Article publié dans l'édition Printemps 2022 de Gestion

Un discours peut influencer profondément les perceptions, susciter l’action et modifier les relations de travail. Les auteurs de cet ouvrage en arrivent à cette conclusion après avoir analysé le langage des PDG de grandes entreprises comme Uber, Tesla ou Boeing. Observations.

À entendre certains PDG, leurs actions et leurs initiatives ont l’envergure de gestes courageux. Tout, dans les mots, le ton et les thèmes abordés, converge vers cette image d’un leadership héroïque. Ainsi, lors de la mégafusion de la British Petroleum et du géant pétrolier américain Amoco, le directeur général de l’entreprise, John Browne, ne lésine pas sur les mots. Selon lui, cette importante transaction, qui a mené à la création du «groupe international d’énergie et de pétrochimie le plus fort et le plus compétitif au monde», représente un sommet dans sa carrière et une réussite épique. N’hésitant pas à faire l’éloge de leurs réalisations, certains PDG soulignent avec éloquence l’importance de leurs affaires et la prospérité de leur entreprise, ainsi que l’extraordinaire perspicacité et la sagesse des dirigeants, quitte à omettre de parler des crises et des échecs qu’ils ont subis.

Décoder le langage des PDG

Craig, R., et Amernic, J., Decoding CEO-Speak, Toronto, Rotman-UTP Publishing, 2021, 264 pages.

La confiance par la rhétorique

Le choix des mots est un aspect important de la rhétorique : ainsi, on utilise des euphémismes pour rendre socialement acceptable ou respectable une conduite discutable. À plus forte raison, pour justifier une décision préjudiciable, de nombreux PDG useront de métaphores, d’hypothèses, d’appels à l’autorité, d’omissions... Toutes ces tactiques font partie de l’art de la persuasion. Un exemple? Afin de sauver la réputation du groupe financier américain Wells Fargo – accusé de pratiques contraires à l’éthique –, son directeur général, Timothy J. Sloan, s’efforce de rétablir la confiance devant le comité du Sénat américain en ces termes : «Wells Fargo est une meilleure banque aujourd’hui qu’il y a un an... [et] l’année prochaine, Wells Fargo sera une meilleure banque qu’elle ne l’est aujourd’hui... parce que nous avons passé l’année dernière déterminés à regagner la confiance du public.»

Les procédés utilisés

Lorsqu’ils prononcent un discours, les PDG tentent de transmettre une vision. Pour y arriver, ils ont souvent recours à des images éloquentes. C’est ce que fait Al Gore, l’ancien vice-président des États-Unis, lorsqu’il décrit Bill Clinton comme «A Bridge to the Future», ou Donald Trump, lorsqu’il se plaît à répéter «Drain the Swamp». Les métaphores qui ponctuent les discours des dirigeants ont souvent pour effet de véhiculer «des préjugés particulièrement puissants, parce qu’elles camouflent les fondements sociaux de la réalité à laquelle elles se réfèrent», affirment les auteurs de l’ouvrage.

Un langage opportuniste

«Les mots que les PDG utilisent dans leurs diverses communications ne sont pas neutres, mais contribuent à l’exercice du leadership», soulignent Russell Craig et Joel Amernic. De nombreux dirigeants exploitent les possibilités du langage de manière à exprimer leur engagement personnel, à susciter des attentes élevées à l’égard de leurs collaborateurs et à nourrir une relation étroite avec leurs adeptes. Ils projettent dans leur discours cette image d’un chef de la direction capable de diagnostiquer avec précision les maux organisationnels et les problèmes sociétaux. Ils travaillent à inspirer confiance, toujours!


Note

Craig, R., et Amernic, J., Decoding CEO-Speak, Toronto, Rotman-UTP Publishing, 2021, 264 pages.