Le monde du travail connaît une transformation sans précédent. Devant la montée du télétravail, l’automatisation croissante, l’importance accordée au bien-être ou encore l’évolution des attentes des employés, les organisations doivent repenser leur manière de faire croître la productivité.

Dans ce contexte de grande mutation, la performance de l’entreprise ne dépend plus uniquement d’employés présents et d’actifs en santé; elle repose aussi sur la manière dont on maximise la valeur du temps que le personnel investit au travail.

Un facteur clé, souvent sous-estimé, joue un rôle déterminant: l’énergie discrétionnaire. Or de quoi s’agit-il exactement? Pourquoi est-elle si essentielle? Et comment les gestionnaires peuvent-ils la mobiliser pour transformer leur organisation et augmenter la productivité?

Ce qu’est l’énergie discrétionnaire

L’énergie discrétionnaire correspond à l’effort supplémentaire qu’un employé choisit d’investir au-delà des attentes minimales. Il ne s’agit pas seulement de faire des heures en plus, mais de démontrer également un engagement profond, où créativité, initiatives et responsabilité s’expriment librement au service de l’équipe et de l’entreprise.

Il y a lieu de considérer cette énergie discrétionnaire comme une étincelle que l’on allume pour générer davantage de valeur dans les projets et activités en cours, développer de nouvelles idées, aller au-delà des attentes et accorder un effort de réflexion ou de résolution de problème plus intense et plus constructif. Pour les gestionnaires qui réussissent à aller puiser dans cette énergie, le rendement supplémentaire se révèle un puissant moteur de performance, de même qu’un avantage concurrentiel exceptionnel.

Une incidence concrète sur la performance

Loin d’être un concept abstrait, l’énergie discrétionnaire a un effet mesurable sur la rentabilité et la compétitivité des entreprises. En effet, libérer cette énergie chez les employés peut entraîner une augmentation de 8,1% du rendement moyen des actifs, et une hausse de 16,3% de l’EBITDA* sur trois ans1.

Toutefois, l’incidence de cette forme d’énergie va bien au-delà des chiffres. En favorisant l’innovation, la qualité des services et l’amélioration en continu, elle permet de renforcer la culture d’entreprise et de retenir les meilleurs talents. Dès lors, elle devient un rempart contre le désengagement et ce qu’on appelle la démission silencieuse (ou quiet quitting en anglais).

Aujourd’hui, les organisations qui réussissent sont celles qui donnent du sens au travail de leurs employés et qui cultivent un environnement propice à cet engagement supplémentaire. Néanmoins, mobiliser l’énergie discrétionnaire des employés ne se fait pas par hasard. Selon une étude de Gallup, à l’échelle mondiale, près de 80% des employés sont désengagés2. Cela demande donc une approche structurée, qui correspond à la culture et aux objectifs de l’organisation. Voici des leviers concrets pour y parvenir.

1 - Aligner les employés sur la raison d’être de l’organisation et les valeurs

Un employé motivé est un employé qui reconnaît le sens accordé à ses efforts. Or, trop souvent, les équipes se voient attribuer des objectifs sans même en comprendre l’incidence globale. Un alignement clair du travail à la fois sur les attentes à l’égard de chaque employé et la mission de l’entreprise joue un rôle clé pour libérer l’énergie discrétionnaire.

Chaque employé est motivé par des éléments différents; alors que certains cherchent la stabilité, d’autres sont poussés par l’innovation ou l’influence sociale. Plus les valeurs d’un travailleur sont reconnues, respectées et mises en valeur quotidiennement, plus celui-ci sera enclin à déployer une énergie supplémentaire, sous forme d'initiative, de prise de responsabilités et de motivation à aller au-delà des attentes.

Un exemple concret : Une entreprise du secteur technologique a vu son taux d’engagement bondir après avoir organisé des rencontres trimestrielles pendant lesquelles chaque département a expliqué de quelle façon le travail de l’équipe contribue à la raison d’être de l’organisation. Les employés ont ainsi pu faire le lien entre leurs tâches quotidiennes et les résultats collectifs.

2 - Offrir des occasions de développement concret

Le manque de perspectives d’évolution de carrière est l’une des premières causes du désengagement. Investir dans la formation et le développement crée un cercle vertueux: les employés se sentent valorisés et redonnent cet investissement en engagement.

Un exemple concret : Une entreprise de services a mis en place un système de mentorat interne au sein duquel chaque employé peut demander un accompagnement personnalisé sur un sujet précis (gestion de projet, leadership, etc.). Le résultat? Une progression rapide des talents et une meilleure rétention des employés clés.

3 - Adopter un leadership humble et inspirant

Un bon leader n’est pas celui qui contrôle tout, mais plutôt celui qui sait écouter les travailleurs, les encourager et leur faire confiance. Quant aux employés qui perçoivent leur leader comme ouvert et empathique, ils sont plus enclins à fournir des efforts supplémentaires sans y être contraints3. Un leadership humble et inspirant engage le personnel, le motive à dépasser les attentes et le pousse à contribuer activement au succès de l’équipe, en lui offrant confiance, reconnaissance des valeurs et possibilités d’épanouissement.

Un exemple concret : Une jeune pousse a instauré des Reverse Feedback Sessions, pendant lesquelles les employés donnent de la rétroaction candide aux gestionnaires sur leur style de leadership et les décisions prises. Le résultat? Une relation plus transparente et une nette amélioration du climat de travail.

4 - Créer un environnement de travail positif et inclusif

Un employé qui se sent reconnu et respecté investira naturellement plus d’énergie dans son travail. Cela passe par le sentiment de pouvoir être soi-même dans l’entreprise, par la reconnaissance de la diversité sous toutes ses formes, ainsi que par un climat de confiance.

Un exemple concret : Une entreprise du secteur financier a vu une hausse de l’engagement après avoir lancé une initiative de reconnaissance de ses pairs, à l’occasion de laquelle chaque employé pouvait nommer un collègue pour un prix mensuel basé sur son influence, sur l’entraide ou sur l’innovation.

5 - Encourager la collaboration et le travail d’équipe

Les organisations les plus performantes ne sont pas celles où chaque employé excelle seul, mais bien celles où les talents se complètent. La collaboration favorise la créativité et l’engagement.

Un exemple concret : Une entreprise du secteur automobile a mis en place des «hackathons internes», lors desquels des équipes mixtes – du marketing, de l’ingénierie et des ressources humaines – travaillent ensemble sur des solutions liées aux défis de l’entreprise. Le résultat? Une meilleure coopération interservices et des idées novatrices mises en place.

6 - Reconnaître les efforts et les contributions

Un simple «merci» sincère peut avoir un retentissement considérable. La reconnaissance doit être fréquente, personnalisée, authentique et alignée sur les motivations des employés.

Un exemple concret : Une entreprise de distribution a observé, par le biais d’un sondage, une hausse de la productivité et de la mobilisation après avoir inauguré un système de félicitations hebdomadaires – publiques ou privées – pour valoriser les contributions exceptionnelles. La clé, ici, est de rester sincère dans la démarche et ne pas tomber dans le piège du geste automatisé.

7 - Favoriser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle

L’épuisement professionnel tue l’énergie discrétionnaire. Les entreprises qui favorisent un équilibre sain entre travail et vie personnelle jouissent d’un engagement plus durable de la part de leurs employés.

Un exemple concret : Une entreprise du secteur technologique a mis en place une politique de «droit à la déconnexion» interdisant les courriels et les réunions avant 9 h et après 17 h, ainsi que les lundis matin et vendredi après-midi. Le résultat? Une diminution du stress perçu par les employés et une amélioration notable de leur engagement à long terme.

Conclusion

Accéder à l'énergie discrétionnaire de ses employés s’avère un levier puissant pour améliorer la productivité et la performance des organisations. Cette forme d’énergie constitue une ressource précieuse qui, lorsqu'elle est bien cultivée, peut transformer profondément la culture organisationnelle, tout en conduisant à des résultats exceptionnels.


Notes 

*EBITDA pour earnings before interest, tax, depreciation and amortization, ou, en français, bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement.

1 - Huang, J., Chowdhury, S., et Ho, J., Getting more mileage from your people: Improving discretionary energy boosts EBITDA and ROA, Korn Ferry Institute, 2017.

2 - Gallup, State of the Global Workplace Report, 2024. Récupéré de: https://www.gallup.com/workplace/349484/state-of-the-global-workplace-report.aspx

3 - Zivkovic, S., Empathy in Leadership: How it Enhances Effectiveness, 80th International Scientific Conference on Economic and Social Development, Université de Zagreb (Croatie), Faculté d’économie et du commerce, 2 avril 2022.