Pas si « Glamour » que ça, la vie de voyageur d'affaires...

Même si les déplacements en avion se sont largement démocratisés depuis un demi-siècle, la chose possède encore une certaine aura, même dans le milieu des affaires. On regarde souvent les voyageurs d'affaires avec admiration, on envie leurs passeports tamponnés de la première à la dernière page, on écoute attentivement leurs récits et leurs anecdotes. Mais passer sa vie en l'air n'a évidemment pas que des bons côtés, on s'en doute un peu...

Une étude récente des professeurs Scott A. Cohen et Stefan Gössling¹ prouve en effet que l'hypermobilité, c'est le terme qui est généralement employé pour décrire le phénomène, peut en effet affecter de manière significative les personnes, des hommes dans près de trois-quarts des cas, qui ont à se déplacer fréquemment dans le cadre professionnel.


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Des impacts sur le corps...

Ces conséquences négatives les plus manifestes se révèlent évidemment sur le plan physique. Les grands voyageurs sont bien sûr plus enclins à souffrir des désagréments engendrés par le décalage horaire, désagréments qui peuvent se traduire concrètement par des problèmes de sommeil, des problèmes gastro-intestinaux, des troubles de l'humeur, des difficultés à se concentrer et à prendre des décisions. Voyager souvent peut aussi accroître les risques de problèmes cardiaques et d'accidents cérébraux vasculaires. Et fait souvent méconnu, voyager plus de 135 000 kilomètres annuellement, soit l'équivalent de onze allers-retours entre Montréal et Paris, expose les grands voyageurs à des doses de radiations plus élevées que ce prescrivent les normes à ce propos! Inquiétant...

...sur l'état psychologique et émotif...

Mais il n'y a pas que le corps qui encaisse. La tête est aussi affectée par les déplacements fréquents. Les professeurs Cohen et Gössling signalent qu'un phénomène de désorientation du voyage (travel disorientation) peut apparaître, se manifestant par un niveau de stress plus élevé rattaché à des inquiétudes bien réelles telles que la réalisation des tâches normales lors de l'absence, tant à la maison qu'au bureau, les délais à l'aéroport, l'adaptation à la ville de destination (météo, culture, pollution, bruit, odeurs, etc.), sans parler de l'isolement que peuvent parfois engendrer les voyages à répétition.


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...et même sur les relations familiales et sociales.

Tous ces effets négatifs potentiels pourront éventuellement se répercuter sur la vie familiale et la vie sociale du grand voyageur. L'absence prolongée de ce dernier, ou lors d'anniversaires, peut en effet entraîner une remise en question de la place qu'il occupe dans le cercle familial. Bien que les hommes constituent la grande majorité de ces voyageurs d'affaires, les femmes ayant à se déplacer fréquemment tendent également à sentir une pression supplémentaire due à l'absence, et ceci à l'égard de l'éducation et du suivi des enfants demeurés à la maison. D'autre part, il appert que les grands voyageurs porteraient davantage attention aux membres de leur famille lors de leur retour à la maison, négligeant de ce fait les relations établies avec les personnes du cercle plus élargi, tels les amis ou les connaissances, avec les conséquences que l'on peut facilement imaginer quant au maintien et à la survie de ces relations.

Phénomène restreint? Peut-être! Le « mal du grand voyageur » n'est certes pas répandu à l'ensemble de la population active, car ces derniers demeurent, en termes de nombre, relativement marginaux. Les professeurs Cohen et Gössling mentionnent que le quart des déplacements internationaux sont le fait de seulement 3 % de la population suédoise (presque 10 millions d'habitants). Pour la France, il est estimé que 5 % des 67 millions de Françaises et des Français cumulent la moitié de la distance parcourue en avion annuellement. Mais quoi qu'il en soit, la chose est à considérer pour les entreprises et les organisations qui envoient régulièrement leurs employés sous d'autres cieux.

Et pour ceux qui voudraient approfondir leur réflexion sur la condition des grands voyageurs tout en regardant un excellent film, on ne saurait trop vous suggérer Up In The Air, mettant en vedette George Clooney, une comédie dramatique racontant les aléas professionnels et sentimentaux de l'un de ces grands voyageurs. À voir et à méditer!  


Note

1. Scott A. Cohen et Stefan Gössling (2015). « A darker side of hypermobility »Environment and Planning A, 47(8). pp. 1661-1679