Les débats sur les inégalités de revenu et sur l’enrichissement du 1 % des plus riches de la population sont fréquents depuis la crise financière de 2008. Cependant, pour avoir un tableau plus complet de la situation, l’égalité de revenu devrait être analysée conjointement avec la mobilité sociale, c’est-à-dire la possibilité de réussir indépendamment du milieu socioéconomique d’origine.

Mia Homsy / Crédits : Isabelle Salmon@Numéro 7

Mia Homsy 
Crédits : Isabelle Salmon@Numéro 7

Bien que les études sur la mobilité sociale soient très nombreuses aux États-Unis, elles sont beaucoup plus rares au Canada. C’est dans ce contexte que l’Institut du Québec (IdQ) a dressé le premier état des lieux de la mobilité entre les classes sociales dans les provinces canadiennes par rapport aux inégalités de revenu. L’étude de l’IdQ répond à la question suivante : un enfant qui grandit dans la pauvreté au Québec a-t-il plus de chances de se hisser dans la classe moyenne qu’ailleurs dans le monde ou dans les autres provinces canadiennes ?

Qu’est-ce que la mobilité sociale ?

Le concept de mobilité sociale permet de mesurer la persistance de la richesse d’une génération à l’autre. Autrement dit, les citoyens aux revenus les plus élevés sont-ils les enfants des citoyens riches des générations précédentes ? Quelle possibilité un enfant des classes les plus pauvres a-t-il de profiter de l’ascenseur socioéconomique ?

Pour mesurer la mobilité sociale d’une personne, on peut déterminer le pourcentage de ses revenus actuels qui serait attribuable aux revenus de ses parents. C’est ce qu’on appelle l’élasticité intergénérationnelle du revenu (EIR), qui se calcule sur une échelle décimale de 0 à 1. Plus cet indice est élevé, plus les revenus d’un enfant dépendent de ceux de ses parents. Inversement, plus il se rapproche de zéro, plus la mobilité sociale est élevée.


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Où se situe le Canada à l’échelle internationale ?

La comparaison entre le Canada et les autres pays de l’OCDE est sans équivoque : malgré une inégalité de revenu qui se situe autour de la moyenne1, le Canada est un des pays de la planète où les citoyens jouissent d’une grande mobilité entre les classes sociales, qui s’apparente à celle de la Finlande. En fait, seuls le Danemark et la Norvège se retrouvent à l’échelon supérieur. À l’inverse, les populations du Royaume-Uni, de l’Italie, des États-Unis, de la Suisse et de la France sont les moins mobiles.

Or, puisque l’inégalité de revenu est plutôt semblable au Canada et en France, il est tentant de conclure que ces deux pays offrent des possibilités similaires à tous leurs citoyens. Mais l’analyse de la mobilité entre les niveaux de revenu présente une tout autre réalité : la possibilité d’avancement social est significativement plus faible en France pour les personnes issues de milieux défavorisés.

Le Québec : une mobilité dans la moyenne canadienne

Alors que les écarts de mobilité sociale entre les États américains sont considérables, l’analyse des provinces canadiennes réalisée par l’IdQ indique que c’est tout le contraire au Canada.

En effet, malgré des différences marquées entre les provinces canadiennes pour ce qui est des inégalités de revenu, le degré de mobilité sociale est plutôt similaire. Le Québec se situe d’ailleurs au milieu du peloton, soit en sixième position sur les 10 provinces.

Le Québec se trouve donc en posture avantageuse en matière d’égalité de revenu (après redistribution) et de mobilité sociale dans le contexte mondial. Toutefois, la mobilité sociale au Québec ne se démarque pas par rapport aux autres provinces canadiennes. D’ailleurs, il est intéressant de noter qu’en dépit d’inégalités de revenu plus importantes en Colombie-Britannique ou en Saskatchewan, la mobilité sociale y est plus élevée qu’au Québec.

L’équilibre québécois

De manière générale, les Canadiens et les Québécois sont dans une situation enviable par rapport aux citoyens de la plupart des pays de l’OCDE, plus particulièrement ceux des États-Unis.

En effet, nous vivons dans une société où les inégalités de revenu sont inférieures à la moyenne et où les enfants issus des milieux socioéconomiques défavorisés ont plus de possibilités d’améliorer leur situation.


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Il ressort cependant que, malgré l’existence de politiques publiques qui misent sur la redistribution (au moyen de taxes et d’impôts) et d’un filet social plus solide, un enfant qui grandit dans la pauvreté au Québec n’aura pas nécessairement plus de chances de se hisser dans la classe moyenne que s’il était né et vivait dans une des autres provinces canadiennes.

Le rôle de redistribution de l’État est fondamental pour assurer un développement inclusif et harmonieux. Mais cela n’est pas suffisant : l’État a également le devoir d’offrir de meilleures occasions de réussite aux individus les moins favorisés. C’est sur cet aspect que le Québec devrait miser pour bâtir une société plus prospère et plus équitable.

Mesure de la mobilité sociale et de l'inégalité

Mesure de la mobilité sociale et de l'inégalité

Article publié dans l'édition printemps 2018 de Gestion


Notes

1 Cette analyse repose sur le coefficient de Gini, la mesure statistique la plus utilisée pour mesurer l’inégalité des revenus entre des régions ou des pays donnés.