L’accélération de l’obsolescence des compétences a des conséquences sur le plan humain, tant pour les travailleurs que pour les gestionnaires. Mais comment en limiter les effets négatifs?

Il est d’abord important de comprendre ce qu’est l’obsolescence des compétences. Ce terme « renvoie à l’insuffisance des savoirs ou compétences actualisés nécessaires à un travailleur pour continuer d’être parfaitement performant sans son activité professionnelle actuelle ou future ».

Selon le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, il existerait quatre types d’obsolescence des compétences :

  1. L’obsolescence physique des compétences : lorsqu’il y a détérioration des compétences et des aptitudes physiques ou cognitives par atrophie ou usure.

 

  1. L’obsolescence économique des compétences : lorsque les compétences précédemment utilisées dans un emploi donné deviennent inutiles ou perdent de leur importance.

 

  1. L’oubli organisationnel : lorsqu’il y a une perte de compétences spécifiques à une entreprise, due à la rotation du personnel.

 

  1. L’obsolescence perspectiviste : lorsque les perceptions et les croyances sur le travail et l’environnement de travail sont dépassées.

Quelles sont les conséquences?

L’obsolescence des compétences a des effets sur la santé psychologique et physique des travailleurs. Les conséquences du sentiment d’inaptitude et d’incertitude face aux nouveaux défis sont beaucoup plus importantes et coûteuses pour les travailleurs et les organisations qu’on peut imaginer.

Lorsqu’un travailleur se sent incompétent, il réagira généralement de deux façons :

  1. Il peut chercher à protéger et à contrôler ses acquis, ce qui freinera sa collaboration avec les collègues et les autres départements de l’entreprise.

 

  1. Il peut perdre en confiance et en estime de lui, ce qui engendrera des comportements toxiques motivés par la peur de perdre son emploi, son statut, son expertise, sa réputation et sa notoriété. La plupart du temps, les personnes dont la confiance et l’estime de soi sont menacées vont davantage chercher à se protéger et à contrôler qu’à être ouvertes aux nouvelles initiatives et à l’innovation.

Bien qu’ils soient subtils et difficilement mesurables, les effets de l’obsolescence des compétences sont bel et bien réels et nocifs pour les individus, leurs familles, les équipes et les organisations.

Des actions concrètes à mettre en place

Quatre différentes actions peuvent être menées par les gestionnaires pour atténuer les conséquences humaines de l’obsolescence des compétences.

  1. Avoir des échanges fréquents et authentiques entre patron et employé

On ne le dira jamais assez, la relation patron-employé, peu importe le rôle et le niveau hiérarchique occupé, doit permettre des échanges fluides et authentiques. C’est ainsi que, de part et d’autre, il pourra se créer suffisamment de confiance mutuelle pour que chacun exprime une certaine vulnérabilité et ses craintes face à l’obsolescence des compétences.   

Dans un contexte de télétravail et de gestion à distance, il peut être plus difficile de créer et de maintenir des rituels de gestion. Il est possible toutefois d’adapter les rencontres de façon à ce qu’elles soient plus fréquentes et probablement moins longues qu’en face à face. Peu importe leur charge de travail, les gestionnaires devraient tenir des rencontres individuelles avec chacun de leurs relevants au minimum une fois par mois.

  1. Investir plus que jamais dans la formation et le développement des compétences

Les entreprises doivent prévoir des budgets et du temps pour soutenir les changements technologiques et l’évolution de la culture organisationnelle, qui implique d’apprendre à penser, être et agir différemment.

En ces temps plus austères, certaines entreprises ont gelé les budgets de formation croyant que plus personne n’a le temps de se former de toute façon. Les enjeux de rareté et de pénurie de main-d’œuvre referont toutefois surface d’ici quelques mois. Les entreprises n’ont pas le luxe de se permettre de perdre des employés et des gestionnaires qui se sentent actuellement moins compétents qu’avant et qui se laisseront séduire par une offre où ils auront l’impression qu’on valorisera le développement de leurs compétences.

  1. Mieux définir les parcours d’activités et les formats de formation

Puisque personne n’a de temps et d’argent à perdre, il est important de bien définir les besoins et les objectifs des activités de formation et de développement. Plutôt que de considérer ou d’évaluer ces activités « à la pièce », les gestionnaires auraient avantage à les inscrire dans un plan de développement global ou dans une forme de « parcours ». 

Lors des rencontres individuelles régulières entre patron et employé, les gestionnaires doivent prendre le temps d’échanger sur le plan de développement. Il est important de questionner l’employé sur son cheminement et son parcours de développement afin de cibler avec lui les prochaines activités à suivre et les objectifs qui s’y rattachent. 

L’offre de formation en ligne était déjà importante avant la pandémie, mais elle s’est multipliée et améliorée avec la crise. Il est plus facile de définir ainsi des parcours qui juxtaposent des activités d’acquisition de connaissances – très pratiques à faire en ligne avec du matériel préenregistré –, des moments pour mettre en pratique les connaissances – dans le cadre du travail quotidien – et des retours pour consolider les apprentissages – en ligne ou en face à face.

  1. S’assurer de mesurer de façon tangible l’impact de la formation et le transfert des apprentissages dans l’action

Dans les choix de parcours et d’activités de formation et de développement des compétences, il est important de se questionner sur la façon de mesurer les effets de la formation et du transfert des apprentissages dans l’action. Il existe des outils et des plateformes technologiques qui permettent de mesurer ces effets pour chacun des apprenants, pour un groupe ou pour une organisation.

De plus, en ciblant concrètement les objectifs et les indicateurs attendus avant la formation, au moment des rencontres individuelles, il sera plus facile de mesurer le transfert des apprentissages dans l’action, et surtout, d’assurer un suivi postformation adéquat. Les gestionnaires pourront ainsi tirer profit du plein retour sur investissement des sommes et du temps attribués à la formation.

Passer aux actes

Le contexte d’incertitude due à la pandémie mondiale liée à la COVID-19 nous a fait prendre conscience de l’accélération de l’obsolescence des compétences. Il est important d’agir rapidement pour que les travailleurs se sentent réellement compétents. Ainsi, ils seront engagés et déterminés à développer le plein potentiel de leurs talents au sein de l’organisation.