Les travailleurs de demain, dans l’ombre de l’anxiété
2025-01-08
French
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2024-12-09
Les travailleurs de demain, dans l’ombre de l’anxiété
Ressources humaines , Management
Dans son plus récent ouvrage, The Anxious Generation, Jonathan Haidt sonne une alarme forte quant aux causes et aux conséquences de l’anxiété et des symptômes associés aux problématiques de santé mentale, notamment chez les jeunes, cette génération Z particulièrement touchée. Alors qu’elle arrive sur le marché de l’emploi, comment s’outiller pour s’adapter à ce contexte?
Selon l’éminent professeur de psychologie sociale et d’éthique à l’Université de New York, la tendance des parents à surprotéger leur progéniture et l’accessibilité tous azimuts à l’univers virtuel auraient nui au sain développement de toute une génération, affectant le sommeil, les relations sociales et la capacité d’attention. De cette anxiété excessive, véritable mal épidémique, découlent également un recul des résultats scolaires et une difficulté à transiter vers le monde adulte. Si, évidemment, les troubles de santé mentale ne sont pas le lot de la majorité, la hausse est fulgurante et inquiétante.
Cette incertitude oppressante
David G. Blanchflower, professeur d’économie au Dartmouth College reconnu pour ses recherches sur l’indice du bonheur, constate, lui aussi, cette hausse de l’anxiété chez les jeunes, et ce, à travers le monde. Il s’inquiète des impacts que peuvent causer les symptômes dépressifs tout au long de la vie. Pointant les effets néfastes des écrans sur les cerveaux en développement, il explique que les jeunes n’ont pas construit leur capacité à affronter l’incertitude. «On voit le changement dans la courbe du bonheur depuis le début des années 2010, ce qui coïncide avec l’avènement des téléphones intelligents. Le fait est que cette anxiété peut rendre moins fonctionnel et affecter la productivité. Il est aussi plus difficile de motiver les employés. C’est donc très important de mettre en place des manières de diminuer l’insécurité que les gens ressentent au travail, de réduire l’inquiétude à propos du futur.»
De son côté, Estelle Morin, psychologue, professeure titulaire au Département de management de HEC Montréal et professeure associée à la Chaire Sens et Travail de l’ICAM – site de Lille, observe cet état d’esprit chez ses étudiants au baccalauréat. «De manière générale, ils semblent avoir peu confiance en l’avenir et je crois que c’est largement associé à l’écoanxiété. Leur anxiété est en lien avec l’état du monde et la crise climatique, car ils se demandent dans quel monde ils vivront et élèveront des enfants. C’est de l’anxiété justifiée! On parle d’une génération anxieuse, mais considérant le contexte, s’ils n’étaient pas anxieux, ce serait inquiétant!»
La psychologue apprécie par ailleurs leur gentillesse et leur bienveillance. L’anxiété aurait-elle tendance à favoriser l’empathie? «Je pense que oui. Je dirais, certainement, qu’ils sont plus conscients, plus prévenants aussi.»
La flexibilité comme mot d’ordre
Pour les gestionnaires sur le terrain, contrer l’anxiété et réduire l’incertitude peut sembler une tâche abstraite. Pourtant, Estelle Morin insiste, il est essentiel de soutenir la relève. «Je crois que la première étape, c’est d’arrêter de mettre les jeunes dans des cases! Les fameux stéréotypes générationnels sont pratiques pour tracer un portrait général, mais ils biaisent les rencontres. Souvent, l’individu en face de nous ne se reconnaît même pas dans cette définition.»
Elle suggère plutôt de s’adapter au développement de la personne selon les étapes de vie qu’elle franchit. «À chaque âge sa phase. Il y a l’étape vertigineuse où l’on transitionne de l’école au marché du travail, la période exigeante où l’on fonde une famille, celle où l’on maîtrise son environnement ou celle où on passe le flambeau. Toutes ont leur lot de défis et de stress. Devant un jeune de 20 ans, qui rêve, qui désire montrer ce dont il est capable, qui bouillonne d’énergie, qui incarne son époque, il faut l’accompagner, valoriser ses idées tout en faisant valoir la valeur de l’expérience.»
Soutenir cette capacité à se développer, c’est faire preuve de flexibilité. Une série de sondages effectuée auprès des jeunes de moins de 35 ans et menée par le Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec, en collaboration avec Léger Marketing, révèle qu’ils ont un profond besoin de comprendre l’impact de leur travail, d’y trouver un sens et de se sentir connectés à la mission de l’organisation. Des valeurs trop éloignées des leurs risquent de les voir décrocher. Les jeunes professionnels estiment également qu’un horaire flexible est un enjeu prioritaire et nombre d’entre eux accepteraient une baisse de salaire pour une semaine de 4 jours.
David G. Blanchflower explique qu’une approche flexible, qui s’adapte aux besoins des travailleurs, influence le sentiment de pouvoir sur son environnement, diminuant ainsi le stress ressenti. «Dans un monde hautement complexe, les gens recherchent un équilibre entre le travail et la vie personnelle, ils valorisent le temps pour soi, la famille, les relations. Ils désirent un plus grand contrôle sur leur vie.» N’est-ce pas ce que nous souhaitons tous?
Ressources humaines , Management