Le transporteur le plus malchanceux de l'histoire de l'aviation cherche à redécoller.

Au palmarès des entreprises les plus malchanceuses de l'histoire du capitalisme, il sera sans doute difficile de déloger Malaysia Airlines, le transporteur national de ce pays de l'Asie du Sud-Est, frappé en l'espace de quelques mois par la perte de deux de ses appareils. 2014, annus horribilis, donc, pour le transporteur aérien, qui voyait, le 8 mars de cette année-là, les 239 personnes du vol MH370 disparaître au-dessus de l'océan Indien, sans que l'on ait pu retrouver l'appareil. Le mystère demeure entier à ce jour. Et comme si cette tragédie ne suffisait pas, le 17 juillet suivant, le vol MH17 était atteint en plein vol par un missile sol-air, alors qu'il survolait à haute altitude la zone de conflit entre l'armée ukrainienne et les milices pro-russes d'Ukraine. Cette fois-ci, 289 personnes périrent dans cet accident.

Une compagnie en chute libre

Au-delà des pertes de vies humaines, dont on s'affligera durant encore longtemps, les conséquences économiques et financières de cette année 2014 à oublier ont été, pour Malaysia Airlines, désastreuses : désertions massives de la clientèle, notamment chinoise et australienne, chute brutale des revenus de l'entreprise et des pertes de plus d'un demi-milliard de dollars en 2015. Comment, dès lors, relancer le transporteur national malaisien dans ces circonstances difficiles?

Cette tâche colossale, c'est celle de l'Allemand Christoph Mueller, un spécialiste du redressement dans le domaine de l'aviation civile, placé à la tête de Malaysia Airlines dans le but avoué de faire de l'entreprise un transporteur rentable d'ici 2018.

Car il faut savoir qu'avant même les tragédies qui l'ont frappée, Malaysia Airlines était en sérieuses difficultés financières, le transporteur n'ayant à son actif que deux années de maigres profits depuis 2008. Sans être une compagnie étatique, la présence du gouvernement a toujours été historiquement bien sentie dans les bureaux du siège social de la Malaysia Airlines, avec les conséquences qu'une telle situation peut engendrer. De fait, des décisions douteuses, conjuguées à une gestion approximative et laxiste des opérations du transporteur, auront mené l'entreprise au bord du gouffre. L'entreprise s'est en effet lancée en 2013 dans une série d'achats d'appareils, notamment quinze Airbus A330 et six mastodontes Airbus A380, dans un contexte d'intense concurrence et de suroffre. Et comme le signale Jeremy Grant dans le Financial Times (lire son article « Malaysia Airlines: Long haul »), la surembauche et la faible productivité de l'entreprise auront aussi placé Malaysia Airlines en porte-à-faux par rapport à ses concurrents, notamment Singapour Airlines et le transporteur à rabais Air Asia, beaucoup plus performants. Un exemple? En 2014, Malaysia Airlines faisait voler 108 appareils avec un effectif de 19 500 employés, et affichait une perte cumulée de 1,1 milliard de dollars entre 2005 et 2014. En comparaison, Singapour Airlines, avec sensiblement le même nombre d'aéronefs (103) et 5 000 employés en moins, a encaissé des revenus de plus de sept milliards de dollars pour la même période, sans jamais présenter de déficit. Trouvez l'erreur...

Un changement de cap majeur

Rien de mieux qu'un électrochoc, celui des accidents de 2014, pour amorcer ce virage à 180 degrés tant attendu. Le contexte s'y prêtant, le nouvel actionnaire de contrôle de Malaysia Airlines, le fonds malaisien Khazanah Nasional, annonçait l'élaboration d'un plan en douze points afin de relancer le transporteur, plan que Christoph Mueller aura la lourde tâche de d'exécuter et de coordonner. Ce plan prévoit notamment :

  • La mise à pied de quelque 6 000 employés sur un total de 20 000 travailleurs, soit une réduction de 30 % des effectifs;
  • L'abandon des ambitions internationales du transporteur et son recentrage sur les destinations régionales de l'Asie du Sud-Est;
  • La vente d'appareils excédentaires afin de ramener le nombre de sièges disponibles à un niveau permettant de dégager un profit;
  • La réduction du nombre de fournisseurs, ceux-ci devant passer de 20 000 à environ 2 000, et la renégociation des ententes avec ces derniers;
  • Une amélioration significative de l'expérience de voyage avec des salons plus luxueux, l'introduction à bord du wifi et des repas plus savoureux servis en vol;
  • Un changement de dénomination et de couleurs, qui n'est pas encore décidé, mais qui n'est également pas exclu.

À première vue, ces actions radicales semblent avoir porté fruit. Le magazine Business Insider (lire l'article « Malaysian Airlines just turned its first monthly profit since before the MH370 crash », signé par Eileen Ng) mentionnait récemment que Malaysia Airlines avait (enfin!) réussi à dégager un premier bénéfice mensuel en février dernier, et ce depuis presque deux ans! La volonté et les efforts y sont, le reste n'est qu'une question de chance et de confiance à regagner auprès de la clientèle afin de faire de Malaysia Airlines une compagnie profitable...