Lu pour vous – Rendre le monde indisponible
2024-11-01
French
https://www.revuegestion.ca/lu-pour-vous-rendre-le-monde-indisponible
2024-11-01
Lu pour vous – Rendre le monde indisponible
Stratégie , Leadership
Alors que le projet culturel de la modernité a été de rendre les êtres et les choses disponibles de manière permanente et illimitée, le grand penseur allemand Hartmut Rosa nous invite à réinventer notre relation au monde, en adoptant une posture différente. Un nouvel état d’esprit.
La disponibilité extrême des objets et des humains dans nos sociétés capitalistes conduit à faire du monde un «point d’agression», selon le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. C’est le point de départ de son livre, qui dénonce cette stratégie de mise à disposition constante.
Accéder à tout
Visites de musées, liesses dans les stades, croisières dans les mers du Sud, shopping à Dubaï, cures ayurvédiques en Inde… tout est désormais à portée de pas, d’avion ou de clic. Les choses se présentent comme si chaque fragment du monde se transformait en objet de conquête permettant l’élargissement de notre horizon. L’attitude généralisée consiste ainsi à vouloir accéder à ces fragments du monde et à «les avoir à disposition plus facilement, plus efficacement, à moindre coût, sans grande résistance et de manière plus sûre».
Quatre dimensions caractérisent cette mise à disposition. Rendre disponible, c’est donc rendre le monde connaissable, atteignable, maîtrisable et utilisable avec un fonctionnement institutionnalisé (régi par l’organisation des sciences et des entreprises, par le développement des techniques, des règles juridiques et de l’ensemble des appareils politico-administratifs).
Revers et bascule
Selon Hartmut Rosa, cette mise à disposition a pour revers le recul du monde, qui bascule aussi en quelque chose de «menacé et menaçant». Au-delà de la destruction de l’environnement, il y a «la peur de perdre le monde, d’être confronté à son mutisme, de le voir passer au gris et à l’incolore» et dans lequel «plus rien ne nous parle». En somme, une relation au monde sans relation. D’où une question : «Quelle autre attitude face au monde est-elle seulement pensable et possible?»
La résonance du monde
Pour le philosophe, changer cette forme de relation agressive au monde (et aux gens) passe non pas par le repli dans une posture contemplative, mais par «la responsivité» ou la «capacité de résonance». «Ce n’est pas le fait de disposer des choses, mais d’entrer en résonance avec elles, le fait d’être en mesure de susciter leur réponse et de s’engager ensuite à son tour dans cette réponse, qui constitue le mode fondamental pour l’humain de l’être-au-monde dans sa forme vivante», résume-t-il.
En pratique, cela signifie se laisser interpeller plutôt que contrôler. S’imprégner d’un savoir plutôt que juger. Accepter d’être atteint, touché, animé par une rencontre plutôt que chercher à la fixer et l’encadrer. Et accepter l’indisponibilité de la résonance comme de ne pas pouvoir déterminer son issue à l’avance…
Stratégie , Leadership