Article publié dans l'édition été 2016 de Gestion

Et si le succès en affaires ne consistait pas en grand-chose d’autre que de trouver d’abord une foule de gens qui ont soif, puis de leur vendre des verres d’eau suffisamment désaltérants pour qu’ils reviennent en acheter une deuxième, une troisième, puis une quatrième fois, en plus d’en parler à tous leurs amis ?

Qu’il s’agisse d’un nouveau projet d’affaires dans une très grosse société ou tout simplement d’une entreprise en démarrage, tout commence par la créativité, la réflexion conceptuelle ou l’inventivité. Cependant, puisqu’une invention ne devient une véritable innovation que lorsque des utilisateurs l’adoptent, tout un pan de cette équation a trait au marketing, qui devient plus que jamais la pierre angulaire de n’importe quel succès entrepreneurial. Et le marketing entrepreneurial, c’est beaucoup moins une affaire de publicité qu’une question de ciblage : il faut savoir précisément à qui on veut s’adresser et offrir à ce public cible la meilleure expérience qui soit dans un domaine précis.


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Savoir à qui s’adresser

Le premier élément a trait à la fameuse foule assoiffée dans notre exemple ci-dessus. C’est en apparence tout simple : la majorité des entrepreneurs et des instigateurs de projets découvrent une chose qui ne marche pas aussi bien qu’elle le devrait sur un marché, conçoivent une solution et la proposent à ceux qui vivaient jusqu’alors dans la pénombre.

Toutefois, deux erreurs fréquentes peuvent être commises dès ce point de départ.

1 - La foule visée ne sait pas qu’elle a soif

Il est toujours plus difficile de vendre sa salade à quelqu’un quand on doit d’abord le convaincre de l’utilité ou de l’intérêt de manger de la salade. C’est un peu la situation qu’a connue l’entreprise D-Box Technologies de Longueuil, dont la technologie est désormais utilisée dans de nombreuses salles de cinéma et qui s’attaque notamment au marché des simulateurs professionnels mais qui s’adressait tout d’abord au marché du cinéma maison. Oui, les gens reconnaissent, après l’essai du produit, que D-Box amplifie grandement le visionnement cinématographique. Toutefois, au préalable, ils n’avaient aucune idée que le fait de bouger en fonction de l’action qui se déroule dans un film pouvait être une expérience intéressante. La foule assoiffée ne savait pas qu’elle avait soif. Résultat : cette entreprise tente depuis au moins dix ans de commercialiser cette innovation technique auprès des propriétaires de systèmes de cinéma maison, ce qui s’avère un défi encore aujourd’hui. Assurez-vous donc, peu importe la nature de votre projet, de vous adresser le plus possible à une foule qui sait qu’elle a soif, sans quoi la route pourrait être longue.

2 - Le marché visé n’est pas constitué d’une seule foule mais de plusieurs foules

Selon l’adage classique en communication marketing entrepreneuriale, les moyennes et grosses entreprises concurrentes disposent de moyens colossaux pour atteindre leurs cibles – à l’image d’un arsenal de bombes atomiques pointées sur une fourmi – alors que les entreprises en démarrage et les nouveaux projets intrapreneuriaux n’ont souvent que très peu de ressources à leur disposition – à l’image d’un lance-pierre pour lequel on n’aurait qu’un seul caillou afin d’atteindre la même fourmi.

Dans un tel contexte, il est clair que le fait de vouloir s’adresser à trop de monde à la fois ne peut pas marcher. Or, de nombreuses entreprises définissent beaucoup trop génériquement la foule assoiffée qu’elles souhaitent atteindre : non, les « femmes de 18-35 ans », par exemple, ne constituent pas une foule homogène avec laquelle vous pouvez discuter directement au moyen d’un seul canal. Sinon, c’est le nombre de ces foules qui est trop important compte tenu des moyens disponibles.

Par exemple, l’entreprise La Fourmi bionique, qui commercialise des céréales de type granola biologique, avait déterminé que son marché était constitué de cinq grands types de consommateurs qui allaient des « hommes parfaits », jeunes et soucieux de leur alimentation et de leur apparence, jusqu’aux jeunes mères adeptes de yoga et soucieuses de ce qu’elles mangent non seulement pour leur propre santé mais surtout pour celle de leur jeune famille. Cinq segments de marché. Cinq foules assoiffées. Pour son expansion hors Québec, il est devenu très clair que La Fourmi bionique ne pouvait pas s’adresser simultanément à l’ensemble de ces foules. L’entreprise a donc choisi le dernier segment, d’une taille importante et, surtout, plus simple à atteindre en partenariat avec une autre entreprise québécoise couvrant ce marché, la marque Lolë.

Bref, peu importe votre projet, vous gagnerez énormément à définir précisément une seule foule assoiffée et à y consacrer toutes vos énergies.

Épater pour fidéliser et pour faire parler de soi

On sait qu’une entreprise fait rarement des profits la première fois qu’un client achète ses produits et services, tout simplement parce qu’il a fallu investir pour attirer ce client. C’est ce qu’on appelle le coût d’acquisition de la clientèle. Qui plus est, on sait que 80 % des décisions d’achats, en entreprise comme chez les particuliers, sont principalement le fruit de ce dont on en a entendu dire.

Or, la fidélisation de la clientèle et la stimulation du bouche à oreille sont toutes deux la résultante de la même chose : à quel point vous avez su être remarquable dans ce que vous avez proposé et livré à vos clients, c’est-à-dire à quel point vous avez su aller au-delà de certaine de leurs attentes (mais surtout pas toutes : ce serait beaucoup trop cher et trop compliqué !).

3 approches vers le succès

Les entrepreneurs et intrapreneurs gagneront toujours à faire ce qui suit :

  1. Dénichez une – mais une seule ! – foule assoiffée et offrez-lui le verre d’eau qui la satisfera.

  2. Livrez votre premier verre d’eau – et tous les autres – en offrant un service remarquable et irréprochable sur toute la ligne. Si une partie de la livraison passe par des tierces parties, par exemple des livreurs ou des centrales d’appels indépendantes, n’oubliez pas que l’expérience que vivent vos clients avec ces tiers fait partie intégrante de ce que vos clients vivent et vous attribuent !

  3. Enfin, pour maximiser les chances d’offrir le meilleur service possible à vos clients, commencez par entreprendre-intraprendre dans un secteur qui vous passionne et vous rendra vous-mêmes heureux. C’est la base de la « contagion » de la satisfaction vers vos clients.


Savoir quelles attentes surpasser

Dans ce domaine, la recherche commence à être très claire : en sortant de n’importe quel commerce, ce qui fait toute la différence a moins trait à ce qu’il y a dans votre sac qu’à la façon dont on vous a vendu et livré ce qui s’y trouvait. Aller au-delà des attentes dans l’isolation des bottes que vous vendez ou dans la durabilité de l’équipement industriel que vous proposez ne compte pas pour grand-chose comparativement au fait d’offrir un service sans faille, courtois et, surtout, attentionné. Il faut être plus sensible aux besoins des clients qu’à ses propres objectifs de vente, quitte, par exemple, à envoyer les clients chez la concurrence lorsqu’on sait que ce que celle-ci offre correspond davantage aux besoins et aux préférences de ces mêmes clients.

Le meilleur marketing partira toujours de vous-mêmes

Le meilleur marketing partira toujours des instigateurs des projets, qu’il s’agisse d’entrepreneurs ou d’intrapreneurs. La logique est celle de ce que j’appelle la « chaîne de contagion du bien-être entrepreneurial », selon laquelle le succès requiert la satisfaction des clients, amenant une loyauté et un bouche à oreille efficace. Or, cette satisfaction ne peut pas survenir sans un service hors pair, que seuls des prestataires de services (entrepreneurs ou employés) ayant vraiment envie de faire ce qu’ils font sont capables d’offrir. Et cette envie est tout simplement le fruit de la passion qu’on éprouve pour son produit ou ses services, voire le fait de sentir qu’on a un impact positif dans la vie des gens qu’on sert.

Des chercheurs de Stanford l’ont bien mesuré : des propriétaires de cafés qui souriaient spontanément parce qu’ils aimaient leur métier et le contact avec leurs clients et leurs employés induisaient plus de plaisir non seulement chez leur personnel mais également chez leurs clients, eux-mêmes plus satisfaits, qui dépensaient davantage, revenaient plus souvent et passaient naturellement le mot à leurs amis et connaissances.