Article publié dans l'édition Hiver 2021 de Gestion

La gestion de l’infrastructure technologique représente tout un casse-tête pour les organisations qui veulent accroître leur efficacité opérationnelle. Aperçu des défis inhérents à l’évolution technologique et des stratégies à déployer pour mieux orchestrer les changements.

La notion d’infrastructure TI englobe les composantes matérielles, les logiciels ainsi que les services nécessaires à l’existence, au fonctionnement et à la gestion de l’environnement informatique d’une entreprise. Afin de garantir un service de qualité exceptionnelle à ses utilisateurs, une infrastructure TI sécurisée et fiable est essentielle. Elle soutient la réalisation de la stratégie d’affaires en permettant de réduire les coûts d’exploitation de l’entreprise, d’assurer le traitement continu des flux d’information et de gérer le personnel de façon optimale.


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Dans un rapport récent, la firme Gartner1 prédisait que d’ici 2025, 80 % des entreprises fermeront leurs centres de données pour faire migrer leurs activités vers l’infonuagique. Les entreprises doivent donc être capables d’anticiper ces changements technologiques et de s’y adapter pour garder une longueur d’avance sur leurs concurrentes.

Les défis d’une transformation

Une étude2 que nous avons menée nous a permis de circonscrire les trois principaux défis auxquels les organisations doivent faire face en ce qui a trait à l’évolution des infrastructures TI.

1) Se transformer

Les nouvelles technologies ouvrent des horizons insoupçonnés pour les entreprises. La nécessité d’acquérir et d’intégrer les connaissances liées à ce domaine de pointe pousse les organisations à se transformer, et ce, parfois en profondeur. Ces changements nécessitent plus que des investissements technologiques : ils requièrent de nouvelles compétences et des expertises variées. Cette démarche mène souvent à la modification de la structure organisationnelle, des processus, de l’exercice des métiers et des façons de faire, d’où l’importance de veiller à ce que les employés comprennent bien les changements préconisés : le succès de ces transformations est tributaire de leur adhésion pleine et entière. L’interrelation entre les technologies, les êtres humains et les processus opérationnels constitue un cocktail dont la recette est parfois difficile à maîtriser (voir le graphique à la page suivante).

2) Être agile et flexible

L’infrastructure doit avant tout servir à soutenir les activités au quotidien. Devant la difficulté de concilier, d’une part, les besoins en matière d’exploitation et de maintenance des systèmes informatiques et, d’autre part, les besoins en matière d’innovation et d’évolution de l’infrastructure TI, les organisations doivent trouver un point d’équilibre.

Une infrastructure TI fonctionnelle mais vieillissante peut devenir un fardeau pour n’importe quelle entreprise. Ainsi, se départir de certaines composantes pour en intégrer d’autres peut entraîner de sérieux problèmes. Afin qu’une organisation soit agile et flexible, il faut idéalement privilégier l’intégration fréquente, voire continue, de nouvelles composantes ou fonctionnalités de l’infrastructure TI. Mais attention : une mise en garde s’impose ici. En effet, il faut à tout prix éviter que ce processus mène à l’apparition de problèmes de compatibilité ou à la redondance de certaines composantes de l’infrastructure TI.

3) Trouver et garder les talents

Le recrutement du personnel qualifié et la rétention des talents pour conserver les expertises et les connaissances au sein des organisations représentent des défis d’envergure. L’évolution rapide et la grande diversité des technologies de l’information contraignent les dirigeants à recruter des gens polyvalents, capables d’apprendre sans relâche et de travailler dans un environnement soumis à des transformations constantes.

Outre leurs compétences techniques, les recrues idéales possèdent des qualités telles que la capacité à gérer efficacement leur stress et à faire face à l’incertitude, un esprit analytique aiguisé, une forte volonté d’apprendre et une grande faculté d’adaptation. La pénurie de main-d’œuvre qualifiée, toujours aussi criante dans le secteur des technologies de l’information malgré la situation provoquée par la pandémie de coronavirus en 2020, complique la gestion des infrastructures TI. Les organisations peinent à recruter non seulement dans les domaines en émergence comme l’analyse de données massives mais aussi dans des champs d’expertise où on utilise parfois des technologies plus anciennes (langages de programmation, bases de données, etc.). Ceci crée un environnement hautement concurrentiel où les employés qualifiés sont fortement sollicités et où le roulement du personnel est considérable.

Les stratégies à privilégier

Les experts qui ont participé à notre étude s’accordent à dire qu’il existe plusieurs stratégies essentielles pour anticiper les changements technologiques et pour s’y préparer. Voici les trois principales méthodes qu’ils ont relevées :

Collaborer efficacement

La collaboration idéale est essentiellement de deux ordres : d’abord entre les équipes TI et les différents secteurs de l’entreprise, puis entre les équipes TI de développement et les équipes TI responsables des opérations. Plus précisément, il s’agit tout simplement de faire en sorte que les équipes TI, les utilisateurs des systèmes informatiques, les responsables des divers secteurs et les décideurs puissent se rencontrer et échanger. L’objectif : définir et préciser les véritables besoins des parties prenantes en distinguant les attentes exprimées de façon informelle et les exigences concrètes formulées lors d’un exercice de consultation officiel. Il est également crucial d’élaborer une stratégie commune, de s’assurer que les efforts d’évolution correspondent aux objectifs organisationnels, de concevoir et de tester conjointement de nouvelles fonctionnalités, de partager les connaissances et de s’informer au sujet de la réalité du travail de chacune des équipes.

La collaboration doit être tout particulièrement efficace entre les équipes de développement des infrastructures TI et les équipes d’exploitation et de maintenance de ces infrastructures afin de faciliter la mise en commun des savoirs, des besoins et des idées.

Être alerte et proactif

Les organisations doivent constamment suivre l’évolution de la technologie, des tendances et des façons de faire. La veille technologique est indispensable, mais encore faut-il être capable d’évaluer la pertinence des nouveautés pour une entreprise. Concrètement, diverses occasions sont à saisir : on peut ainsi nouer des collaborations avec des centres de recherche universitaires ou privés, consulter des firmes de conseil spécialisées, participer aux colloques et aux conférences dans le domaine, etc. Toutes ces activités permettent d’être au courant des plus récents développements dans le domaine ; les équipes TI peuvent y dénicher des idées originales et stimulantes afin d’améliorer les pratiques au sein de leur organisation.

Des experts externes peuvent aussi donner accès à de nouvelles connaissances, guider certains choix en matière d’équipement informatique et permettre d’avoir un regard neuf sur une foule de choses. C’est grâce à une politique d’innovation forte, qui stimule la réflexion et le partage d’idées, qu’une culture de veille technologique peut s’instituer et se développer avantageusement. On peut ainsi organiser des concours d’innovation, offrir des récompenses aux membres du personnel qui prennent d’heureuses initiatives et même créer un centre d’excellence.

Toutefois, être alerte n’est pas suffisant : les organisations doivent aussi favoriser l’adoption d’idées nouvelles. Rien de mieux qu’une culture organisationnelle qui favorise les initiatives inédites, les processus innovants et l’exploration des nouvelles technologies.

Établir une feuille de route

Lancer et tester des idées peut être très stimulant, mais il faut veiller à ne pas gaspiller l’énergie des membres du personnel. Une feuille de route est donc nécessaire. Il est important de bien connaître le cycle de vie des composantes de l’infrastructure technologique, d’en planifier le remplacement afin de prévoir les investissements nécessaires, d’optimiser les changements technologiques requis et d’éviter les cas de désuétude précoce.


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La définition d’un cadre d’architecture d’entreprise et l’évaluation de l’ensemble des éléments de cette architecture (processus, données, équipement, applications, services, normes et standards, etc.) sont nécessaires pour guider les transformations et pour gérer durablement les changements technologiques. L’atteinte de ces deux objectifs est facilitée lorsqu’une équipe spécialisée en architecture d’entreprise est en place. En plus de fixer le cadre d’architecture d’entreprise, cette équipe doit concevoir et prioriser les projets d’ordre technologique tout en sensibilisant le reste de l’organisation aux fonctions de l’infrastructure technologique ainsi qu’aux défis qui s’y rapportent.

Un effort continu

Les TI évoluent sans cesse. L’adaptation à ces transformations successives nécessite des efforts constants afin de tirer profit des occasions qui se présentent. En ayant à leur disposition les ressources, les connaissances, les talents et les expertises nécessaires, les organisations peuvent se préparer aux changements. Toutefois, leurs dirigeants doivent faire en sorte que trois conditions essentielles soient réunies en tout temps : une infrastructure flexible, des équipes alertes ainsi qu’une feuille de route claire et cohérente.


Notes

1 Gartner, « Gartner top 10 trends impacting infrastructure and operations for 2019 » (article en ligne), 2018.

2 Bourdeau, S., Vieru, D., et Coulon, T., « Gestion d’infrastructures techno- logiques et applicatives par les organisations publiques – Enjeux et pratiques d’évolution et de durabilité » (rapport de projet), CIRANO, 2019, 80 pages. Les auteurs de cette étude ont utilisé la méthode Delphi, qui permet de recueillir efficacement les points de vue de différents experts sur des questions souvent complexes. Le processus itératif et structuré favorise l’obtention d’un certain consensus parmi les experts concernés. Ceux-ci sont sollicités à plusieurs étapes du processus pour générer, confronter, synthétiser et prioriser leurs idées.