Article publié dans l'édition Hiver 2021 de Gestion

Et si on se projetait en 2030 ? Des tendances lourdes aux signaux faibles en passant par les ruptures envisageables, les auteurs de cet ouvrage, Gilles Verrier et Nicolas Bourgeois, se lancent dans un exercice prospectif. À quoi voulons-nous que le monde du travail ressemble demain ?

Au cours des dernières années, bien des entreprises ont modifié leurs façons de réaliser leur mission. D’ici 2030, elles auront à redéfinir cette mission elle-même. Plusieurs signaux indiquent le déclin de l’entreprise centrée sur le seul profit des actionnaires. Des initiatives récentes vont dans le sens d’une nouvelle finalité plus collective, plus sociale et plus responsable. Il en est ainsi de la création de ces nouveaux statuts juridiques aux États-Unis : sociétés d’intérêt public (benefit corporations ou B corps), sociétés à vocation variable (flexible purpose corporations) et sociétés anonymes à faible profit (low-profit limited companies). Les agences de notation elles-mêmes accordent une place croissante à l’extrafinancier. Et les RH dans tout cela ? Elles devront s’ajuster à ce besoin croissant de création de valeur en l’harmonisant avec la raison d’être de l’entreprise.

Capacités stratégiques

L’approche du management par les ressources (resource-based view en anglais) a le vent dans les voiles. Elle revient à miser sur les caractéristiques uniques de l’entreprise, « ses atouts internes », pour renforcer l’avantage concurrentiel de celle-ci. « Par exemple, il s’agit alors [de cerner] les compétences que l’entreprise maîtrise mieux que ses concurrents et sur lesquelles elle peut s’appuyer pour développer ses activités », expliquent les auteurs. Une des démarches consiste à « raisonner sur l’ensemble des domaines RH (recrutement, mobilité, parcours, développement, etc.) et [à déterminer] comment chacun peut permettre d’atteindre l’objectif stratégique défini ».

La redéfinition du contrat sociale

« En 2030, toute DRH [direction des ressources humaines] devra avoir précisé le contenu du contrat social spécifique à son entreprise et le faire vivre. Ce contrat social ne peut être seulement le résultat d’ajustements successifs au gré de multiples influences. Il doit être le fruit d’une réflexion organisée, en construisant la réponse à une question structurante : quel est le contrat social qui sert notre stratégie, en cohérence avec notre raison d’être ? » Pour définir les éléments du contrat social au service de cette stratégie, les auteurs recommandent de passer au crible les diverses dimensions RH dans leurs contributions au projet commun : responsabilités confiées, pratiques de management, développement des compétences, ambiance de travail, rétribution, conditions de travail, perspectives d’évolution.

Le processus décisionnel

Confiance, coopération et intelligence collective répondent à une tendance et à des attentes fortes dans la culture du travail. Dans ce contexte, comment décider de façon efficace? « Le mode de décision centralisé et descendant d’hier correspondait au besoin d’une entreprise dont l’environnement était stable et les enjeux faciles à traiter. » Dans l’entreprise de 2030, il appartiendra à la DRH de construire le processus de décision à partir des objectifs recherchés. « Ce qui apparaît indispensable, c’est bien d’expliciter, de différencier et de formaliser les rôles et responsabilités des différents acteurs dans chacune des phases », ajoutent les auteurs. Ils suggèrent alors de distinguer les objectifs aux différents stades. En amont, la divergence est souhaitable, puisqu’elle permet de créer des choix. En aval, la convergence doit être recherchée, puisqu’elle permet de faire des choix.


Note

Verrier, G., et Bourgeois, N., Les RH en 2030 – 30 pistes concrètes pour réinventer l’entreprise, Malakoff (France), Éditions Dunod, 2020, 224 pages.