Mobiliser les gestionnaires dans le changement : 3 conditions de succès simples à mettre en œuvre
2024-05-01
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2024-05-01
Mobiliser les gestionnaires dans le changement : 3 conditions de succès simples à mettre en œuvre
Ressources humaines , Leadership
La vitesse et la complexité des transformations que subissent les organisations engendrent des réactions de mécontentement et de résistance. En première ligne, les gestionnaires jouent un rôle décisif… à condition de les préparer à conduire le changement.
Dans le monde actuel, les organisations font constamment face à des changements. Or ces transformations successives ou parallèles, qui s’accélèrent et se complexifient, sont susceptibles d’épuiser les employés et de provoquer des résistances ou du mécontentement, ce qui risque de conduire à leur désengagement. En outre, entraînant souvent des répercussions sur les processus opérationnels déjà en place, ces changements peuvent faire naître des questionnements – voire des préoccupations – dans l’ensemble des équipes qui en entendent parler.
Les gestionnaires se trouvent en première ligne pour accueillir et mettre en œuvre de nouvelles façons de faire les choses. Autrement dit, ils sont l'une des clés de la réussite du projet à venir[1]. Dès lors, une approche active et opérationnelle de la gestion du changement prend tout son sens, et les gestionnaires doivent y jouer un rôle de première importance. Pourtant, la réaction de ceux à qui l’on confie des activités à mener pour encourager l’innovation est toujours la même : «Je n’ai pas le temps»; «j’ai des opérations à gérer»; «c’est le travail du projet»...
Alors, comment compter sur les gestionnaires, acteurs incontournables de la réussite des changements?
Cet article propose trois conditions à respecter pour s’assurer du succès de la mobilisation organisée par ces professionnels. Celles-ci reflètent leurs besoins dans leur rôle pour qu’ils puissent exercer tout leur potentiel : les circonstances favorables (ce qu’on appelle couramment le momentum), les attentes et la légitimité.
Première condition de mobilisation : être impliqué au bon moment
Il importe de mettre les gestionnaires à contribution au bon moment, l’objectif étant de leur permettre de comprendre le changement à venir, de pouvoir en parler à leurs employés et de soutenir ces derniers.
Sollicités trop souvent en amont par rapport à l’opérationnalisation du changement, les gestionnaires ne s’engagent pas; il n’y a pas de bénéfices pour eux ou pour leurs équipes à s’investir dans des activités d’échange d’information ou de communication.
«C’est tellement loin qu’on aura tout oublié, alors je n’en parlerai pas à mes équipes; on a autre chose à faire.»
«C’est intéressant, mais pas utile aujourd’hui.»
À l’opposé, approchés au dernier moment alors que les nouvelles façons de faire sont sur le point d’être mises en opération, les gestionnaires ne peuvent plus que subir le tout avec leurs équipes; les cascades de communication et les formations s’enchaînent alors sans prise de recul, et les préoccupations ralentissent l’adoption[2].
«On réfléchira plus tard, quand on aura les problèmes à régler.»
«Je ne comprends pas pourquoi on a choisi de faire ça comme ça.»
Le moment opportun se présente lorsque les équipes s’inquiètent de ce qu’elles anticipent en lien avec le changement. Préoccupés par un futur qu’ils considèrent comme incertain, les employés ne sont plus aussi performants qu’avant, et les gestionnaires sont soucieux de garder leurs troupes mobilisées sur les opérations. Résultat : ils mettent alors tout leur intérêt et toute leur attention sur les outils, les démarches et les postures que la gestion du changement leur propose d'adopter pour encourager les équipes à surmonter les défis à venir.
Ainsi, lorsque les gestionnaires sont sollicités au moment opportun, ils sont plus conscients des enjeux et s’emparent des moyens qui leur sont proposés pour non seulement gérer l’innovation, mais également avoir une incidence positive et mobilisante auprès de leurs employés dans ce contexte.
Deuxième condition de mobilisation : comprendre les attentes
Il est important de rassurer les gestionnaires sur le type d'actions et de prise en charge qu'ils doivent réaliser, tout en mettant les choses en perspective.
Trop souvent, ils ont le sentiment que les activités qu’on leur confiera seront nouvelles pour eux et donc trop éloignées de leurs capacités, et que cela leur prendra du temps pour se les approprier[3].
«Je n’ai pas le temps.»
«Ce n’est pas à moi de faire ça; je n’ai jamais fait ça.»
Pourtant, les gestionnaires disposent déjà des aptitudes nécessaires et peuvent compter sur la possibilité de l’action au quotidien en étant en interaction avec leurs équipes. Simplement, ils doivent agir avec plus d'acuité, et moins de façon «pilotage automatique des opérations quotidiennes». Il importe pour eux de se montrer encore plus proches de leurs employés et à leur écoute pour établir un dialogue en continu sur le changement anticipé. Ambassadeurs de l’innovation par la nature même de leurs responsabilités, ils doivent assumer un rôle de guide en abordant ouvertement, avec le personnel, les craintes autant que les possibilités que suscite le changement.
Dans cette perspective, il est nécessaire que les gestionnaires puisent dans leurs compétences de leaders et défendent cette posture, de manière à soutenir et accompagner leurs troupes, et à les rassurer quand c’est nécessaire.
Troisième condition de mobilisation : se sentir légitime
Dans une période de changement, il arrive que les gestionnaires se sentent démunis parce qu’ils ne possèdent pas toujours toutes les réponses aux questions de leurs employés.
Conséquemment, certains peuvent choisir d’éviter les situations qui mettent en défaut leur efficacité et leur expertise. C’est qu’il est parfois difficile d’abandonner l’image du gestionnaire du type «superhéros» infaillible, dispensateur de réponses ou de solutions en temps réel[4].
«Je suis certain qu’ils vont vouloir plus de précisions. Je vous laisse le dire à mon équipe; vous avez plus de réponses que moi.»
«Pour vrai, ça change quoi dans l’équipe, à la fin? Même moi, je ne suis pas sûr de le savoir.»
Dans ce contexte, il est important de donner le droit aux gestionnaires de s’interroger sur le changement même, pour le comprendre et se l’approprier, en amont d’annonces faites aux équipes. Préoccupés au même titre que l’ensemble des employés de l’organisation, ces professionnels éprouvent la même nécessité de se le représenter, d’une part par rapport à eux-mêmes et, d’autre part, par rapport à leurs collaborateurs. En d’autres mots, ils ont besoin de mettre en doute le changement en question pour en appréhender toutes les facettes. Il est donc nécessaire de leur côté de compter sur leurs propres gestionnaires pour accueillir leurs questions et pour entendre, le cas échéant : « Je n’ai pas encore la réponse. »
Ainsi, dans chacun des niveaux de la structure organisationnelle, on trouvera des leaders qui guident des leaders; des leaders convaincus qu’accueillir les préoccupations, dialoguer autour des questionnements et soutenir ses pairs comme ses collaborateurs sont autant d'actions clés à réaliser en continu.
Mobiliser les gestionnaires, c’est leur donner le pouvoir d’agir comme leaders!
Il existe aujourd'hui de nombreuses possibilités contextuelles : baisse de l’activité; perspectives de projets d’évolution des systèmes, de réorganisation de type front-to-back (passage d’activités du service clientèle vers les services d’opérations) et de positionnement des fonctions de middle-office (les services de gestion des risques) ; etc. Ces évolutions, subies ou choisies, nécessitent plus que jamais de pouvoir compter sur les gestionnaires pour non seulement faire vivre les opérations du quotidien, mais aussi préparer le terrain à l’accueil des changements aujourd’hui incessants. Sans nécessairement avoir à être maîtres dans l’art de gérer le changement avec un grand C, les gestionnaires ont néanmoins l’occasion d’accompagner leurs équipes pour l’accepter, s’ajuster et saisir des occasions là où il ne semblait y avoir au départ que des difficultés.
Si changer semble être la nouvelle norme au sein des entreprises, évoluer comme leaders parmi les changements est sans contredit la nouvelle posture à adopter.
Notes
[1] David Autissier et Isabelle Vandangeon-Derumez (2007, p. 116) les qualifient de «pivots des changements organisationnels».
[2] Pierre Collerette, Martin Lauzier et Robert Schneider (2013, p. 211) constatent qu’ils «sont débordés de toutes parts» par les multiples changements à gérer sans être équipés.
[3] Abdelhadi Naji (2009) rapporte des études qui soutiennent cette idée de former formellement les dirigeants autant que les gestionnaires à la gestion des changements pour faire face à ces derniers.
[4] Eric Delassus (2015, p. 5) relève qu’assumer une part de vulnérabilité met en jeu le triptyque «crédibilité, compétence et autorité», ce qui est vécu comme un risque autant par le «manager» que par le «managé».
Bibliographie
Autissier, D., et Vandangeon-Derumez, I., «Les managers de première ligne et le changement», Revue française de gestion, no 174, mai 2007, p. 115-130.
Collerette, P., Lauzier, M., et Schneider, R., Le pilotage du changement, 2e édition, Québec, Presses de l’Université du Québec, 2013, 295 pages.
Delassus, E., «Manager selon le care», Qualitique – Le magazine des managers et des organisations responsables, no 266, 2015.
Naji, A., Identification des compétences requises par les dirigeants des PME pour la gestion du changement organisationnel, thèse de doctorat, Montréal, Université du Québec à Montréal, 2009, 341 pages.
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