Que se passerait-il si la négociation pouvait dépasser les luttes de pouvoir? Dans son plus récent livre intitulé Split the Pie, Barry Nalebuff, professeur à la Yale School of Management, présente une nouvelle approche fondée sur des principes d’équité. Et si on reconsidérait tout simplement la valeur du «gâteau» qu’on aimerait partager avec les autres?

Pourquoi négocier sa part du gâteau devrait-il être nécessairement un tour de force? Après tout, il suffirait de traiter équitablement toutes les parties présentes à la table des négociations pour mieux distribuer le pouvoir. C’est justement la solution proposée par l’auteur : reconsidérer la valeur de ce qui est réellement en jeu pour sortir des luttes de domination. Études de cas à l’appui, l’auteur, qui a vendu son entreprise Honest Tea à Coca-Cola en 2008, enseigne comment se concentrer sur la vraie valeur du «gâteau» à diviser.

Nalebuff, B., Split the Pie: A Radical New Way to Negotiate, New York, Harper Business, 2022, 304 pages.

Le véritable enjeu

Argent, occasions, relations, réputations : plus les intérêts en jeu sont importants et plus la négociation peut devenir stressante. «La négociation peut faire ressortir le pire chez les gens, alors qu’ils essaient de profiter de la situation ou simplement d’imiter naïvement les négociateurs féroces dont ils ont entendu parler.» Première erreur de négociation : se concentrer sur le montant total du gâteau au lieu du gain qu’on pourrait faire si on travaillait ensemble. «La partie la plus difficile de la négociation est de mesurer correctement le gâteau», souligne l’auteur, qui incite ainsi à se concentrer sur la valeur ajoutée qui serait créée à la suite d’un accord. À retenir : la meilleure négociation n’est pas celle qui vise à obtenir la plus grosse part du gâteau, mais celle qui débouche sur une association donnant accès à un «plus gros» gâteau, de façon à tirer le meilleur profit de cette alliance.

Une solution talmudique

Lors d’une négociation, certaines personnes utiliseront des arguments fondés sur le pouvoir. «Une des parties pourrait ainsi dire qu’elle a “droit” à une part plus importante parce qu’elle est plus grande, parce qu’elle apporte plus à la table, parce qu’elle peut s’en aller plus facilement, parce qu’elle a plus d’options, et ainsi de suite.» Résultat? On aura alors le réflexe de diviser le gâteau proportionnellement en fonction de la taille des parties impliquées (unités, revenus, bénéfices, dollars investis). C’est là une autre erreur: il faudrait plutôt calculer la part de chacune des parties selon sa contribution. Sur la question du partage, l’auteur introduit alors l’approche du Talmud – vieille d’il y a deux mille ans – comme une méthode équitable, distincte de l’option de division proportionnelle. La solution du Talmud consiste à accorder à chaque partie ce qui lui a été concédé par l’autre et à partager ce qui reste en parts égales entre les parties.

La force de l’empathie

Négociation rime souvent avec émotions. Heureusement, la logique permet de calmer les ardeurs. Néanmoins, «il est tout à fait rationnel de se montrer empathique», plaide l’auteur. La force de l’empathie est de sortir de l’égocentrisme pour mieux comprendre les objectifs de l’autre partie. «Si vous pouvez combiner logique et empathie, vous aurez le meilleur de M. Spock et du capitaine Kirk.» En pratique, on peut faire preuve d’empathie en montrant qu’on comprend la position de l’autre. De quoi commencer à s’entendre avant même de trouver un accord!

Article publié dans l’édition Printemps 2023 de Gestion


Note

Nalebuff, B., Split the Pie: A Radical New Way to Negotiate, New York, Harper Business, 2022, 304 pages.