Mélanie La Couture : d’un milieu inspirant à un autre
2024-12-20
French
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2024-12-09
Mélanie La Couture : d’un milieu inspirant à un autre
Leadership , Management
Photo : Antoine Saito
Au printemps dernier, Mélanie La Couture a accepté le poste de cheffe de la direction de l’Orchestre symphonique de Montréal. Pour cette ingénieure de formation, il s’agissait d’un retour dans cette institution où elle avait œuvré de 2007 à 2013, notamment comme cheffe de l’exploitation. Son parcours, entrecoupé par un passage dans le monde de la santé à l’Institut de cardiologie de Montréal, lui donne la chance d’explorer toutes les facettes du management. Elle nous fait part ici de sa réflexion sur la manière d’exercer son leadership.
Animée par la quête de l’excellence, Mélanie La Couture a mis ses talents au service de deux grandes institutions montréalaises. Son passage à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) lui aura permis, pendant une dizaine d’années, de se préparer à ce qui l’attendait ultimement dans son rôle actuel, elle qui ressent un attachement véritable pour l’orchestre montréalais.
C’est dans le cadre d’un projet universitaire, alors qu’elle prépare un MBA à l’Université Western Ontario, qu’elle s’implique pour une première fois auprès de l’OSM. «Nous devions suivre une entreprise pendant un an et rencontrer régulièrement les gestionnaires. Le moment venu, nous devions présenter les résultats de notre étude à Madeleine Careau, qui était alors cheffe de la direction. Le soir même de ma présentation, elle m’a appelée parce qu’elle désirait me rencontrer à nouveau le lendemain pour m’offrir un emploi dans l’organisation.»
À l’époque, la jeune femme avait déjà accepté un poste de conseillère stratégique pour Deloitte à Boston. Mais comme elle disposait de quelques semaines avant son entrée en fonction, elle a passé l’été à travailler à l’OSM.
Pendant ses années aux États-Unis, Mélanie La Couture est demeurée en contact avec Madeleine Careau, qui a fait preuve de patience et a attendu le bon moment pour offrir à sa protégée une occasion de revenir. Cette dernière finira par accepter un poste à la Fondation de l’OSM au début des années 2000 et s’y plaira beaucoup. Pourtant, après une dizaine d’années, voyant sa carrière stagner et en quête de nouveaux défis, elle fait le saut à l’ICM. «Je voulais parfaire mes compétences en matière de collecte de fonds auprès de grands donateurs, avec l’idée de revenir un jour à l’OSM.» La route sera un peu plus longue que prévu.
Une marche à la fois
L’ingénieure s’est toujours sentie bien dans l’univers créatif et émotif de l’OSM. «Quand je m’assois au concert, j’éprouve une sensation de bien-être difficile à décrire, souligne-t-elle. Évidemment, il n’y a pas que dans le milieu culturel que les gens sont passionnés.» C’est probablement là une des similitudes auxquelles elle a pu se raccrocher : cette énergie partagée entre des experts qui déploient leurs talents respectifs pour satisfaire de grandes ambitions. À l’OSM, des musiciens de haut niveau; à l’ICM, des médecins et des chercheurs reconnus.
Toutefois, lorsque Mélanie La Couture est arrivée à l’Institut de cardiologie de Montréal, elle a dû apprendre un tout nouveau langage. «Au début, je ne comprenais absolument rien quand les gens parlaient, surtout quand j’assistais à des rencontres avec les représentants du ministère de la Santé, qui enfilent les acronymes!»
Pendant une telle période d’apprentissage, il faut s’appuyer sur ce qu’on connaît et sur ses forces. Dans son cas, sa formation en génie lui a toujours servi, car elle lui a inculqué une manière de réfléchir et d’aborder des situations complexes. «Je suis arrivée à l’ICM par le biais de sa Fondation, dans un milieu très différent, mais j’avais des responsabilités qui m’étaient familières, soit la collecte de fonds. Lorsque j’en suis devenue la directrice générale, le défi s’étendait aux grands donateurs.» Elle avoue qu’elle n’aurait jamais imaginé qu’elle serait la grande patronne de cet institut de pointe quelques années plus tard. «Pendant quatre ans, j’ai appris, étape par étape», dit-elle.
Pour la dirigeante, la meilleure manière de s’adapter à un nouveau milieu, c’est d’y aller doucement. «On n’arrive pas avec ses gros sabots! Il faut écouter, discuter avec les gens, comprendre les enjeux. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas musicienne. Il ne faut surtout pas prétendre être ce qu’on n’est pas ou faire semblant de connaître ce qu’on ne connaît pas. Ce sont deux grands pièges à éviter. Il y a des gens qui aiment être dans la lumière; moi, je préfère travailler en collaboration.»
Mélanie La Couture apprécie la gestion partagée. À l’ICM, elle pouvait compter sur quatre directeurs experts dans leur domaine : la recherche, les soins, la prévention et l’enseignement. À l’OSM, elle adore faire équipe avec le directeur musical et chef d’orchestre, Rafael Payare.
Écoute et proximité
La gestion étant ce qu’elle est, quelle que soit l’organisation, Mélanie La Couture établit une différence majeure entre ces deux milieux qu’elle a dirigés : la stratégie marketing. «À l’Orchestre, tu veux que les gens viennent souvent et tu cherches à développer de nouveaux publics. À l’Institut de cardiologie, tu souhaites que les gens ne reviennent pas, lance-t-elle en souriant. C’est un état d’esprit complètement diffèrent.»
Par ailleurs, l’OSM et l’ICM ont en commun d’incarner des cultures organisationnelles très fortes. «Ce sont de grandes institutions montréalaises; il faut prendre le temps de les comprendre, de s’en imprégner, avant de vouloir apporter quelque changement que ce soit», souligne Mélanie La Couture. Selon elle, la démarche pour y arriver demeure la même : l’écoute ainsi qu’un suivi honnête et rapide.
«Le leadership, ça ne s’impose pas, et plusieurs aspects peuvent rendre un leader inspirant. Pour ma part, la force de mon leadership, c’est la proximité.» Un de ses défis, à l’ICM, était de conserver cette approche avec un nombre d’employés beaucoup plus grand. Elle a notamment mis en place les «cafés de la PDG», où elle réunissait de petits groupes pendant une trentaine de minutes pour leur demander ce qui augmenterait leur niveau de satisfaction.
«J’ai rencontré tout le monde, de toutes les équipes. Les suggestions étaient nombreuses. Je m’assurais de donner rapidement suite aux demandes qui étaient facilement réalisables. Et quand ce n’était pas possible, je le disais clairement. Quand je n’avais pas de réponse, je le disais, je m’informais et je faisais un suivi sans tarder. Donner l’occasion aux gens de s’exprimer, c’est aussi leur donner le goût de partager la vision d’un leader et de le suivre», conclut Mélanie La Couture.
Article publié dans l’édition Hiver 2025 de Gestion
Leadership , Management