Le phénomène avait suscité beaucoup d'espoir chez les millions d'Américains souhaitant se doter d'une éducation de niveau universitaire, et ne pouvant souvent le faire parce que travaillant à temps plein. Au cours de la décennie 2000, les universités en ligne, avec leur offre large de programmes et la possibilité pour les étudiants de suivre leurs cours à distance via l'Internet, semblaient constituer la solution idéale pour ces derniers.

De fait, la popularité des universités en ligne n'avait cessé de croître au cours de cette même décennie. Selon le US Department of Education, le nombre d'institutions universitaires à but lucratif (for-profit colleges), dont bon nombre offrait leurs programmes par l'entremise d'Internet, avait été multiplié par cinq entre 1986 et 2007. À ce titre, les données statistiques de la plus grande de ces universités en ligne, la University of Phoenix, étaient impressionnantes.  Fondée en 1976, l'entreprise a connu une croissance proprement fulgurante, multipliant le nombre de ses étudiants par 18 entre 1995 et 2010.  Toutefois, à partir de cette année-là, la chute fut brutale. Comme le rapportait la chaîne CNN récemment, la University of Phoenixa vu le nombre de ses étudiants inscrits fondre comme un iceberg en plein désert de l'Arizona, ceux-ci passant de 460 000 en 2010 pour atteindre le nombre inquiétant de 213 000 pour l'année universitaire en cours.

Évidemment, la question se pose... Qu'est-ce qui a pu provoquer une telle dégringolade pour cette université, de même que pour sa compagnie-mère, Apollo Education Group, dont l'action, qui flottait au-dessus des 50$ en 2010, a perdu plus de 70% de sa valeur depuis, et se traîne sous les 18$ actuellement? L'excellente émission d'affaires publiques Frontline, du réseau américain PBS, s'était penchée sur la question dans son reportage College Inc., diffusé initialement en 2010. Plusieurs irritants majeurs avaient, à cette époque, été soulevés par les journalistes de l'émission, notamment:

  • Les immenses sommes dépensées par ces universités en publicité, au détriment des services éducatifs à rendre. Un exemple? Apollo Education Group a dépensé, lors de la seule année 2011, plus d'un demi-milliard de dollars afin de publiciser ses institutions d'enseignement. La University of Phoenix a également payé 155 millions de dollars pour les vingt prochaines années afin de voir son nom accolé au stade de football de la ville de Glendale (Arizona), arène du Super Bowl tenu en février 2015. L'université n'a aucune équipe sportive;
  • Les techniques de recrutement élaborées par ces institutions d'enseignement à but lucratif, dont certains procédés sont à la limite de l'éthique, quant elles ne basculent pas dans l'illégalité;
  • Les étudiants fréquentant ces institutions d'enseignement forment 10% du contingent des étudiants universitaires chez nos voisins du sud.  Toutefois, ces mêmes étudiants accaparent presque le quart de l'aide financière octroyée par le gouvernement américain aux étudiants;
  • Ces prêts étudiants sont un "argument de vente" supplémentaire mis de l'avant par les institutions d'enseignement afin d’enrôler davantage d'étudiants.  Toutefois, ceux-ci se retrouvent souvent avec des dettes d'étude importantes, et un diplôme universitaire dont la valeur sur le marché de l'emploi est souvent jugée douteuse.

Comme le rapportait le magazine The Atlantic, les universités à but lucratif sont probablement là pour demeurer.  Mais le gouvernement Obama, qui finance indirectement et largement ces institutions et contribue à leurs revenus et à leurs profits, entend resserrer la vis à ces dernières et veut revoir la règle du 90-10, qui interdit à ces institutions de tirer plus de 90% de leurs revenus de fonds publics. On le voit bien, la place du secteur privé dans les sphères de l'éducation et de la santé continue de susciter bien des débats... Qu'en pensez-vous?