En octobre 2023, Andrea Marazzi a été nommé directeur de la stratégie commerciale, des opérations et des lancements de produits chez Novartis US. L’Italien d’origine a rejoint les rangs de l’entreprise pharmaceutique en 2001, gravissant les échelons en Europe et au Canada. Il partage ici sa réflexion sur la manière de réussir une expérience en terre étrangère.

Jeune adulte, Andrea Marazzi se percevait plutôt comme quelqu’un de sédentaire, bien enraciné dans son Italie natale. Lorsque l’occasion s’est présentée – tôt dans son parcours – de travailler au siège social de Novartis, en Suisse, il a écouté attentivement les sages conseils d’un mentor. «Nous avons toujours besoin de quelqu’un qui nous aide à considérer les possibilités comme de bonnes expériences à vivre, parce que fondamentalement, l’humain perçoit davantage les risques que les gains d’un changement», confie le haut dirigeant qui a parcouru le monde durant sa carrière. Il a rapidement compris qu’essayer est généralement gagnant. «Et si ça ne fonctionne pas, tu peux au moins te dire que tu as vécu une expérience, qu’elle t’a permis de te construire. Ça ouvre tellement de portes», ajoute-t-il avec enthousiasme.

Se déraciner, se lancer dans de nouvelles aventures professionnelles à l’étranger et s’adapter constamment lui auront permis d’effectuer de nombreux apprentissages essentiels, notamment en ce qui concerne la prise de risque, l’aptitude à créer des liens, à élargir et à entretenir son réseau. Il évoque aussi la puissance de la diversité, qu’il s’agisse des cultures, des personnes, des points de vue, des expériences. «La capacité à accueillir et à profiter de perspectives différentes ne peut que conduire une équipe à être meilleure. Pourtant, ce n’est pas toujours évident, parce que l’on tend naturellement à s’entourer de personnes qui pensent comme soi. Mais quand on constate les avantages de la diversité, cela devient presque incontournable!»

Tout en intensité

Relatant son expérience, Andrea Marazzi revient souvent sur la notion de risque. Selon lui, il sera difficile d’oser prendre des décisions professionnelles si, déjà, dans sa vie personnelle, on ne démontre aucune audace. Bien évidemment, accepter un poste à l’étranger est plus risqué que de changer d’emploi chez soi. C’est un risque personnel et professionnel, c’est également un défi pour la famille entière. «Mais quelle extraordinaire occasion de développer sa capacité à gérer l’imprévisibilité, la nouveauté, l’innovation! Travailler dans un environnement culturel différent, c’est s’exposer de manière répétée à des situations uniques ou inusitées. Et on n’est jamais tout à fait prêt, même si notre équipe fait son travail pour faciliter notre transition», prévient Andrea Marazzi en riant.

Avec humour et modestie, il admet qu’il ne se sent jamais préparé comme il devrait l’être. Tout va toujours très vite. Il s’appuie alors sur un réseau qu’il développe en permanence et entretient fidèlement. Il aime également apprivoiser une nouvelle culture en découvrant sa nourriture. «Quand je suis arrivé au Canada, j’allais me promener à l’épicerie, parfois pendant des heures! J’ai fait des découvertes savoureuses, sur les différents produits, la manière dont ils sont présentés, mis en marché, utilisés.»

Pour le reste, le choc ne se produit pas nécessairement dès l’arrivée, puisque la fébrilité et l’excitation prennent toute la place. «C’est plutôt après quelques mois que tu comprends le défi qui t’attend, les tensions propres à l’organisation et, aussi, les forces sur lesquelles tu pourras bâtir ton équipe et concrétiser ta vision.» Le haut dirigeant retient de ses premières expériences à l’étranger qu’elles ont été aussi transformatrices et riches que brutales. Se déraciner exige de l’audace, des efforts continus et une force certaine de conviction. «Lorsque tu arrives dans une organisation en tant que patron étranger, tu dois prouver ta crédibilité, gagner la confiance. La tâche est plus exigeante qu’en terrain familier : on ne te connaît pas, tu dois t’ajuster à des codes culturels différents, reconstruire ton réseau. Il faut donner un peu plus, sur tous les plans.» Personnellement, Andrea Marazzi mise invariablement sur la clarté des attentes, l’honnêteté, l’autonomisation de ses employés et la présence sur le terrain. Il insiste : il est essentiel d’établir une connexion avec l’organisation et, surtout, avec sa nouvelle équipe.

Écoute et persévérance

N’importe quel grand patron en porte lourd sur ses épaules. Pour réussir son intégration dans une culture différente de la sienne, le PDG étranger doit accepter le risque d’être déséquilibré par le poids des défis liés à son rôle. Il lui faudra faire preuve d’une résilience et d’une persévérance indéfectibles. «Il est également primordial d’être habité par sa propre mission, son but. C’est une manière de rester ancré lorsqu’on se sent dépassé par tout ce que l’on doit apprivoiser. Aussi, il devra absolument être flexible, avoir une très bonne capacité d’apprentissage et s’appuyer sur son équipe», signale-t-il.

Son meilleur conseil à celui ou à celle qui désire vivre une expérience professionnelle à l’étranger? «Écoutez, écoutez, écoutez! Si vous voulez comprendre votre nouveau milieu, vous devez écouter. Oui, votre équipe vous transmettra des renseignements utiles, mais personne ne vous communiquera toutes les informations qui vous seront nécessaires pour exercer votre rôle de patron. Comment votre style de leadership s’ajustera-t-il alors à cette réalité? Rien ne vaut cette période d’immersion dans ce nouvel environnement pour écouter et comprendre.» Andrea Marazzi suggère de passer autant de temps que possible sur le terrain, avec son équipe, à observer, à poser des questions. À écouter. Et à tisser le lien de confiance.

Dans un tel environnement, les hauts et les bas seront nombreux, rythmés par les secousses du choc culturel. Andrea Marazzi décrit ce parcours de découvertes comme étant à la fois difficile, stimulant et gratifiant. «C’est une formidable occasion de croissance. Les émotions risquent d’être plus fortes. L’enjeu consiste alors à gérer tous ces bouleversements. Il faut trouver l’équilibre, désamorcer les situations complexes, prendre de la distance par rapport à certains enjeux pour mieux s’y adapter et rendre l’expérience positive. En ce qui me concerne, je trouve un soutien précieux auprès de ma femme et de nos trois enfants. Ensemble, nous explorons le monde.»

Article publié dans l’édition Été 2024 de Gestion