Le travail en mode hybride transforme profondément le monde professionnel. Il ne répond toutefois pas à lui seul aux attentes des nouvelles générations, notamment en matière de flexibilité et de sens du travail. Les organisations doivent en prendre conscience et se préparer à d’autres transformations d’ampleur.

Depuis la fin de la pandémie de COVID-19, un nouveau standard s'est établi : le travail hybride, qui alterne entre le bureau et le domicile. Jusqu’à 62% des entreprises ont en effet adopté ce modèle selon une étude récente de Colliers Canada.  Bien qu’elle soit séduisante en apparence, notamment parce qu’elle garantit aux effectifs un certain niveau de socialisation, cette méthode pourrait bien ne refléter qu'une persistance des anciennes habitudes plutôt qu'une véritable innovation pour l'avenir du travail.

On parle ici d’un avenir dans lequel la définition du travail serait basée sur les objectifs et les projets ainsi que sur une quête croissante d'autonomie, et d'un travail porteur de sens qui favorise un sentiment d'accomplissement.

L'illusion du modèle de travail hybride

La proposition hybride mise en avant par nombre d'entreprises semble négliger les transformations profondes qui sont survenues durant la pandémie. Ce qu'il faut comprendre, c'est que derrière ces demandes croissantes en lien avec le télétravail, c'est toute la relation avec le travail lui-même qui est en train d'être redéfinie. En effet, la culture du travail d'avant la pandémie reposait énormément sur la présence physique au bureau. Cette dernière ne se voulait pas uniquement une forme de socialisation, mais était également associée à une philosophie de travail basée sur :

- Une gestion souvent axée sur le contrôle direct des heures de travail;

- Une distinction nette entre le travail et le reste de la vie;

- Une méthode de travail plutôt rigide selon laquelle les statuts et les lieux étaient figés dans une hiérarchie;

- Un travail centré sur les tâches plutôt que sur les résultats, souvent déconnecté des besoins des employés en matière d'autonomie et d'accomplissement.

Dans le modèle hybride d'aujourd'hui, les entreprises consacrent plus d'énergie et d'investissement à apporter des modifications cosmétiques à l'espace de travail — pensons ici à la recréation d'une illusion de salon avec des canapés, entre autres exemples — qu'à réfléchir sur le changement en cours.

Le travail virtuel à grande échelle nous a permis d'expérimenter une nouvelle manière de travailler. C'est une occasion, et c’est aussi une nouvelle promesse de travail basée sur :

- Le besoin d'une philosophie de gestion axée sur la confiance, l'engagement et l'autonomisation du personnel. Dans ce nouveau cadre, les compétences humaines, telles que l'intelligence émotionnelle et l'empathie, deviennent particulièrement importantes;

- Une fluidité entre le travail et les autres activités, ce qui permet à un professionnel d’intégrer sans heurt des rendez-vous personnels ou des engagements familiaux à sa journée sans rencontrer de barrières rigides;

- Une redéfinition des statuts professionnels pour permettre à l'agilité et à la flexibilité de devenir des atouts majeurs;

- Une performance de travail orientée vers les résultats et les objectifs;

- Le besoin pour les entreprises de donner plus de sens au travail afin de maintenir l'engagement et la motivation de leurs équipes, en encourageant par exemple l'intégration des concepts d'impact social.

Technologie : entre soutien et surveillance

Le passage au télétravail a posé des défis de gestion à de nombreuses entreprises. Pour compenser le manque de visibilité des employés, des outils de surveillance ont été introduits, souvent au détriment de la confiance mutuelle. Des méthodes telles que le suivi des heures de connexion, l'utilisation obligatoire de la caméra pendant les réunions et l'analyse des communications ont été adoptées. Bien que ces mesures soient parfois présentées comme essentielles à la productivité, elles peuvent également révéler un manque de nuance et de compréhension du contexte humain et de la valeur apportée par les équipes. Le résultat : un environnement de travail rigide et impersonnel, au sein duquel le personnel se sent surveillé plutôt que soutenu, ce qui est susceptible d’engendrer un climat de méfiance.

Malgré tout, la technologie ne doit pas être diabolisée, dans la mesure où elle offre des solutions révolutionnaires pour améliorer le télétravail. Les outils collaboratifs, les plateformes de communication unifiées et les applications vouées au bien-être des salariés sont à même de transformer positivement notre environnement de travail. Tout cela peut également aider les gestionnaires à définir des objectifs réalistes pour leurs employés, à suivre leurs progrès et même à leur suggérer des améliorations, tout en évitant de créer une atmosphère de surveillance. À ce titre, l'intelligence artificielle (IA) est en état de créer une valeur ajoutée certaine.

L’IA : un outil de support innovant

L'intelligence artificielle est en effet au cœur de cette transformation déjà en cours. Elle est en mesure d’automatiser des tâches répétitives, libérant ainsi les employés pour des missions de plus grande valeur. L’IA peut également aider les gens en entreprise en temps réel, leur fournissant des analyses précises et des retours personnalisés, tout en promouvant une culture centrée sur les objectifs et les projets plutôt que sur la simple comptabilisation des heures. Elle est en outre capable de gérer les projets plus efficacement que des travailleurs et même d’identifier des domaines de croissance pour les employés.

L'intelligence dite artificielle offre aussi des solutions transformatrices pour le bien-être au travail. Demain, il est possible qu’elle contribue au bien-être du personnel en détectant des signes de stress ou de surcharge de travail grâce à l’analyse des changements de comportement numérique, en évaluant les sentiments dans les communications ou encore en comparant l’exécution des tâches par rapport à des références. Couplée à des contrôles de bien-être périodiques au moyen des agents conversationnels (en anglais : chatbots), l'IA pourrait donc servir d'outil proactif pour identifier et traiter les préoccupations des travailleurs.

Elle y parviendra toutefois à condition de garantir la transparence dans son utilisation, afin de favoriser la confiance des gens, et de s’assurer que son rôle est bien perçu comme un soutien et non comme une surveillance.

Une génération Z porteuse d'un changement fondamental

Les membres de la génération Z seront à la pointe de cette transformation du monde du travail. Nés à l'ère numérique, ces nouveaux travailleurs privilégient la flexibilité, l'autonomie et la créativité. Plus que les représentants de toute autre génération, ils aspirent à un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, et ils font preuve de peu de patience pour les méthodes de travail désuètes ou intrusives. Mieux, ces personnes cherchent un travail qui a du sens, souhaitent voir les répercussions de leurs actions et veulent être reconnues pour leur créativité ainsi que pour leur sens de l’innovation.

Adopter une nouvelle vision du travail

Sans minimiser le rôle essentiel de socialisation et de cohésion qu’offre la structure de travail traditionnelle, il est crucial pour les organisations de comprendre que l'avenir du travail est à un tournant. La pandémie a mis en lumière les lacunes des méthodes traditionnelles et a ouvert la voie à de nouvelles perspectives. L'autonomie et la recherche de sens deviennent centrales, poussant les employeurs à repenser leurs structures traditionnelles. Pour réussir, les entreprises doivent allier technologie et humanité en soutenant leurs équipes et en les autonomisant. Cette vision renouvelée du travail, qui combine flexibilité, confiance et innovation, est la clé d'un avenir professionnel épanouissant pour tous. Dans cette nouvelle ère de la vie professionnelle, sommes-nous prêts à adopter ce nouveau paradigme du travail?