Il n’est pas rare qu’un employé reconnu pour son expertise se voie offrir un poste de direction, une transition qui l’oblige souvent à traverser une zone de turbulences. À la tentation de devenir un expert sur tous les fronts, il vaudrait mieux, selon Wanda Wallace, adopter un nouvel état d’esprit. Conseils de coach.

Diriger une équipe homogène spécialisée dans un domaine quand on possède soi-même la meilleure des expertises, c’est une chose. Se retrouver à diriger une équipe qui en sait plus que soi sur le métier, voilà un tout autre défi ! C’est néanmoins la réalité pour de nombreux leaders-experts promus à un poste de direction.

Directrice associée du Leadership Forum et ex-doyenne associée à la formation des cadres à la Fuqua School of Business de l’université Duke (Caroline du Nord), Wanda Wallace invite ces nouveaux leaders à se repositionner lorsqu’il s’agit de naviguer en eaux troubles.

Le double rôle d’expert et de dirigeant

D’abord, un constat : les entreprises regorgent d’experts dans tous les domaines. L’image du chef d’entreprise à l’expertise la plus pointue dans son secteur d’activité et aux commandes de son équipe est une vision désuète aujourd’hui, tout comme la notion de « leader généraliste », affirme Wallace.

En désaccord avec la dichotomie qui oppose l’expert et le généraliste, elle propose plutôt aux nouveaux gestionnaires de combiner leur propre expertise avec leurs responsabilités. Toutefois, une évolution vers ces nouvelles responsabilités demande de repenser la perception qu’on a de son propre rôle et de la valeur qu’on apporte à l’entreprise.

Dans sa fonction d’expert, il est attendu (et entendu) que l’employé ajoute une valeur tangible à l’entreprise, qui passe par le contrôle de la qualité et des risques ainsi que par l’apport de connaissances spécifiques et d’un savoir-faire spécialisé.

À une personne nommée à un rôle de direction, l’auteure donne ce conseil : « Votre plus grande contribution se trouve dans votre capacité à dépasser les frontières, à établir des liens, à créer de la cohérence, à reconnaître de nouvelles occasions et à inspirer l’organisation tout au long du processus. »

Alors que l’expert se distingue par sa profondeur d’analyse, c’est par sa hauteur de vues (que Wallace nomme wisdom of breadth en anglais) que se démarque ce nouveau leader d’envergure (ou spanning leader).

Ses forces? « Reconnaître la valeur immatérielle ajoutée, contrôler les priorités stratégiques, contribuer au succès commercial, créer un effet de levier auprès des autres. »

Un nouveau style relationnel

Le leader-expert et le leader d’envergure se distinguent aussi par leur façon d’interagir avec les autres. Dans ses relations avec autrui, le premier « se caractérise par le sentiment de sa compétence personnelle, par des échanges qui s’appuient sur des arguments rationnels et sur des faits, par l’acceptation de sa personnalité parfois atypique et par la reconnaissance de son savoir spécifique par ses collègues ».

Le comportement relationnel du second consiste à « faire confiance à un large éventail de personnes, à compter sur les relations et sur la diplomatie pour résoudre les problèmes et pour influer sur les résultats, à faire appel aux émotions dans les discussions, à faire preuve d’une présence calme et enthousiaste et à inspirer les gens ». C’est donc une invitation que l’auteure adresse aux leaders : élargissez (toutes) vos compétences, tant celles liées au savoir-faire que celles relevant du savoir-être!

Article publié dans l'édition Printemps 2020 de Gestion


Source

Wallace, W., You Can’t Know It All – Leading in the Age of Deep Expertise, New York, Harper Business, 2019, 245 pages.