Lu pour vous – Nexus
2025-02-27

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2025-03-12
Lu pour vous – Nexus
Stratégie , Leadership

Après la publication de ses livres à succès Sapiens et Homo Deus, l’historien Yuval Noah Harari récidive et nous fait part de sa réflexion sur l’avenir de l’humanité. Alors que nous entrons dans l’ère de l’intelligence artificielle (IA), qu’est-ce que l’histoire de la diffusion de l’information peut nous enseigner? À quelles situations devrons-nous faire face?

Harari, Y.N., Nexus : une brève histoire des réseaux d’information, de l’âge de pierre à l’intelligence artificielle, Paris, Éditions Albin Michel, 2024, 576 pages.
Découvertes, inventions et conquêtes : devant l’immense pouvoir accumulé, il convient de nous questionner sur l’usage que nous en avons fait, estime l’auteur. L’IA et ses esprits algorithmiques sauront-ils faire évoluer l’humanité vers un monde meilleur? Collecter, emmagasiner et partager toujours plus d’informations nous permettra-t-il de tendre vers plus de vérité et de justice?
Pouvoir n’est pas sagesse
L’IA s’avère sans précédent. «Nul ne devrait perdre de vue le fait que l’IA est la première technologie de l’histoire capable de prendre des décisions et de créer de nouvelles idées par elle-même», signale le chercheur. Si elle peut remplacer les humains dans la prise de décision, peut-on pour autant lui faire confiance pour prendre de «sages» décisions?
Aux yeux de l’auteur, il est essentiel de développer une meilleure compréhension de ce qu’est l’information. Si on ne veut pas abandonner le pouvoir à une IA impénétrable, il nous faut comprendre comment l’information contribue à la construction de réseaux humains et réfléchir aux relations qu’elle entretient avec le pouvoir.
La sagesse voudrait qu’on ne recoure jamais à des pouvoirs qu’on ne peut maîtriser. Or, ce qui pousse les gens à abuser du pouvoir, ce n’est pas tant la psychologie personnelle que la capacité unique de notre espèce à coopérer à grande échelle par le biais d’immenses réseaux, estime l’auteur. C’est ainsi que l’on relaie des fictions, des fantasmes et des illusions collectives.
Selon une vision naïve de l’information, les grands réseaux favorisent la compréhension en médecine, en physique, en économie... Cette perception justifie la quête constante de technologies de l’information plus puissantes, mais l’IA a aussi le pouvoir de trop nourrir des conflits existants. Nous continuons alors de polluer la planète et de fabriquer des armes de destruction massive. Après le rideau de fer, ce pourrait être le «rideau de silicium», élément essentiel de l’ère informatique, qui s’interposera entre le genre humain et les grands seigneurs de l’IA.
Si la tendance à se tourner vers les algorithmes pour trouver des réponses ou des conseils se maintient, l’IA risque de nous connaître mieux que nos proches. Déjà, le système émotionnel de l’être humain est déchiffrable par la convergence des pouvoirs de l’IA et des sciences neurologiques. Comment, par exemple,
des politiciens en chair et en os peuvent-ils prendre des décisions si le système financier est de plus en plus contrôlé par l’IA et que le sens même de l’argent finit par dépendre d’algorithmes impénétrables? Comment savoir si nous nous adressons à un être humain ou à un agent conversationnel (chatbot) qui se fait passer pour un humain? Et si cette quantité d’informations empirait notre sort au lieu de l’améliorer? Voilà autant de questions que soulève l’auteur.
Article publié dans l’édition Printemps 2025 de Gestion
Stratégie , Leadership