Marina Pavlovic Rivas : au-delà de l’impossible

Photo : Maude Chauvin

Après cinq années de recherche et développement dans un domaine hautement complexe, l’entreprise Eli Health lancera prochainement son produit sur le marché américain. Pour Marina Pavlovic Rivas et son partenaire, Thomas Cortina, qui ont démontré une détermination indéfectible, l’impossible peut toujours être réalisé.

La jeune pousse canadienne Eli Health a développé une technologie qui a mené à la création d’un test hormonal simple, à faire soi-même à domicile, basé sur la mesure d’hormones dans la salive et pouvant être utilisé notamment pour favoriser la santé reproductive en facilitant le suivi de la fertilité ou lors de la ménopause. Le projet, pourtant, semblait difficilement réalisable. Mais Marina Pavlovic Rivas n’a jamais craint de tracer sa propre voie, quitte à le faire de façon non conventionnelle, en utilisant les incertitudes pour stimuler les idées afin de trouver des solutions innovantes.

Durant ce long parcours de recherche et développement, avec ce qu’on imagine d’obstacles et de périodes où les progrès trop lents peuvent user le moral, l’entrepreneure raconte qu’elle et son partenaire continuaient malgré tout de nourrir leur motivation. «Ce n’est pas toujours facile de montrer la voie des possibilités lorsqu’on traverse un champ désert! Nous nous demandions parfois : “Et si ce n’était pas faisable?” Mais il faut ignorer ça, dit-elle en riant. Il faut se servir des doutes, qui peuvent être anxiogènes, comme une manière d’éclairer de nouvelles voies à suivre.»

C’est d’ailleurs ainsi qu’est venue l’idée de fabriquer eux-mêmes le test mis au point par l’équipe d’Eli Health, dans leur propre laboratoire. «Nous avons ciblé les risques. Par exemple, une firme externe pourrait ne pas réussir à reproduire la qualité de notre test ou encore, résilier à tout moment notre contrat, pour une raison ou une autre. Devant de telles perspectives, nous avons décidé d’être proactifs.» Il a évidemment fallu convaincre les investisseurs, tant pour construire un laboratoire que pour bâtir les installations nécessaires à la production, une façon de faire inusitée dans cette industrie. Mais le couple d’entrepreneurs a su faire valoir les avantages concurrentiels à long terme.

Observer, comprendre, agir

Enfant timide, Marina Pavlovic Rivas aimait le dessin. Avec son imagination débordante, elle s’amusait à créer toutes sortes d’univers. Curieuse de comprendre ce qui l’entourait, elle observait les adultes et passait des heures à les écouter, cherchant à saisir les dynamiques de son environnement. «Je ne parlais pas beaucoup, j’étais dans ma tête, à esquisser des mondes qui n’existaient pas encore. Et je dirais qu’aujourd’hui, ma démarche est similaire en entrepreneuriat, en ce sens que cela me permet d’innover, de concevoir de nouvelles manières de construire le monde», estime la trentenaire.

Puis, à l’université, la jeune femme comprend le pouvoir d’allier l’action à l’observation. «C’est devenu pour moi incontournable d’agir, de m’impliquer et de constater les résultats de cet engagement!» Le déclic s’est produit à travers le bénévolat et l’engagement social. L’entrepreneure se souvient d’un cours en particulier. Pour le travail de session, il avait été proposé, au lieu d’un long travail écrit, de mettre en pratique les connaissances acquises. «Nous étions dans un immense auditorium, et une fille s’est présentée devant la classe en disant : “Si vous avez envie de travailler sur un projet bien réel, au lieu d’un projet fictif, il y a une occasion de le faire avec un organisme qui offre des logements étudiants abordables.” Je pensais que tout le monde allait se précipiter à l’avant après le cours, et je réfléchissais à une manière de traverser la salle rapidement, se rappelle en souriant Marina Pavlovic Rivas. Mais quand la cloche a sonné, il n’y avait qu’un autre étudiant et moi!» La possibilité d’avoir un impact dans la société, ainsi que les occasions d’apprendre et de découvrir, c’est toujours ce qui la stimule au quotidien.

La persévérance comme manière d’être

Avant de fonder Eli Health, Marina Pavlovic Rivas avait déjà démarré une première entreprise qui développait des solutions en intelligence artificielle et en analyse de données pour les industries créatives. Elle l’a plus tard vendue parce que ces solutions, qui s’intégraient dans un système beaucoup plus large où les décisions stratégiques ne lui appartenaient plus, ne lui donnaient pas le sentiment d’avoir un impact direct. Toutefois, cette expérience concrète lui a permis de comprendre qu’avec de l’effort et de la persévérance, les idées ou les projets qui semblent compliqués, voire irréalistes, peuvent devenir accessibles. «Ça m’a donné la confiance pour créer une compagnie ayant encore plus d’envergure!»

Dès le début, Eli Health s’est fixé des objectifs ambitieux, visant le déploiement d’une technologie encore inexistante. Il fallait donc évaluer le marché, valider les possibilités sur le plan scientifique, comprendre les étapes à suivre et obtenir du financement. Marina Pavlovic Rivas et son compagnon ont participé à un incubateur technologique, le Centech, où ils ont trouvé du soutien et un mentor de choix, Steven Arless, un entrepreneur œuvrant dans l’industrie des technologies biomédicales. «Nous avons été chanceux! Cet homme nous a pris sous son aile, nous a guidés pour franchir chaque étape, s’est impliqué et s’implique encore aujourd’hui dans notre entreprise en tant qu’investisseur», se réjouit la PDG.

Il a tout de même fallu que le duo démontre sa débrouillardise, son habileté à bien s’entourer et, surtout, sa persévérance. Au bout de trois mois dans cet accélérateur de jeunes pousses où les deux entrepreneurs ont pu tisser leur réseau, ici et à l’international, le premier sentier était défriché. Et leur détermination n’a jamais fléchi.

Un esprit libre

Le parcours unique d’Eli Health impressionne. Avec raison. Les défis et les obstacles étaient immenses, dans une industrie difficile d’accès. Marina Pavlovic Rivas réitère l’importance de la curiosité, de la détermination, de la discipline et, particulièrement, de l’indépendance d’esprit. En évoluant dans un domaine aussi pointu que le sien, elle côtoie des spécialistes de grande compétence. «Plusieurs experts voient comment le futur pourrait se transformer, mais certains ne dérogent pas facilement des manières de faire qui existent déjà, explique-t-elle. Souvent, je me fais dire que ce ne sera pas possible, mais je dois essayer de comprendre pourquoi cet expert, qui a tellement plus d’expérience que moi, affirme une telle chose. Je peux ne pas être d’accord, non pas parce que ce qu’il dit est faux, mais parce que son raisonnement s’inscrit dans un paradigme différent du mien et qu’il ne correspond pas à l’endroit où je veux aller.»

Cette capacité à voir les choses autrement et à trouver des voies de passage différentes doit toutefois s’accompagner d’écoute et d’ouverture. «Il faut être capable de recevoir les commentaires, les rétroactions, tout en gardant le cap et en se servant de ce qui nous convient.» L’indépendance d’esprit est certainement la grande force de cette leader qu’est Marina Pavlovic Rivas.

Article publié dans l’édition Hiver 2025 de Gestion