Article publié dans l'édition Hiver 2021 de Gestion

Les entreprises à mission économique et sociale éviteront la désaffection qui touche actuellement le monde du travail. C’est le constat établi par les auteurs de cet ouvrage collectif. Ce qui a changé? Le besoin de sens, la quête de valeur, l’émergence d’une raison d’être. Comment alors devenir une entreprise à mission?

Sens et responsabilités sont, pour David Autissier, les maîtres- mots qui caractérisent aujourd’hui les projets entrepreneuriaux. Les grands groupes dotés d’une structure hiérarchique traditionnelle et dirigés en fonction d’objectifs strictement financiers ont perdu de leur pouvoir d’attraction. « Les jeunes sont attirés par des structures alternatives entrepreneuriales ou par des organisations qui affichent une ambition sociale. Ils veulent sauver le monde et ne pas être spectateurs de transformations majeures qui les concernent », affirme le directeur de la chaire Innovation managériale et excellence opérationnelle (IMEO) de l’ESSEC Business School, en France. Désormais, les organisations doivent se préoccuper de leurs effets positifs sur la société si elles veulent survivre. Après les sociétés d’intérêt public (benefit corporations) aux États-Unis, « la France, avec la loi PACTE, va plus loin avec la société à mission, qui intègre en plus une évolution de la gouvernance de l’entreprise avec la consécration d’un nouvel organe de gouvernance, le comité de mission », souligne Emery Jacquillat, un des auteurs de ce collectif et président de la communauté des entreprises à mission en France.

L’innovation collective

« L’entreprise deviendrait-elle un lieu majeur de la transformation du monde? » questionne David Autissier. Chose certaine, il y a urgence à se réinventer pour « réenchanter l’entreprise ». Des méthodes créatrices d’innovation managériale existent, notamment celles-ci : ateliers collaboratifs pour un projet ou pour un sujet donné; techniques participatives (réseaux apprenants, co-développement, incubateurs, expériences disruptives); formes organisationnelles basées sur l’autonomie et sur l’autogestion. De quoi stimuler une culture d’entreprise plus transversale et plus agile, propice aux aspirations sociales des jeunes générations.

Des investissements bénéfiques

« Plusieurs fonds d’impact investing [investissement à effet social] en France ont imposé aux fonds d’épargne salariale de consacrer 10 % de leur enveloppe à des investissements sociaux et environnementaux », affirme Thierry Sibieude, co-auteur de cet ouvrage. Ce professeur titulaire de la chaire Innovation et entrepreneuriat social de l’ESSEC Business School voit dans la montée en puissance de ce courant l’émergence d’une nouvelle approche en matière de valeur économique. Ces investissements visent un rendement financier et des bienfaits sociaux. Ils se différencient de l’investissement socialement responsable, qui se caractérise par le recours à des critères ESG (environnement, société et gouvernance) pour le choix des investissements. Principales conditions de réussite : la prise en compte des parties prenantes ainsi que l’évaluation et la mesure de l’effet social. Luc Bretones, président de Purpose for Good, cite les exemples des fondations actionnaires et des fonds de pérennité économique au Danemark. Dans ces entreprises, telles que Carlsberg, Velux, Danfoss, Novo Nordisk et Maersk, « les fondations ne peuvent [pas] être rachetées, les actions sont cédées à la fondation de manière irrévocable, avec a minima un droit de blocage », explique-t-il. « Les entreprises gérées par une fondation actionnaire sont mieux protégées d’attaques capitalistiques et donc plus sereines dans leurs politiques. »


Note

Autissier, D. (dir.), Bretones, L., Jacquillat, É., Martin, D. G., et Si ieude, T., Entreprises à mission et raison d’être – Changer l’entreprise pour un monde plus durable, Malakoff (France), Éditions Dunod, 2020, 192 pages.