Il y a non seulement ce que les mots disent sans le dire vraiment, mais il y a aussi la complexité et l’ambivalence du message. Les sources d’incompréhension entre l’émetteur et le récepteur sont nombreuses. Pourquoi est-il si difficile de se comprendre?

Identifier les sources de nos incompréhensions : voilà à quoi se consacre l’auteur de ce livre, Éric Dacheux, professeur en sciences de l’information et de la communication à l’Université Clermont Auvergne en France. Et parmi ces facteurs de mauvaise compréhension, l’auteur s’attache particulièrement à déconstruire ce qu’il nomme les «prêts-à-penser communicationnels».

Dacheux, E., Comprendre pourquoi on ne se comprend pas, Paris, Éditions du CNRS, coll. « Biblis», 2023, 208 pages.

 

Huit clichés communicationnels

Les agents de publicité, les journalistes reconvertis, les formateurs à la pige diffusent tous un savoir sur la communication qui est erroné et dépassé, estime le chercheur, qui répertorie huit clichés à bannir :

1 – Communiquer, c’est uniquement transmettre une information;

2 – La communication n’est qu’une relation verbale;

3 – Communiquer, c’est forcément s’affranchir de l’espace et du temps;

4 – Si l’on communique bien, on se fait toujours bien comprendre;

5 – La différence culturelle est le principal obstacle à la communication;

6 – Communiquer efficacement, c’est cibler;

7 – Les médias numériques facilitent la communication;

8 – Aujourd’hui, Internet est le média le plus important.

Huit enseignements scientifiques

À ces huit prêts-à-penser communicationnels, l’auteur oppose huit enseignements tirés de la recherche en sciences de l’information et de la communication :

1 – Communiquer, c’est partager une relation bien avant de partager une information (c’est même l’essentiel des conversations courantes comme parler du temps ou du match de hockey de la veille);

2 – La communication est une relation sensible qui recourt, au-delà des mots, aux gestes et à la présentation de soi. Au-delà du «non verbal», «la communication est aussi paraverbale, c’est-à-dire que le rythme auquel nous parlons, notre timbre de voix, notre accent, etc. vont contribuer à nous faire comprendre [le message]»;

3 – La communication, c’est prendre du temps et construire son espace, «car la communication est la recherche de la bonne distance» et celle-ci s’inscrit nécessairement dans la durée;

4 – Le moteur de la communication est l’incompréhension. «On communique pour réduire l’incompréhension» et pour «construire du sens commun en respectant la liberté individuelle d’interprétation de chacun»;

5 – La différence culturelle nourrit la communication. «Communiquer, c’est alors confronter notre vision du monde à une autre vision du monde. Toute communication met en lien des porteurs de cultures différentes y compris à l’intérieur d’une même famille»;

6 – Communiquer, ce n’est pas cibler, classifier, mais plutôt «reconnaître dans sa singularité»;

7 – Les médias numériques facilitent la connexion et non la communication, qui réclame du temps et de l’espace;

8 – Aujourd’hui, la télévision reste le média le plus important.

L’art délicat de converser

Une fois ces clichés bannis, l’auteur s’emploie à analyser les mécanismes de la communication, des relations humaines, en mettant l’accent sur ces éléments essentiels : l’écoute, la recréation, l’acception des réalités et des perceptions distinctes. Une analyse éclairante.