Dans un monde où la durabilité devient une priorité, chaque choix en matière de transport a un coût – financier, social et environnemental. Comment les entreprises peuvent-elles devenir de véritables leaders en mobilité durable? 

Le transport pèse lourd sur les finances, qu’il s’agisse des budgets publics ou de ceux des foyers québécois. Les coûts liés aux infrastructures routières, au transport collectif et même à la création de voies sécurisées pour les mobilités actives suscitent des débats passionnés sur les priorités à accorder et les investissements à réaliser.

Une étude menée par une équipe de HEC Montréal donne une évaluation précise des coûts réels de la mobilité dans l’agglomération montréalaise, selon le mode de transport choisi : automobile, transport collectif, vélo ou marche. Ce calcul couvre à la fois les coûts privés – y compris l’achat et l’entretien des véhicules, le carburant, les titres de transport, les permis, les taxes et les contraventions – et les coûts sociaux. Ces derniers se divisent en deux catégories : d’une part, les coûts publics, tels que la construction et l’entretien des infrastructures, le déneigement et le fonctionnement des installations, qui sont inscrits explicitement dans les budgets fédéral, provincial et municipal; d’autre part, les coûts ou bénéfices externes, économiquement invisibles mais tout aussi significatifs, tels que les émissions de gaz à effet de serre, la congestion, les accidents, l’occupation de l’espace urbain et les effets bénéfiques sur la santé publique liés à l’utilisation des transports actifs. Ces facteurs, bien que cachés sur le plan économique, sont essentiels pour évaluer le véritable impact des choix en matière de mobilité.

En intégrant tous les éléments évalués, l’étude révèle que chaque kilomètre parcouru en automobile engendre un coût total de 2,27$, tandis que les transports collectifs ne coûtent que 1,32$ et le vélo, un modeste 0,87$. Bien que ces montants puissent sembler raisonnables s’ils sont entièrement assumés par les utilisateurs, une analyse plus poussée montre que les coûts sociaux pèsent lourd sur la collectivité.

Ainsi, pour chaque dollar dépensé par un automobiliste, la société doit assumer un coût additionnel de 1,44$, ce qui en fait – et de loin! – le mode de transport le plus onéreux. En comparaison, pour 1$ investi dans les transports collectifs, les coûts sociaux sont de seulement 0,38$. Quant aux mobilités actives, comme le vélo et la marche, elles génèrent des économies pour la collectivité : chaque dollar dépensé à vélo entraîne une réduction des coûts sociaux de 0,19$ et la marche permet une économie de 0,03$ par dollar, notamment en raison des bienfaits pour la santé publique, réduisant ainsi la pression sur le système de santé.

Cette recherche permet en outre de cibler les segments de la population pour lesquels une transition vers des modes de transport durables est non seulement faisable, mais aussi avantageuse sur le plan économique. En simulant différents scénarios de report modal, l’étude anticipe d’importantes réductions des dépenses publiques et privées, une diminution importante des émissions de gaz à effet de serre et une amélioration de la santé publique. Ces ajustements pourraient générer des économies atteignant jusqu’à 2 milliards de dollars par an pour l’agglomération montréalaise seulement.

En complément de l’étude, un calculateur en ligne1 permet aux employés, par exemple, d’évaluer les coûts réels associés à leur mode de transport pour se rendre au travail. Cet outil a pour but d’informer les citoyens sur les conséquences de leurs choix en matière de transport, de soutenir les initiatives publiques et d’encourager les entreprises à devenir des leaders de la mobilité durable.

Ce que les entreprises peuvent (et doivent) faire

Être un leader en mobilité durable est désormais un enjeu stratégique majeur dans le monde des affaires, particulièrement dans des villes comme Montréal, où les défis liés au transport sont omniprésents. Promouvoir des solutions de mobilité durable, telles que le transport actif ou collectif, ne se limite pas à réduire les émissions de gaz à effet de serre : cela permet surtout d’améliorer l’attractivité des entreprises en répondant aux attentes croissantes des nouvelles générations.

Les jeunes, notamment les milléniaux et les membres de la génération Z, accordent une attention particulière aux enjeux environnementaux et au bien-être. Ils recherchent activement des employeurs qui partagent leurs valeurs et encouragent les pratiques durables. Ces jeunes adultes n’hésitent pas à changer d’emploi s’ils estiment que l’entreprise où ils travaillent ne correspond pas à leurs attentes sur le plan de l’éthique. Dans un marché du travail marqué par la rareté de la main-d’œuvre, proposer des options de mobilité durable devient donc un levier essentiel pour attirer et fidéliser des talents, tout en renforçant l’engagement des employés.

En parallèle, promouvoir la mobilité durable améliore aussi considérablement l’image de marque d’une organisation. Les entreprises peuvent ainsi non seulement répondre aux exigences des consommateurs actuels, mais aussi se bâtir une réputation autour de valeurs durables. Cela témoigne d’une vision à long terme jugée essentielle pour convaincre les investisseurs lorsque ces sociétés recherchent des partenaires responsables et innovants.

Comprendre et réduire les émissions de gaz à effet de serre tout au long de la chaîne de valeur est essentiel pour les entreprises qui souhaitent être crédibles quand elles affichent leur responsabilité sociale et environnementale. Ces émissions, qui englobent l’ensemble des émissions indirectes générées – notamment les déplacements des employés –, peuvent représenter entre 70 et 90% des émissions totales d’une entreprise. En mettant en place des solutions de mobilité durable, les entreprises peuvent non seulement réduire fortement leur empreinte carbone, mais aussi renforcer leur leadership en matière de transition écologique.

De multiples solutions 

Pour devenir des ambassadeurs en mobilité durable, les entreprises ne peuvent plus se cacher simplement derrière l’adoption de quelques mesures symboliques. Ce changement nécessite dorénavant de mettre en place une stratégie globale qui intègre une politique interne de mobilité. Une telle approche commande de considérer les besoins de mobilité des employés, tout en prenant en compte les exigences logistiques de la chaîne d’approvisionnement. Cela permet de cibler les solutions les mieux adaptées et de répondre de manière cohérente aux enjeux en matière de durabilité.

La promotion de la mobilité durable peut prendre plusieurs formes : encourager le transport des marchandises de manière plus responsable, promouvoir des solutions de transport actif pour les employés, etc. Parmi les initiatives les plus efficaces figurent le soutien au covoiturage, l’installation de stationnements sécurisés pour les cyclistes ou encore l’acquisition de véhicules électriques pour réduire l’empreinte carbone lors des déplacements professionnels.

Certaines entreprises optent pour des incitatifs financiers, comme des subventions pour les abonnements à des services de vélopartage ou de transport en commun. D’autres mettent en place des mesures douces, telles que l’installation de douches et de vestiaires, ou l’organisation de «midi-causeries» sur le coût du transport. Des approches innovantes, comme la ludification du transport par des plateformes interactives, permettent également de récompenser les employés pour leurs choix écoresponsables en matière de mobilité.

Les entreprises jouent déjà un rôle clé dans la transformation collective des habitudes de mobilité. À Montréal, plusieurs grands employeurs ont pris des engagements concrets en signant un pacte de mobilité durable. Cette entente vise à ouvrir de nouveaux locaux à proximité des transports en commun, à réduire la demande de stationnement individuel et à électrifier les parcs de véhicules. Ce type d’action souligne l’importance des partenariats public-privé pour atteindre des objectifs environnementaux ambitieux et appelle les gouvernements à investir massivement dans les infrastructures de transport durable.

Bien que ces initiatives puissent nécessiter des investissements, il existe des ressources publiques pour soutenir ces projets. Le Fonds pour le transport actif et le Fonds Écoleader sont des exemples d’aide financière qui permet aux entreprises de lancer des projets de mobilité durable tout en minimisant les coûts qui y sont associés. Ces aides favorisent la création d’initiatives à long terme qui profitent non seulement à l’entreprise, mais aussi à l’environnement et à la société dans son ensemble.

Article publié dans l’édition Printemps 2025 de Gestion


Note

1 - Ce calculateur peut être utilisé gratuitement à partir de l’adresse suivante : bit.ly/calculateurmobilite.