Les jeunes ont un fort pouvoir de consommation. Ce qu’on connaît moins, ce sont leurs compétences de consommation et leurs façons de s’approprier les marques. Ce savoir est pourtant essentiel pour créer un « marketing expérientiel » qui cible les « cultures jeunes ». Découvertes et conseils de la professeure-chercheure en marketing Wided Batat.

Batat, W., Les nouvelles youth cultures - Tendances et pratiques de consommation d'une génération méjugée et paradoxale, Caen, Éditions Management et Société, 2017, 216 p.

Batat, W., Les nouvelles youth cultures - Tendances et pratiques de consommation d'une génération méjugée et paradoxale, Caen, Éditions Management et Société, 2017, 216 p.

Segmentation ou « segmentculture » ?

Pour être en phase avec cette clientèle, l’auteure compose une « segmentculture ». Ce n’est pas qu’un nouveau mot : c’est une nouvelle façon de segmenter selon les caractéristiques des « sous-cultures jeunes » plutôt qu’en fonction du seul critère de l’âge. L’auteure distingue quatre segments de ce qu’elle nomme les youth cultures de consommation : enfanlescence, adonaissance, adolescence, adulescence. Ce que cela change ?

On évite ainsi de présupposer que ces groupes ont les mêmes attentes correspondant à leur âge biologique ou à des critères socioprofessionnels, réduisant ainsi le risque d’adopter « une segmentation myope » et une démarche marketing obsolète.

Une expérience d’achat qui s’adapte

Pour quelles raisons les jeunes délaissent-ils en grand nombre le secteur bancaire et plébiscitent-ils la banque en ligne ? «Le secteur bancaire est considéré par les jeunes comme un domaine traditionnel, formel et non numérique ne faisant pas partie de leur univers de consommation», souligne l’auteure. Cet exemple parmi d’autres est révélateur de l’urgence de repenser l’expérience d’achat. Administratif, formel, austère et anxiogène, l’univers bancaire n’est guère attrayant. Il est surtout aux antipodes de l’expérience d’achat simple, instantanée et numérique, appréciée des jeunes. Autre facteur d’attraction : les jeunes sont sensibles à une atmosphère agréable et mémorable, susceptible d’induire une immersion immédiate dans un environnement.


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Le « youth marketing » expérientiel

Solliciter l’appétit d’achat par des stimuli sensoriels est un des procédés du « youth marketing expérientiel ». Objectif : transformer un simple achat en une expérience de consommation à part entière. On mise sur la lumière, la musique, le toucher, les odeurs, etc., pour susciter des émotions positives et un environnement hédoniste chez les adonaissants et les adolescents.

Autres composantes de ce marketing expérientiel : l’interaction avec les acteurs et l’influence des codes et des normes de la culture jeune d’appartenance. L’auteure donne l’exemple d’une célèbre marque de biscuits européenne qui crée un rapport de complicité avec les jeunes sur fond d’autodérision. Plaisir, humour et authenticité sont déclinés visuellement sur tous les supports marketing.

Place à une ethnographie jeunesse

Pour développer l’interaction avec les jeunes, l’auteure recommande de s’immerger dans leur culture particulière. « L’objectif principal de la “youthnographie” est de dépasser la vision cognitive et rationnelle du comportement en adoptant une perspective symbolique et socioculturelle des comportements des jeunes », note-t-elle. C’est donc une approche toute en subtilité, puisqu’il s’agit de capter et d’analyser cultures, sous-cultures, contre- cultures et microcultures. Résultat désiré : parvenir à un même langage et à un univers partagé dans un esprit de complicité!

Article publié dans l'édition printemps 2018 de Gestion