beau. Je suis attirée par ces gens en quête de beauté. Le beau, ça ne veut pas dire l’esthétiquement parfait, ça n’a rien à voir ! L’exemple qui me vient en tête, c’est un livre qu’on m’a offert sur le Liban de l’après-guerre, des photos d’un artiste qui a su saisir tout ce qui pousse à nouveau dans ces ruines, dans ce paysage agressé par l’homme : une maison n’est plus une maison, c’est une sculpture, un reste de mur avec des fleurs qui s’y accrochent. Ce photographe a su trouver le beau dans la laideur extrême, dans la guerre, ce qui donne à croire qu’il subsiste de la beauté partout. Le beau peut être dérangeant, brutal ; le beau peut être beaucoup de choses. Le beau est ce qui m’émeut plus que tout. »

Cette vision du monde, ce goût de la vie, Marie Saint pierre a envie de les partager. Selon elle, « nous sommes tous là, d’une certaine façon, pour changer le monde ». Elle contribue donc à le transformer au moyen de l’engagement social. en 2004, la femme d’affaires a créé l’opération Sous Zéro, qui a jusqu’à maintenant habillé chaudement plus de 10 000 enfants défavorisés de Montréal et de Québec pour qu’ils puissent eux aussi jouer dehors l’hiver. Et en plus d’agir comme mentor auprès de la relève, elle s’implique dans plusieurs projets rassembleurs de son secteur d’activité : elle a notamment participé à la fondation du Conseil des créateurs de mode du Québec, siégé à divers comités gouvernementaux et inspiré un concept original de boutique nomade, le Cabinet Éphémère.

Agir, s’engager, ne jamais s’avouer vaincue. « Quand j’étais jeune, lors de ces moments où je trouvais la vie difficile parce que je ne cadrais nulle part, j’ai pris l’habitude d’aller me promener jusqu’à l’armée du Salut. Je restais là à écouter de la musique et à me familiariser avec un univers assez éprouvant ; je me forçais à observer les gens, à me demander ce qui m’était arrivé de si grave pour que je sois triste à ce point. J’ai appris à faire cette gymnastique comme on s’entraîne à autre chose. » Cette aptitude à recentrer la réalité, cette volonté d’avancer, voilà ce qui a permis à Marie Saint Pierre de traverser les trois dernières décennies et de s’imposer comme une figure majeure de la mode québécoise. En effet, dans ce domaine trop souvent hostile, la créatrice et femme d’affaires a maintes fois provoqué le destin et conjuré l’adversité avec aplomb. « Rien n’arrive pour te détruire, seulement pour te construire », affirme-t-elle avec conviction. Malgré tout, elle a souvent songé à tout arrêter. Elle affirme d’ailleurs ceci sans hésitation : « Je ne recommencerais pas : c’est un métier tellement difficile ! » Mais ses clientes, ces femmes qui ont elles-mêmes envie de changer le monde, lui ont insufflé la force de continuer : « J’ai côtoyé des femmes extraordinaires, des femmes qui, comme moi, ont envie de communiquer quelque chose de nouveau, de promouvoir le changement. »

Intercepter la lumière

Parmi ces femmes qui l’entourent et qui œuvrent à changer le monde à leur manière, il y a Danielle Charest, sœur cadette de Marie. avant de devenir l’associée de son aînée, cette actuaire menait une brillante carrière, ambassadrice convaincue des créations de sa sœur – les seules tenues qu’elle portait –, suivant son parcours avec fierté et lui offrant volontiers ses conseils. « Ça faisait déjà quinze ans que Marie menait l’aventure toute seule, aidée par ma mère, c’est vrai, mais elle était débordée. Je l’aidais sporadiquement. Elle avait une grande confiance dans mes aptitudes financières : en effet, lorsqu’elle suivait mes conseils, ce que j’avais prédit se réalisait. Pendant des années, on m’a dit : “Danielle, quand vas-tu te joindre à Marie ?” et si Marie avait déjà affirmé qu’elle ne prendrait jamais d’associée, implicitement, j’étais la seule candidate possible… »

Les deux associées se complètent à merveille ; de leur complicité émane une énergie quasi palpable. Ensemble, elles ont traversé tous les chambardements de leur secteur d’activité, notamment à la suite de l’abolition définitive des accords multifibres1 après une décennie de démantèlement progressif. Elles ont alors pris un tournant décisif : transformer leur entreprise en maison de produits de luxe. Ensemble, elles défendent dorénavant une production entièrement locale qui respecte les exigences très rigoureuses de la Maison Marie Saint Pierre en matière de qualité. Ensemble, toujours, elles ont ouvert une première boutique aux États-Unis, dans le quartier du Wynwood art district de Miami, en 2015. Ensemble, elles voient grand.

« L’entreprise grossit, mais c’est plus lourd à supporter. La production à l’interne nous apporte un immense contrôle, mais du jour au lendemain, nous avons presque doublé nos effectifs, passant de 35 à près de 60 employés. C’est beaucoup plus exigeant qu’on l’imaginait… mais on a toujours tendance à se surestimer », confie en riant Danielle Charest, la force tranquille dont la présence a permis à Marie l’artiste de se consacrer davantage à la création. « Quand je suis arrivée, la création n’occupait qu’environ 10 % du temps de Marie. Aujourd’hui, c’est certainement la moitié, et c’est bien assez, car on ne pourrait pas suivre », ajoute-t-elle avec un clin d’œil. « Marie est une personne très talentueuse, tout va très vite avec elle. Compte tenu de la quantité de choses qu’elle peut faire, c’est difficile pour les autres de la suivre. J’ai compris qu’il fallait que je serve d’interprète, que j’aide à faire le lien entre elle et l’équipe », raconte Danielle Charest d’une voix profonde. « Une petite sœur reste toujours une petite sœur. Une grande sœur, ça mène ; si elle dit : “on saute”, eh bien, on y va. Je connais mes compétences : elles sont complémentaires à celles de Marie. Être dans l’ombre ne me dérange pas. »

PRIX ET DISTINCTIONS

  • Prix Womenswear Designer of the Year décerné à la Maison Marie Saint Pierre lors du gala des Canadian Arts and Fashion Awards 2018.
  • Prix de la réalisation exceptionnelle décerné à Marie Saint Pierre lors du gala des Canadian Arts and Fashion Awards 2015.
  • En 2012, Marie Saint Pierre est devenue membre de l’Ordre du Canada et a reçu la médaille du jubilé de diamant de la reine Élisabeth II.
  • Depuis 2007, Marie Saint Pierre est chevalière de l’Ordre national du Québec.
  • Le magazine Elle Québec l’a nommée designer de l’année en 1994.

La leader aux yeux bioniques

Danielle Charest fait une pause, puis elle raconte un souvenir très vif qu’elle chérit, ce moment où, il y a quelques années, elle a surpris sa sœur en plein élan de création. « Elle regardait quelque chose et je la regardais regarder… elle avait les mêmes yeux que Jean-Paul Riopelle quand je le voyais observer l’horizon, assise à ses côtés. Pour lui, l’horizon était vraiment beau, c’était évident qu’il voyait quelque chose que je ne voyais pas. Et ces yeux-là, je les ai aperçus chez Marie. J’ai eu un choc. Wow ! Elle a ces yeux-là ! Je les appelle les yeux bioniques ! »

Marie Saint pierre a donc une incroyable aptitude à voir. À voir autrement. Plus encore, à voir les proportions, à capter la beauté. « Ce talent ne se manifeste pas exclusivement dans le vêtement : elle crée des meubles, elle peut transformer une maison, et ce sera magnifique ! Elle a un œil extraordinaire », confirme Danielle Charest. Voir, oui, au-delà de l’horizon, grâce à cette aisance à anticiper et à se projeter plus loin. « Je suis toujours prête pour l’étape suivante, affirme Marie Saint Pierre, et, en tant qu’entrepreneure, c’est essentiel. Mais c’est parfois inquiétant pour les autres. Ils savent que j’en demande beaucoup et que je n’accepte pas qu’on m’en donne moins », dit-elle, faisant valoir que tous ceux qui passent par sa maison, véritable gage de savoir-faire, sont ensuite engagés sur- le-champ par des concurrents.

C’est parce qu’elle incarne ce qu’elle prêche et cherche toujours à se dépasser que Marie Saint Pierre incite ses employés à viser l’excellence et, surtout, à apprendre. L’erreur se greffe parfaitement à cette trajectoire. « Les erreurs, j’appelle ça des surprises. Dans l’erreur, on trouve des solutions ; dans l’erreur, on trouve des choses qu’on n’aurait jamais trouvées ailleurs », explique la designer, qui se sent elle-même en processus d’apprentissage permanent. « Je cherche toujours à apprendre à être. Je pense que je suis un bon leader, mais je peux être meilleure. Et, pour moi, être un bon leader, ce n’est pas accompagner les gens dans ce qu’ils ont à faire mais plutôt leur faire comprendre qu’ils sont capables de le faire. Nuance essentielle. Le leadership, c’est apprendre aux gens à ne pas être mal à l’aise par rapport à leurs propres limites. »

Être en mouvement, encore. Toujours. Bouger, agir, canaliser la créativité. « Je crois que j’avais besoin d’un parcours difficile pour mobiliser et concentrer mon énergie dans un métier aussi contraignant, qui exige des facultés presque surhumaines pour tout braver de front. Encore aujourd’hui, je me sens sur le bord du précipice. Ma concentration vient probablement du fait qu’il y a tellement de problèmes que je suis continuellement dans l’urgence », admet Marie Saint Pierre, visiblement à l’aise lorsqu’elle est sous pression.

La designer espère être longtemps en pleine possession de ses moyens : elle a de nombreux rêves et ambitions à réaliser. Elle souhaite avant tout assurer la pérennité de sa maison, en consolider les façons de faire et générer les ressources nécessaires pour garder la mainmise sur la conception intégrale des produits à l’interne. « Ensuite, si je peux, si j’ai la santé, j’aimerais trouver un studio où je pourrais travailler seule et me consacrer à l’art », affirme Marie Saint Pierre avant de conclure, songeuse : « Mais peut-être que je serai grand-mère et que je n’aurai pas le temps. » Car il y a son mari, ses enfants, sa famille : voilà ce qui lui permet de maintenir son équilibre. « Il y a une grande compatibilité entre nous : nous sommes fondamentalement de la même tribu. »


Note

1. Jusqu’au milieu des années 1990, le domaine du textile et du vêtement a été régi à l’échelle internationale par un système de quotas d’importation appelé « Accords multifibres ». À la suite des négociations du cycle d’Uruguay (ou Uruguay Round), qui ont pris fin en 1994, les pays membres de la toute nouvelle Organisation mondiale du commerce (1995) ont décidé que ces quotas – qui protégeaient notamment l’industrie de la mode canadienne – arriveraient à échéance en 2005, ce qui devait profondément transformer tout ce secteur d’activité.