Article publié dans l'édition printemps 2016 de Gestion

Vous ne savez plus comment inciter les membres de votre équipe à collaborer. Certains cherchent même à faire de l’ombre à leurs collègues en s’attribuant plus que leur part de mérite pour les succès collectifs. Et si cette problématique sous-tendait autre chose que des personnalités individualistes ou narcissiques ? Se pourrait-il que les comportements observés ne soient que la pointe de l’iceberg ?

On idéalise souvent le travail en équipe. On s’attend à ce que ce mode d’organisation entraîne un effet de synergie et une efficacité accrue. Toutefois, la réalité n’est pas toujours aussi idyllique. Certains comportements et certaines dynamiques de groupe peuvent faire obstacle à l’efficacité des équipes. Dans un tel contexte, le premier réflexe consiste souvent à blâmer les individus en présumant qu’ils ne possèdent pas les compétences nécessaires ou qu’ils cherchent délibérément à nuire à l’efficacité collective. Bien que ces hypothèses soient parfois fondées, d’autres facteurs peuvent contribuer à l’apparition de comportements contre-productifs au sein d’une équipe. Avec un peu de recul et en adoptant une perspective plus globale, ce qui semblait être, de prime abord, un cas d’« employé problème » peut cacher une réalité d’un tout autre ordre.

Avant de sauter à la conclusion que la source du problème est strictement individuelle, il convient d’évaluer l’impact possible de certains facteurs propres à l’environnement de l’équipe. Dans certains cas, la culture organisationnelle, les politiques, les programmes et les pratiques de gestion peuvent également alimenter les comportements contre-productifs.


LIRE AUSSI: Gérez-vous une équipe agile ou un lent paquebot?


Adopter une perspective globale

Lorsque des comportements contre-productifs sont adoptés par certains membres d’une équipe, il importe de ne pas sauter hâtivement aux conclusions. La situation ne s’améliorera que si le diagnostic posé est le bon, que si on arrive à suivre le fil qui conduit au comportement non désiré. Le réflexe consiste souvent à attribuer le problème à des causes strictement individuelles : une personnalité difficile, un manque de compétences ou de la mauvaise foi. Or, la cause du problème n’est pas toujours à ce niveau. La question est la suivante : qu’est-ce qui pousse cet individu à agir de la sorte ? La problématique est-elle essentiellement attribuable à l’individu ou est-elle le résultat de facteurs plus ou moins indépendants ?

Lorsque la présence de comportements contre-productifs est répandue ou récurrente, la possibilité que certains facteurs contextuels puissent entrer en ligne de compte devient d’autant plus envisageable. Il convient alors de prendre du recul et de déterminer dans quelle mesure d’autres facteurs, dont les programmes, la supervision ou les pratiques de gestion, pourraient contribuer à expliquer la situation.

4 comportements contre-productifs

Entre le parasitisme, la survalorisation personnelle, l’individualisme et l’agression interpersonnelle, l’air devient vite toxique. Voici quatre types de comportements contre-productifs qui empoisonnent le travail d’équipe et que nous avons relevés au cours de nos recherches et de nos rencontres en entreprise. Ceux-ci peuvent s’immiscer dans les couloirs des organisations, infiltrer les équipes et miner cette précieuse synergie que vous souhaitez instaurer.

  1. Parasitisme: Les comportements de parasitisme se manifestent de différentes façons : arriver en retard aux réunions, prétendre être très occupé pour ne pas avoir à assumer de nouvelles responsabilités, ralentir son rythme de travail, feindre un malaise afin de quitter le travail plus tôt que prévu ou encore tarder à répondre à ses courriels en espérant qu’un autre destinataire s’en charge. Ces comportements suscitent de la frustration chez les collègues qui subissent les contrecoups d’une répartition de plus en plus inégale de la charge de travail. Avec raison, ils ressentent un sentiment d’iniquité et finiront par se désengager, ayant fait plus que leur part du travail. Résultat : la performance de l’équipe est en chute libre.
  2. Survalorisation personnelle: Les comportements de survalorisation personnelle, ou le « syndrome de la diva », évoquent peut-être le satin et les plumes, mais ils sont beaucoup plus ravageurs qu’ils ne le paraissent. Ils consistent notamment à se vanter de la quantité de travail accompli et à se comparer avantageusement à ses collègues, et ce, sans rater une occasion de souligner ce qu’on fait de plus ou de mieux pour bien paraître aux yeux des patrons. Devant des comportements de survalorisation personnelle, la cohésion s’effrite. 
  3. Individualisme: L’individualisme est aussi susceptible de nuire à l’efficacité d’une équipe. Ne pas se conformer au plan de travail convenu en équipe, considérer uniquement ses propres idées et prendre des décisions sans tenir compte de leurs impacts sur les autres en sont quelques exemples. Dans ce climat de « chacun pour soi », le travail finit par manquer de direction et de cohérence.
  4. Agressivité: Dans des contextes de grand stress et de tension manifeste, l’agressivité peut devenir une soupape, une manière de se soulager de ses frustrations. Et les agressions interpersonnelles se multiplient ainsi au gré des rumeurs qui se mettent à circuler, des propos malveillants ou des « petites » humiliations qui minent la crédibilité et la confiance d’un ou de plusieurs membres de l’équipe. Loin de disparaître, le stress et les tensions se décuplent, dans la crainte des conduites d’agression futures. La méfiance s’installe et l’énergie de l’équipe est canalisée vers l’appréhension de ces comportements destructeurs.

Mais comment expliquer la présence de tels comportements dans une équipe et comment intervenir pour y remédier ?

Le système de reconnaissance de l’entreprise, par exemple, valorise-t-il vraiment le travail en équipe ou entraîne-t-il, au contraire, de la compétition entre les membres ? En mettant exclusivement l’accent sur l’atteinte d’objectifs individuels, l’employé comprend qu’ultimement, c’est sa propre performance et non celle de l’équipe qui compte. Dans le même ordre d’idées, si la manière d’assigner les projets spéciaux, d’offrir de la formation ou d’attribuer certaines responsabilités semble inéquitable parce qu’elle favorise certaines « stars » qui ont su se démarquer des autres, les collègues peuvent avoir le sentiment d’être mis à l’écart. Une gestion trop serrée peut aussi mener à la démobilisation et au désengagement envers le travail en équipe. Il en va de même pour ce qui est de la gestion en silo, où on assigne principalement des tâches individuelles et où il y a très peu de rencontres d’équipe. Voilà autant d’exemples qui font qu’une organisation et ses gestionnaires, en raison de leurs pratiques, peuvent parfois induire, sans le vouloir, des comportements contre-productifs.


LIRE AUSSI: Êtes-vous un leader inspirant pour votre équipe?


Des illustrations

pratiques de gestion a eviter

Pour illustrer notre propos, revenons sur le cas des comportements de survalorisation personnelle. Il y a dans votre équipe quelques membres qui cherchent régulièrement à mettre en valeur leur contribution personnelle en dénigrant du même coup le travail de leurs collègues. Devant de tels comportements de diva, plusieurs pistes se doivent d’être explorées. Avez-vous affaire à des personnalités difficiles, voire narcissiques ? Ou alors ne serait-il pas envisageable que les pratiques de supervision et les modes de gestion organisationnelle puissent véhiculer un message prônant la performance individuelle au détriment de l’esprit d’équipe ? Les individus ont-ils vraiment avantage à collaborer ? Il arrive parfois que des messages incohérents soient transmis aux employés par le biais de certaines pratiques organisationnelles : « Travaillez en équipe, mais au fond, ne perdez pas de vue que seuls les plus compétitifs auront de la visibilité, obtiendront des bonis et arriveront à gravir les échelons. » Dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner que certains coéquipiers adoptent des airs de diva !

Prenons maintenant l’exemple de cette employée, naguère enthousiaste et collaborative, qui affiche depuis un certain temps un comportement impulsif et agressif. Évidemment, cette situation est inadmissible et doit cesser. Mais d’où viennent ces sautes d’humeur ? Se peut-il que cette employée souffre d’épuisement ? La détresse psychologique ne facilite en rien les relations avec autrui. Est-il possible que les causes de l’épuisement soient organisationnelles, liées à l’ambiguïté de son rôle, à la charge ou au sens donné au travail ? Cette employée ne serait-elle pas elle-même en difficulté ? Si oui, une intervention strictement disciplinaire ne résoudra en rien le problème même s’il peut être pertinent, selon le contexte, d’établir en équipe un code de conduite. L’agressivité n’est jamais admissible, mais pour l’éliminer, il importe d’en déterminer correctement la source.

Bref, pour venir à bout des comportements contre-productifs dans une équipe, il faut souvent élargir le diagnostic au-delà des causes individuelles. Sans écarter les problèmes d’attitudes et de compétences, il convient d’adopter une perspective plus globale et de s’armer de courage pour examiner non seulement l’environnement organisationnel mais aussi ses propres pratiques managériales. Bon diagnostic et bon succès à vos équipes !

*Article écrit en collaboration avec Claudine Auger, rédactrice-journaliste.