L'exercice de la planification a un coût, et une efficacité pas toujours la hauteur des espoirs!

Nous déployons collectivement une énergie folle et des ressources immenses afin de planifier. Planification stratégique, planification budgétaire, fixation d'objectifs de ventes, plans de développement, plans quinquennaux... Notre nature anxieuse pousse nos entreprises et nos organisations, tout comme les gestionnaires qui en ont la gouverne, à tenter de baliser le futur, comme si cet exercice allait contribuer à calmer nos angoisses managériales et à dompter les imprévisibles lendemains...

Et nous le faisons sans se poser la véritable question : à quoi tout cela rime-t-il? Cette interrogation, choquante à première vue, est pourtant bien fondée. De fait, L'environnement est si turbulent et changeant, nous dit-on, qu'il est presqu'impossible de déterminer de quoi demain sera fait. Pourquoi, dès lors, persister à tenter de prévoir l'imprévisible? Ce rituel annuel de planification est-il, in fine, nécessaire et incontournable?

Si, aux yeux de certains, il s'avère justement nécessaire, qu'ils soient aussi prêts à assumer la facture qui accompagnera invariablement le processus de planification. Car le remue-ménages qu'engendre, dans toute organisation qui s'y adonne, la planification annuelle a un coût. Dans leur article intitulé « Who Needs budgets? », publié dans la Harvard Business Review, Jeremy Hope et Robin Fraser mentionnent que le constructeur automobile Ford a estimé le coût d'un tel exercice de planification à 1,2 milliard de dollars annuellement! Le jeu en vaut-il toujours la chandelle?

Une alternative à la planification?

handel

Certaines entreprises (elles ne sont toutefois pas légion!) ont réussi à se défaire de cette quasi « dépendance » à la planification, et avec un succès fort intéressant. Prenez le cas de la Handelsbanken, une institution bancaire que vous ne connaissez probablement pas, puisque suédoise, mais qui gagne à être connue de par ses excellentes performances financières. À la Handelsbanken, plus de planification budgétaire, et ce depuis le début de la décennie 1970! La philosophie de l'institution bancaire, formalisée par Jan Wallander, le chef de la direction de l'entreprise à cette époque, s'appuie sur ce même constat de l'impossibilité de prévoir les tendances futures. Plutôt que de chercher à constamment se projeter dans le futur, l'entreprise, selon la volonté du Dr. Wallander, doit ancrer ses activités dans le présent. Le seul objectif que la Handelsbanken poursuivra dès lors sera d'obtenir une profitabilité supérieure à la moyenne des autres banques. Point final.

Une fois cet objectif large exprimé et diffusé haut et fort au sein de l'organisation, le Dr. Wallander décida du même coup de laisser aux dirigeants des centaines de succursales de la banque toute la latitude nécessaire afin d'atteindre ledit objectif. Ces derniers peuvent faire les choix qu'ils désirent, notamment en termes de produits à offrir (ou non) à sa clientèle, d'efforts de marketing ou d'embauche, pour ne nommer que ces sujets précis. Gardant à l'esprit la volonté ferme de la Handelsbanken de performer davantage que la moyenne des institutions du secteur, les dirigeants de succursale sont ainsi amenés à garder l'oeœil ouvert sur les mouvements des concurrents présents sur leur territoire respectif, tout comme sur la performance de leurs collègues situés sur les autres territoires, et d'agir et de réagir en conséquence. 

Performance Handelsbanken

Source : rapport annuel 2015 de l’entreprise

Et ça fonctionne?

Et comment! La Handelsbanken, ayant mis de l'avant sa philosophie de gestion sans planification, notamment budgétaire, a constamment surpassé la performance de ses rivales depuis des décennies, et maintient le cap. Les données présentées ci-contre, tirées du rapport annuel 2015 de l'institution financière, montre sans ambiguïté à quel point la banque suédoise a constamment dépassé la concurrence et, du coup, contribué au bonheur de ses actionnaires. Que dire de plus?

En somme, si la planification, et l'exemple de la Handelsbanken nous l'a montré, n'est pas une absolue nécessité, encore faut-il vouloir mettre de l'avant les changements, surtout culturels, qui s'imposent. Quelques rares objectifs établis en se comparant à ses concurrents et non lancés dans les airs, comme ça, et, surtout, une bonne dose de lâcher-prise et de confiance en l'expertise de ses gens : voilà comment on peut se libérer des affres de la planification!