Lorsqu’il s’agit de mener à bien un projet innovant, choisir la bonne méthode de gestion est bien plus qu’une simple formalité. Entre l’approche structurée de la méthode en cascade (waterfall) et la souplesse de la méthode agile, chaque option offre des avantages distincts. Mais comment déterminer celle qui maximisera l’engagement et la motivation des équipes?

La méthode en cascade et la méthode agile facilitent toutes deux la mise en œuvre de projets innovants dans des secteurs diversifiés. La première, plus traditionnelle, privilégie la prévisibilité et un déroulement linéaire. La seconde, plus récente, adopte un parcours sinueux, favorisant l’adaptabilité aux changements externes.

Qu’est-ce que la méthode en cascade?

Créée dans les années 1970, cette méthode est particulièrement adaptée aux projets dont les résultats sont clairement définis, généralement fixes, et pour lesquels les ressources nécessaires sont prévisibles. Avec son approche par étapes – analyse, conception, développement, tests, mise en œuvre, maintenance –, elle repose sur un processus séquentiel où chaque phase débute seulement une fois que la précédente est achevée, selon un calendrier strict.

Très linéaire, la méthode en cascade se révèle parfois inadéquate dans des secteurs où les résultats finaux sont difficiles à anticiper – dans le développement de logiciels, par exemple. Sa rigidité peut limiter la réactivité des équipes et créer des tensions face aux attentes changeantes des clients.

Qu’est-ce que la méthode agile?

Créée au début des années 2000 pour contrer la rigidité de la méthode en cascade, la méthode agile se distingue par sa flexibilité. Organisée en cycles courts et successifs, elle produit des livrables périodiques, parfois partiels, généralement sur quelques semaines. Cette approche mise sur une réactivité précieuse devant l’incertitude, un atout incontournable dans des secteurs dynamiques comme la technologie.

La méthode agile positionne le client avantageusement dans le processus, assurant ainsi que les itérations effectuées se rapprochent progressivement de ses attentes. Amazon et Spotify, par exemple, adoptent cette méthode pour innover régulièrement, toujours en collaboration avec leurs utilisateurs.

Comment choisir entre ces deux méthodes?

Chacune présente des avantages et des défis. La méthode en cascade garantit la prédictibilité et optimise les coûts de production, mais sa rigidité peut engendrer un manque de réactivité et de consultation, source de frustration pour les clients en cas d’imprévus.

La méthode agile, en revanche, se distingue par sa flexibilité, propice à une collaboration active. Toutefois, les réajustements fréquents peuvent alourdir le processus et augmenter les coûts, tout en nécessitant un engagement accru des équipes dans le but de coordonner le rythme rapide des itérations.

Parmi les critères clés à prendre en compte au moment de choisir une méthode, il faut noter le type de livrable, la complexité du projet, les ressources disponibles et le délai imparti. Ainsi, la méthode en cascade s’avère plus adaptée aux projets linéaires et bien définis, tandis que la méthode agile répond mieux aux projets complexes, où l’incertitude est omniprésente et où la flexibilité est un atout.

Un levier de mobilisation

Outre les critères définissant la complexité et le type de projet, la méthode choisie aura des répercussions significatives sur la mobilisation et l’engagement des équipes.

La méthode en cascade repose sur une hiérarchie classique, où chaque membre de l’équipe se voit attribuer un rôle précis, limité aux tâches spécifiques d’une phase donnée. Cette structure favorise donc un travail en vase clos : chacun se concentre sur l’exécution de sa partie du projet, sans nécessairement interagir avec le reste de l’équipe. Le gestionnaire joue un rôle central, coordonnant les activités et s’assurant du respect des délais pour chaque étape. Sans grande surprise, ce modèle favorise la prévisibilité et la clarté des attentes individuelles, mais il risque aussi de générer un certain isolement, limitant les échanges collaboratifs et l’autonomie de chacun.

Pour des projets de longue durée, où certaines phases peuvent s’étendre sur plusieurs mois, la méthode en cascade peut entraîner une certaine démotivation chez les employés dont les tâches sont plus répétitives. Sans une vision d’ensemble ou un lien direct avec le résultat final, certains peuvent ressentir un manque de sens et de reconnaissance dans leur travail. D’autres y trouveront toutefois un environnement plus stable et moins stressant, surtout pour les personnes qui préfèrent travailler selon un plan bien établi, avec des objectifs clairs et une prévisibilité élevée.

À l’inverse, la méthode agile privilégie la collaboration et l’interaction. Les équipes, souvent restreintes à six ou sept membres pour encourager les échanges, sont multidisciplinaires, offrant ainsi une diversité d’expertises à chaque itération. Contrairement au modèle hiérarchique de la méthode en cascade, la méthode agile favorise l’autonomie et l’engagement actif de tous les membres, chacun ayant la responsabilité de contribuer à l’avancement du projet.

Les équipes agiles sont autonomes dans leur gestion, mais comptent sur le soutien de deux facilitateurs essentiels : le chef de mêlée (scrum master), qui aide à prioriser les tâches en fonction des contraintes budgétaires, des échéances et de la nature du projet, et le responsable de produit (product owner), qui s’assure que les besoins du client sont intégrés au processus, veillant aussi à l’élimination des obstacles qui peuvent en freiner la progression.

Ces rôles de soutien permettent aux équipes de rester concentrées et de progresser efficacement malgré les défis ou les changements d’orientation qui peuvent survenir. Les réunions fréquentes – souvent quotidiennes – offrent un espace pour synchroniser les efforts, résoudre les problèmes en temps réel et renforcer le sentiment d’appartenance ainsi que l’engagement de chacun.

Quel est le rôle du gestionnaire?

Le choix de la méthode de gestion de projet a un impact majeur sur le style de leadership du gestionnaire, influençant la dynamique d’équipe et la performance. Dans la méthode en cascade, le gestionnaire joue un rôle central et directif, privilégiant une approche descendante (top-down). Il attribue des tâches précises à chaque membre du groupe, suit l’avancement des travaux à chaque phase et évalue les livrables individuellement. En tant que principal responsable du résultat final, le gestionnaire exerce un contrôle étroit à chaque étape pour s’assurer que les objectifs et les délais sont respectés.

Dans la méthode agile, le leadership est décentralisé. L’équipe assume la responsabilité du processus et du livrable final, tandis que le gestionnaire adopte un rôle de facilitateur. Les pratiques agiles privilégient donc un modèle de leadership partagé, où la performance est évaluée à l’échelle collective. Des rétroactions régulières encouragent l’apprentissage par essais et erreurs et permettent de célébrer les étapes franchies, renforçant ainsi la motivation de l’équipe tout au long du projet.

Cette méthode repose sur une collaboration étroite entre les membres du groupe et encourage leur participation active durant tout le processus. Le gestionnaire n’intervient pas directement dans la réalisation de chaque étape, mais il soutient et facilite le travail de l’équipe, en éliminant les obstacles et en s’assurant que les ressources nécessaires sont disponibles.

Faut-il réellement choisir?

Le choix entre l’une ou l’autre de ces méthodes dépend de la nature du projet et de l’équipe. Certaines personnes apprécieront le cadre structuré de la méthode en cascade, tandis que d’autres pourraient s’y sentir moins motivées en raison de la faible marge de manœuvre créative. Plus dynamique, la méthode agile peut quant à elle stimuler la créativité et la résilience, mais demande une disponibilité élevée des parties prenantes.

Dans certains projets complexes, combiner les deux méthodes peut être une stratégie gagnante : la méthode en cascade pour les étapes structurées et la méthode agile pour les phases nécessitant davantage de flexibilité. Cette approche, qui permet d’allier prévisibilité et réactivité, peut facilement s’adapter aux exigences actuelles de la gestion de projet.

Cas pratique : la transition de CAE vers la méthode agile

Chez CAE, une entreprise qui évolue dans le domaine de l’aéronautique, une équipe a récemment troqué la méthode en cascade contre la méthode agile afin de répondre aux exigences d’un projet nécessitant une réactivité accrue. La transition, menée progressivement, s’est appuyée sur un apprentissage par essais et erreurs. Les employés ont été encouragés à échanger sur leur expérience, ce qui a permis d’effectuer des ajustements à toutes les étapes du projet, en fonction des défis rencontrés.

Les avantages de cette approche se sont particulièrement révélés précieux en contexte de télétravail. Grâce à des réunions quotidiennes, la méthode agile a permis de maintenir un rythme collectif et de conserver un lien étroit entre les membres, malgré la distance physique. Les échanges réguliers ont non seulement favorisé la cohésion, mais ils ont aussi renforcé la motivation de chacun, ouvrant la voie à des améliorations continues. Cette méthode a également stimulé la créativité de l’équipe de CAE, grâce à l’aménagement d’espaces propices à l’expérimentation et aux propositions innovantes.

En adoptant la méthode agile, l’équipe a tiré parti de sa flexibilité et de la dynamique collaborative qu’elle favorise. Cette transition a également mis en lumière l’importance de maintenir une application cohérente des principes agiles, afin d’éviter un retour vers des pratiques plus rigides. Une telle uniformité a garanti efficacité et stabilité tout au long du processus de gestion de projet.

Article publié dans l’édition Printemps 2025 de Gestion