Article publié dans l'édition Automne 2017 de Gestion

La vie quotidienne est pleine de contradictions auxquelles le monde de la gestion n’échappe pas : c’est ce que démontre Richard Farson, président de l’Esalen Institute et auteur de 30 paradoxes pour renouveler son management1. Objectif assumé de l’auteur : inciter à un management radicalement différent.

Changer peu à peu, dites-vous?

Malgré les apparences, les grands changements unilatéraux sont plus faciles à mettre en œuvre que les petits. La plupart des changements sont introduits de façon graduelle et suscitent quantité de discussions et de ressentiments. De quoi les freiner ou les bloquer. À l’inverse, un changement massif, imposé en force tel un fait accompli, découragerait l’envie de le contrer. Dans les faits, sur le chemin du redressement, une fermeture massive d’usines génère moins de résistance que leur fermeture progressive, une usine à la fois. Un geste « audacieux », selon l’auteur, ou carrément musclé ?

Le Leadership sans leader

Il n’y a pas de leaders, il n’y a que du leadership ! À l’encontre de ce qu’on pourrait croire, notre perception stéréotypée du leader charismatique contredirait l’efficacité du vrai leadership. « L’image virile de l’autorité, associée à des hommes grands patrons célèbres, nous fait oublier que la vraie force d’un leader est sa capacité à faire s’exprimer la force du groupe qu’il dirige », affirme Richard Farson. Une invitation à considérer l’autorité comme la propriété du groupe plutôt que celle d’une seule personne !

Féliciter : Contre-productif ?

Féliciter un salarié ne le motive pas forcément. Contre toute attente, les compliments ne sont pas toujours une recette de motivation ou une bonne récompense. L’auteur observe que, « dans les faits, le compliment peut être perçu comme une menace » et susciter la réaction défensive du complimenté. La raison? Tout éloge est une évaluation, une forme de jugement, donc une façon indirecte d’affirmer sa position de juge.

Plus encore, il est parfois perçu comme une façon de « dorer la pilule » du blâme : « Vous vous en sortez bien, mais... »

Le contraire d’une vérité est également vrai!

Le gestionnaire, balloté de tendance en tendance, serait victime de techniques simplistes, croit Richard Farson.

À l’inverse, « un cadre qui peut apprécier les absurdités et les paradoxes des relations d’affaires et des organisations sera certainement moins vulnérable à la mode, donc plus fort comme dirigeant ». La raison ? « Les paradoxes sont des absurdités apparentes. »

En réalité, il est possible d’assister à la coexistence des contraires dans la gestion d’entreprise : deux impulsions contradictoires au sein d’un projet, un mélange de communication transparente et de tromperie, la double nécessité d’un système de gestion participatif et du maintien des relations hiérarchiques.

Et si la direction d’entreprise était surtout une affaire de « gestion de dilemmes » dans un contexte d’ambiguïtés ?

Moins de slogans, plus d’authenticité

« Zéro défaut », « gestion par objectif », « cercles de qualité » : abreuvés de slogans comme nous le sommes, nous oublions que la qualité de la relation humaine l’emportera toujours sur les artifices, les recettes et autres techniques d’influence et de contrôle.

De façon absurde, peut-être, se montrer humain vaut mieux que manœuvrer les humains, estime l’auteur. À rationaliser à l’excès, la « technologie » des relations humaines passerait à côté de la valeur des échanges simplement humains, à la fois si vulnérables et si puissants.


Note

1 Farson, R., 30 paradoxes pour renouveler son management, Paris, Éditions Maxima, 2016, 225 p.