Point de vue publié dans l'édition printemps 2017 de Gestion

Le Québec vit une nouvelle histoire d’amour avec l’entrepreneuriat. Travailler à son compte est aujourd’hui la carrière idéale pour les Québécois et 42 % des jeunes de 18 à 34 ans ont l’intention de se lancer en affaires.

Pierre Duhamel / Crédits : Isabelle Salmon@Numéro 7

Pierre Duhamel, directeur général de la Fondation de l'entrepreneurship

Ces résultats sont fabuleux. L’indice entrepreneurial 2016 de la Fondation de l’entrepreneurship, réalisé en collaboration avec l’Institut d’entrepreneuriat Banque Nationale – HEC Montréal, révèle que 21 % des adultes québécois ont l’intention de se lancer en affaires. C’est trois fois plus qu’en 2009, première année où cette grande enquête a été réalisée.

Ces centaines de milliers de rêveurs qui aspirent à l’entrepreneuriat doivent maintenant passer à l’action. Il faudra leur dire qu’entreprendre est une activité noble, merveilleuse et nécessaire et qu’ils prendront en main leur destinée comme jamais un autre emploi ne leur permettra de le faire. Ils pourront évidemment s’accomplir, s’enrichir et même avoir du plaisir en cours de route.


LIRE AUSSI: Montréal, ville d'affaires depuis 375 ans


Il faudra aussi leur dire que vouloir changer le monde a un prix. Le chemin est semé d’obstacles, l’intuition a ses limites et les heures de travail sont énormes. Les échecs seront nombreux et il leur faudra faire preuve de beaucoup de résilience. Les futurs propriétaires d’entreprise l’apprendront assez rapidement. Surtout, ils devront apprendre à vivre avec un allié pas commode qui fait partie de l’ADN de tout entrepreneur : la capacité de prendre des risques. Quand je cherche à expliquer ce qui définit un entrepreneur et le distingue, par exemple, d’un cadre ou d’un professionnel, je parle inévitablement de sa propension à assumer des risques plus élevés.

Entre ambition et confort

J’utilise une petite équation toute simple pour expliquer ma pensée. Le risque en affaires est la résultante de l’ambition moins le confort, ou encore r = a – c. L’entrepreneur doit constamment faire des arbitrages entre son ambition et son confort, et ce, à tous les stades de développement de son entreprise.

Entreprendre, c’est d’abord prendre une multitude de risques. Celui de renoncer à un environnement plus stable et des payes assurées, celui de miser une partie de ses épargnes sur un projet qui nous tient à cœur, celui de bien anticiper la demande du marché, de bien choisir ses employés, de travailler de longues heures et de subir un lourd stress, et celui, enfin, de peut-être mettre en péril sa santé ainsi que sa vie de couple et sa vie de famille.

Le nouveau diplômé en administration ou le nouvel ingénieur va-t-il accepter un emploi bien rémunéré dans une organisation existante ou voudra-t-il contribuer de façon originale à l’économie en lançant sa propre entreprise ? La première avenue est balisée, l’autre est à inventer, et le risque est plus grand.

La recherche de cet équilibre entre l’ambition et le confort est perpétuelle. L’entrepreneur qui a atteint un certain degré de prospérité avec son entreprise se demandera s’il doit réinvestir, quitte à remettre en jeu sa stabilité financière et sa qualité de vie personnelle.

Faut-il pour autant qu’il prenne tous les risques, porté par un optimisme débridé ? Mon expérience me montre que les bons entrepreneurs ne sont pas des joueurs et encore moins des flambeurs. Ils prennent des risques calculés et protègent leurs arrières.

François-Xavier Souvay a financé la conception de la technologie qui a donné naissance à l’entreprise spécialiste de l’éclairage architectural Lumenpulse grâce aux profits réalisés par une première entreprise. Lumenpulse compte aujourd’hui 635 employés et possède 104 brevets octroyés et 56 brevets en attente. Ses appareils illuminent certains des édifices les plus prestigieux au monde.

Certains croient que les entrepreneurs en série sont plus audacieux et carburent au plaisir sans cesse renouvelé de prendre de nouveaux risques. Connaissant leur nature inquiète et suspicieuse, je crois qu’il s’agit plutôt de diversifier leur actif afin de diminuer leurs risques.

En effet, si la tolérance au risque distingue les entrepreneurs du commun des mortels, c’est la bonne gestion du risque qui distingue les entrepreneurs entre eux.