Les gens ont peur pour leur santé et celle de leurs proches, l’économie mondiale a dû prendre une pause, les consommateurs ont remis bien des choses en question, plusieurs entreprises croulent sous les dettes et peinent à reprendre leurs activités… Pas de doute, 2020 est une année pleine de défis. En marketing, notamment.

Aux yeux de Frank van den Driest, cofondateur de l’Institute for Real Growth à Amsterdam, 2020 aura amené tout un virage dans l’industrie du marketing. Voici les cinq leçons qu’il tire de cette crise et qu’il conseille de garder en tête pour rester toujours pertinent.

1- Plusieurs entreprises sont davantage centrées sur l’humain.

Les clients et les actionnaires attirent traditionnellement le plus d’attention des dirigeants d’entreprises. Or, Frank van den Driest, également cofondateur du cabinet de conseils en stratégie de marque Kantar Vermeer, remarque que la COVID-19 a amené un changement spectaculaire.

« L’attention s’est soudainement déplacée vers les autres parties prenantes de l’entreprise, à commencer par ses employés et sa communauté, révèle-t-il. Les dirigeants se sont mis à s’en faire énormément pour la santé de leurs employés et à se demander comment leur entreprise contribuait à la communauté, à la société, voire à la planète. »

Pourtant, avant la COVID-19, les entreprises qui se distinguaient par leur haut niveau de croissance portaient déjà beaucoup d’attention à l’humain, peut-on voir dans les résultats d’une étude réalisée par l’Institute for Real Growth auprès de plus de 1 500 répondants. En fait, les résultats montrent que les entreprises qui avaient une croissance humanisée étaient connectées aux besoins de leurs différentes parties prenantes, arrivaient à mieux anticiper les choses, intégraient souvent différents modèles d’affaires, avaient une culture plus ouverte et arrivaient à offrir à leurs clients une expérience en constante transformation.

« Avec la COVID-19, plus d’entreprises se sont centrées sur l’humain et c’est une bonne chose pour la croissance à long terme », affirme-t-il.

2 - Les gens du marketing doivent être les yeux et les oreilles du monde extérieur.

« Le marketing a perdu de l’influence dans la dernière décennie, parce qu’il était trop axé sur les jouets numériques, sur ce que la technologie peut faire plutôt que sur ce que les gens ont vraiment besoin », note Frank van den Driest.

Là aussi, il remarque que la COVID-19 a changé bien des choses.

« On ramène maintenant le marketing à son rôle essentiel : être les yeux et les oreilles du monde extérieur, précise-t-il. Après avoir observé et écouté, les gens du marketing peuvent rapporter aux dirigeants de l’entreprise les préoccupations des différentes parties prenantes. »

3 - Le numérique doit être intégré aux activités traditionnelles de l’entreprise.

Aux yeux de Frank van den Driest, une erreur fréquente dans les organisations est de séparer le volet numérique du reste. Par exemple, il constate qu’on confie souvent la transformation numérique au chef des technologies sans le faire travailler de près avec les autres départements.

« Or, le client vit une expérience avec une marque sur tous les canaux : à la télévision, sur les réseaux sociaux et en magasin ou au centre de services, explique-t-il. C’est important d’être constant. Une marque ne peut pas promettre une expérience sur un canal et livrer quelque chose de différent sur un autre. Le directeur du marketing doit s’assurer de bien orchestrer tout ça pour que l’expérience de la marque soit cohérente partout. »

De plus, si le numérique est devenu incontournable, Frank van den Driest est d’avis qu’il ne peut pas remplacer toutes les autres stratégies en marketing.

« Lorsque les médias sociaux sont arrivés, plusieurs dirigeants se sont dit que leur entreprise pouvait y être présente gratuitement, alors ils ont coupé dans les budgets de marketing. Mais on ne peut pas tout mesurer avec les médias sociaux. Par exemple, on peut difficilement mesurer le capital de marque. Pour construire une marque forte sur le long terme, ça prend aussi d’autres stratégies que le numérique. »

4- Il faut analyser le pourquoi et le comment avant de lancer un nouveau produit.

Plus que jamais, avant de commercialiser un nouveau produit ou un nouveau service, les directeurs marketing doivent se demander pourquoi ils le font, d’après Frank van den Driest. « Il faut se questionner sur le rôle que jouera ce produit ou ce service, précise-t-il. Quel besoin vient-il combler? Comment vient-il améliorer la vie des gens? »

De plus, il constate que la COVID-19 a amené les gens à se questionner davantage sur les marques et sur ce qu’on trouve derrière.

« La marque exploite-t-elle les gens dans les pays en développement? L’entreprise derrière le produit a-t-elle une très grande empreinte écologique? L’entreprise traite-t-elle les femmes aussi bien que les hommes? Grâce au numérique, le monde est plus transparent, parce que l’information circule rapidement. Il faut porter attention à ce qu’on trouve derrière la marque. »

5 - Les entreprises deviennent de plus en plus politiques.

Au-delà de ce qui se trouve derrière la marque, de plus en plus d’entreprises prennent position politiquement. Pensons à Nike, qui est allé chercher Colin Kaepernick comme tête d’affiche d’une campagne publicitaire. Ce joueur de la NFL a commencé en 2016 à s’agenouiller pendant l’hymne national pour protester contre les violences policières faites aux Noirs aux États-Unis. Depuis, d’autres joueurs l’ont imité, mais son contrat a pris fin et il ne s’est pas retrouvé d’équipe. Donald Trump l’a même invité à se trouver un pays qui lui conviendrait mieux.

« En soutenant Kaepernick, Nike a pris position politiquement, affirme Frank van den Driest. Certains clients étaient très fâchés et ont brûlé leurs souliers Nike. Prendre position politiquement n’est pas facile pour une marque. C’est un risque. Mais oser le faire amène aussi des gens à admirer la marque. Ce n’est plus seulement le produit qui est important, mais ce que la compagnie représente. Et cette tendance deviendra de plus en plus forte. »