Axe, Milka, Coca-Cola, Danone, Nestlé… les géants de la distribution s’organisent pour proposer leurs produits en mode zéro déchet. Fini les emballages uniques, vous pourrez bientôt vous faire livrer ces grandes marques dans des contenants réutilisables. Une initiative séduisante pour le consommateur et le climat. Est-ce qu’on y croit ?

C’est au Forum économique mondial de Davos, en janvier dernier, que le projet Loop a choisi de se faire connaître. Portée par diverses multinationales et l’entreprise de recyclage TerraCycle, la plateforme en ligne vise à instaurer un modèle de commerce circulaire à grande échelle tout en réduisant l’usage de l’emballage unique.

Comment ? En permettant l’accès à un ensemble de produits de consommation courante, qui seront livrés aux consommateurs dans des emballages consignés. Après usage, les contenants seront récupérés à domicile pour être ensuite nettoyés et réutilisés, ou recyclés.

Ce fonctionnement, très commode pour le consommateur, nécessite une logistique bien huilée, comme l’explique Clémence Bernard-Colombat, gestionnaire des relations publiques à TerraCycle : « Les contenants sont remplis dans les unités de production de chaque marque, puis envoyés à Loop, qui se charge de les acheminer au domicile des consommateurs, dans un sac réutilisable. Après usage, ils sont renvoyés à Loop afin d’être nettoyés et réacheminés vers les partenaires en vue d’un nouveau remplissage. »

Afin de pouvoir être lavés, réutilisés plusieurs fois et recyclés en fin de vie, des contenants spécifiques ont été conçus par chaque marque.

Un défi logistique

Cette complexité logistique pourrait faire obstacle aux objectifs environnementaux de Loop, estime Dominique Maxime, analyste à Polytechnique Montréal : « Pour être efficace, il faudrait probablement des lieux de conditionnement centralisés, et donc des contenants standardisés d’une marque à l’autre. »

Il croit cependant que, selon le principe d’optimisation industrielle, le nettoyage par Loop des contenants avant leur réutilisation sera plus économe en produits nettoyants et en consommation d’eau qu’un nettoyage chez chaque particulier.

Autre enjeu, celui des transports. Leur logistique est primordiale pour minimiser l’impact environnemental, selon le chercheur. « Or, les transports par Loop vont s’ajouter à ceux des consommateurs qui continueront d’aller à l’épicerie pour se procurer d’autres produits non offerts par la plateforme », note l’analyste. Il souligne également que  beaucoup de déplacements sur des distances limitées, parcourues par des véhicules de taille moyenne et transportan ten partie des contenants vides, seront nécessaires et auront une incidence sur l’optimisation logistique. « Sur ce point, je suis sceptique. Une étude comparative s’imposerait », dit-il.


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La taille des acteurs, moteur ou frein ?

Une multinationale est un poids carbone en soi. Quand de gros acteurs comme Nestlé ou Unilever s’engagent dans des initiatives qui alourdiront leur chaîne logistique, cela peut-il desservir l’objectif qu’ils s’assignent ? Pas nécessairement, croit Denis Cauchon, maître d’enseignement au Département de gestion des opérations et de la logistique à HEC Montréal.

« Faire la collecte de contenants vides, parce qu’il s’agit de récupérer des objets qui n’ont plus de valeur après avoir servi, peut être problématique. Mais le fait que des colosses planétaires comme Danone prennent part à l’initiative pourrait faciliter la diffusion de la pratique », explique l’enseignant. Il poursuit : « Les chaines logistiques à rebours vont s’alourdir, se massifier, ce qui est un facteur de succès pour contribuer à la rentabilité de ce type d’opérations. Mais elles doivent être gérées par des spécialistes de la logistique et de la récupération. Dans ce sens-là, l’initiative a de bonnes chances de générer des résultats positifs ».

Pari risqué mais calculé

Reste la grande inconnue : la réaction des consommateurs. Le prix des produits qu’ils commanderont sur Loop sera le même qu’en magasin. Ils devront dépenser quelques dollars de plus par consigne, qui leur seront remboursés lorsqu’ils retourneront leurs contenants vides. Cela sera-t-il suffisant pour que la plateforme trouve ses adhérents ?

Chose certaine, les partenaires y croient. Ce qui est, à tout le moins, un indicateur que des analyses sérieuses ont été menées, selon Denis Cauchon : « Si on veut faire partie de l’univers commercial, il faut payer son droit d’entrée. Cela nécessite de se conformer à un minimum de règles en matière de comportement. De plus, les consommateurs sont de plus en plus instruits sur le plan du développement durable, donc les entreprises qui font volontairement de l’écoblanchiment aujourd’hui signent leur arrêt de mort. Dans ce sens, on peut penser que l’initiative est sérieuse dans ses intentions. »

De son côté, Loop dit avoir mesuré ses bénéfices environnementaux au cours d’évaluations de cycle de vie. Le lancement prévu ce semestre à New York et à Paris permettra ou non de les valider.