«Perle rare». «Équipe de feu». «Salaire concurrentiel». «Dream team». Quand elles apparaissent sur une offre d’emploi, plusieurs expressions ont le don d’horripiler les candidats - voire de les faire fuir. Notre guide pour éviter les faux pas.

Formatrice chez Les Sources Humaines, l’École du recrutement, Sandrine Théard se rappelle une entreprise du secteur alimentaire qui recrutait. Dans son affiche, son message était on ne peut plus clair. «De mémoire, ils disaient : chez nous, il fait froid. On n’a pas le choix de travailler dans des frigos pour garder la fraîcheur des aliments, mais tu vas voir, tu n'auras pas froid, car on va t’habiller en conséquence», raconte-t-elle.

C’est vers cette transparence qu’il faut tendre – et qu’il faut refléter – dans ses offres d’emploi, croit la spécialiste. «C’est attirant puisque, si une entreprise se montre franche pendant son recrutement, on peut penser qu’elle sera aussi portée à dire la vérité au quotidien. Et aujourd’hui, c’est important pour les candidats, entre autres pour les plus jeunes.»

La spécialiste n’est donc pas étonnée de constater que, selon un coup de sonde maison sur les réseaux sociaux mené par la Revue Gestion – qui n’avait rien de scientifique –, des expressions comme «job de rêve» ou «perle rare» sont parmi celles qui énervent le plus nos lecteurs. «On ne veut pas être pris pour des imbéciles, mentionne-t-elle. La job de rêve, le match parfait, l’entreprise idéale, on sait bien que cela n’existe pas.» Plutôt que de mousser une candidature, ce genre d’expressions a plutôt pour effet de décrédibiliser l’organisation, renchérit-elle. D'autant qu’aujourd’hui, avec des outils comme Glassdoor, tout finit par se savoir.

Miser sur le concret

Vanter sa «dream team» n’a pas non plus la cote. Pour Marianne Roberge, associée et directrice de pratique, stratégie de marque employeur chez Go RH, il vaut mieux éviter les formules creuses et plutôt miser sur le concret. «Vous avez peut-être une équipe de rêve, mais que cela signifie-t-il? Est-ce dans la façon de collaborer, dans la personnalité des employés?» Un message qui peut être transmis par différents canaux, comme vos réseaux sociaux s’ils reflètent bien cet esprit d’équipe.

Même chose en ce qui a trait aux conditions de travail ou aux tâches. Il faut se montrer très précis, pour que les travailleurs puissent se projeter dans le poste. «Dans le fond, il faut définir notre proposition de valeur en tant qu’employeur et la mettre de l’avant, en étant très spécifique», explique Marianne Roberge.

À éviter donc, la longue liste de tâches, note Sandrine Théard. «En tant que recruteur, cela ne m’intéresse pas de savoir que je vais trier des CV. Cela va de soi. Par contre, j’aimerais peut-être savoir quel type de personnes je vais recruter, avec quel type d’outils je vais travailler ou quels sont les objectifs de l’entreprise», illustre-t-elle.  

Salaires et avantages

À éviter aussi : le fameux «salaire concurrentiel», une expression qui arrivait haut dans notre palmarès. «Tout le monde écrit cela, mais cela n’a aucun poids, aucune valeur», souligne Sandrine Théard. Encore une fois, elle suggère de jouer la carte de la transparence et d’indiquer clairement la rémunération offerte. «Je pense que ce sera une tendance de plus en plus forte, alors qu’en Ontario, on envisage d’adopter une loi pour afficher les salaires [à même les offres d’emploi].»

Pour sa part, Mélina Roy, CRHA, consultante et associée chez Lévesque Roy Conseil, propose surtout de mettre de l’avant la rémunération globale, ce qui inclut non seulement le salaire, mais aussi tous les autres avantages dont bénéficient les travailleurs. «Par exemple, offrir un budget annuel individuel de formation de 3500 $ par gestionnaire, ça, c’est concurrentiel», soulève-t-elle. Jours de congé bien-être, horaire allégé le vendredi, programme d’assurances collectives, remboursement des titres de transport en commun : autant d’éléments à détailler, ajoute Marianne Roberge.

Stress, pression et tutti quanti

Autres mentions dans notre sondage : les demandes des employeurs, comme le fait de savoir «gérer son stress» ou «travailler sous pression». Des expressions qui peuvent en refroidir plus d’un, alors que de nombreux travailleurs cherchent avant tout l’équilibre. «Pour moi, ça peut lever un drapeau rouge et nous laisser croire qu’on a peut-être une culture de performance au détriment de la santé des travailleurs, qu’on est probablement stressés à longueur d’année. À la place, pourquoi ne pas mettre de l’avant ce qu’offre la compagnie pour aider les travailleurs à gérer ce stress et à maintenir leur santé physique et mentale?», questionne Mélina Roy.

Bien entendu, certains emplois ou secteurs d’activité viennent avec leur lot de pression. Marianne Roberge suggère alors de mettre cartes sur table. «Le fait de dire clairement qu’on a besoin de quelqu’un pour nous aider à gérer une restructuration, par exemple, permet au candidat de mieux comprendre ce qui est attendu de lui, ce qu’il doit apporter comme compétences, comme expertise. Et certains candidats aiment ce genre de défis.» C’est aussi possible d’en discuter de vive voix, plutôt que de l’indiquer sur son affichage.

Définir qui l’on est et ce que l’on cherche

Pour viser dans le mile, les organisations doivent revenir à la source. «Il faut que les offres d’emplois nous ressemblent, soient collées sur notre culture, sur nos valeurs en tant qu’organisation», explique Marianne Roberge. Ainsi, on s’assure que l’affichage sera cohérent. «L’autre élément essentiel, c’est de définir les personas, c’est-à-dire le profil des travailleurs qu’on recherche», ajoute-t-elle. Attention, toutefois, de ne pas tomber dans les stéréotypes.

Pour sa part, Sanrdine Théard recommande de consulter les travailleurs. «Je me souviens d’un poste dans le domaine pharmaceutique. Le salaire était alléchant, mais ce qui les faisait vraiment tripper, c’était le fait de toujours travailler avec les technologies les plus récentes, raconte-t-elle. C’était cela qu’il fallait mettre de l’avant dans l’affichage!»

Bref, les phrases toutes faites qui ne servent qu’à se vendre sont à éviter. Surtout dans le contexte actuel, alors que les travailleurs magasinent leur emploi. Ils doivent donc être en mesure, en un coup d’œil, de comprendre ce qui leur est réellement offert, tant en termes de conditions de travail que d’horaire ou de tâches. «Il faut prendre le temps de réfléchir pour comprendre qui on est, ce qu’on cherche et comment on se distingue», résume Marianne Roberge. Et c’est ce qu’il faut mettre en vedette.